VIENNE, CAPITALE DES AVANT-GARDES
« Vous devez vous montrer grands magiciens. Les joies subtiles, les désirs intimes et délicieux, les espoirs fiévreux, tout ce que nous, Viennois, nous avons au fond de l’âme, vous devez nous le faire voir avec des lignes et des couleurs. Vous devez créer ce qui n’existe pas encore : l’art autrichien ». Tel est le message lancé par Hermann Bahr aux jeunes représentants de la Sécession viennoise (1897-1905). Au tournant du XIXe siècle, la capitale du vaste empire austro-hongrois a en effet des allures de laboratoire expérimental tant dans les domaines de la peinture que de la photographie, de la mode et des arts appliqués. C’est aussi l’époque où Sigmund Freud fait allonger ses premiers patients sur son divan, tandis que Gustav Mahler compose ses symphonies aux accents crépusculaires… Un aréopage de créateurs conduit par Gustav Klimt, Koloman Moser et Josef Hoffmann caresse alors le rêve de rassembler toutes les disciplines dans une seule et même Gesamtkunstwert (« une œuvre d’art totale »). Dans une effervescence et une émulation artistique sans précédent, peintres, architectes, céramistes, sculpteurs, stylistes et artisans se font les apôtres de cette esthétique de la modernité et diffusent leurs créations auprès du plus grand nombre. Doté d’une iconographie exceptionnelle (plus de mille illustrations !), l’imposant ouvrage des éditions Citadelles & Mazenod offre la synthèse la plus complète à ce jour de ce mouvement trop souvent résumé au seul trio de Klimt, Schiele et Kokoschka. Éblouissant !
Vienne 1900, par Christian Brandstätter, Daniela Gregori, et Rainer Metzger, Citadelles & Mazenod, ouvrage relié sous coffret toilé, 31 x 24 cm, 544 pages, 1’200 illustrations couleurs.
VER SACRUM, OU L’ART POUR TOUS !
Époque décidément bénie de cette Sécession viennoise qui vit fleurir l’une des revues les plus ambitieuses et les plus modernistes qui soit ! Créée au tout début de l’année 1898, celle dont le titre sonne comme un manifeste (Ver sacrum est une allusion au « Printemps sacré » des anciens peuples latins) devint, au cours de ses six années d’existence, l’organe officiel de ces jeunes artistes et intellectuels qui souhaitaient faire exploser le carcan des cercles académiques et des esprits bien-pensants. Réunissant les couvertures de cent vingt numéros, l’ouvrage publié par les éditions Skira est une pépite pour les graphistes et les designers d’aujourd’hui, tant l’audace des maquettes de Ver Sacrum comme le soin apporté à ses typographies n’ont pas pris une ride ! Il est vrai que les rédacteurs de la revue avaient pour nom Gustav Klimt, Max Kurzweil et Ludwig Hevesi. Publié dès 1900 à compte d’auteur, Ver Sacrum devait, hélas, s’éteindre en 1903 et voir s’envoler avec elle la belle utopie d’une publication d’exigence destinée à tous les publics… Ver Sacrum. La revue de la Sécession viennoise 1998-1903, sous la direction de Valerio Terraroli, Skira, 28 x 29 cm, couverture reliée, 320 pages, 240 illustrations.
LE DESSIN AU SCALPEL DE LÉONARD DE VINCI
À sa mort, en 1519, l’auteur de La Joconde était célébré dans toute l’Europe occidentale uniquement en tant qu’artiste. Or l’on sait désormais que Léonard de Vinci était un génie universel qui accordait autant d’importance à ses travaux scientifiques qu’à ses activités picturales. Il fallut ainsi attendre les XIXe et XXe siècle pour que resurgissent les milliers de pages de ses carnets, reflets de ses insatiables recherches. Parmi celles-ci, ses études anatomiques révèlent une extraordinaire connaissance du corps humain pour son époque. Des mystères de la conception jusqu’aux plus infimes détails des muscles et des organes, rien ne semble échapper à son exceptionnel talent de dessinateur. Provenant des collections de la Royal Library (Windsor Castle), les quatre-vingt-sept feuilles publiées dans cet ouvrage laissent pantois d’admiration. On n’ose imaginer l’impact que ces planches auraient eu sur la recherche médicale si elles avaient pu être publiées en leur temps ! Léonard de Vinci. Anatomiste, par Martin Clayton et Ron Philo, Actes Sud, 20 x 25 cm, 256 pages.
CASSANDRE, L’EMPEREUR DE L’AFFICHE PUBLICITAIRE
Qui se souvient encore de ce graphiste de génie qui se cachait sous l’énigmatique pseudonyme de « Cassandre » ? C’est pourtant ce magicien des cadrages et des jeux typographiques qui créa, dans la première moitié du XXe siècle, les plus belles affiches publicitaires pour les chemins de fer, le paquebot Normandie ou la boisson Dubonnet. Pierre Bergé, en personne, le tira de sa retraite pour qu’il dessine en 1961 le logo YSL de la marque Yves Saint Laurent ! Né en Ukraine le 24 janvier 1901 dans une famille française d’importateurs de vins de Bordeaux (une activité fort lucrative sous le régime tsariste), Adolphe Jean Marie Mouron, de son vrai nom, fréquente très jeune les ateliers libres de Montparnasse et se passionne parallèlement pour l’architecture. Ce n’est pourtant guère dans la peinture qu’il trouvera véritablement sa voie, mais bien plutôt dans l’affiche publicitaire à laquelle il va donner ses lettres de noblesse. Marqué par ses lectures de Le Corbusier et imprégné des leçons de rigueur et de dépouillement du Bauhaus, Cassandre définira lui-même sa manière comme « géométrique et monumentale ». Grand connaisseur de son œuvre, Alain Weill s’est plongé dans les archives familiales et les correspondances d’amis proches pour signer, chez Hazan, cette magnifique monographie fourmillant de documents et de photographies inédites. Il était temps de faire connaître aux jeunes générations le travail de celui que Blaise Cendrars nommait « le premier metteur en scène de la rue ». Cassandre, par Alain Weill, Hazan, relié sous étui, 27,2 x 33 cm, 280 pages.
ENTRE GRÂCE ET HUMANISME, L’ŒIL DE MARTINE FRANCK
Sa silhouette était aussi discrète et délicate que le regard qu’elle portait sur les êtres et les choses du quotidien. Décédée en 2012, la photographe Martine Franck a laissé derrière elle des milliers d’images qui traduisent, toutes, cette attention profonde et ce respect porté sur les humbles, qu’ils soient vieillards dans un hospice, moines bouddhistes, ou gamins dans un faubourg de Dublin. C’est à l’occasion d’un voyage en Extrême-Orient avec son amie de toujours, la femme de théâtre Ariane Mnouchkine, qu’elle découvre en 1963-1964, et presque par hasard, la photographie. De retour à Paris, Martine Franck collabore avec Time-Life, avant de revendiquer son statut d’auteur et de photographe indépendante. Ayant hérité de ses parents, tous deux collectionneurs, une grande sensibilité pour le monde artistique, elle publie alors de merveilleux portraits de peintres, de sculpteurs et d’écrivains (Michel Leiris, Marc Chagall, Albert Cohen, Etienne-Martin…). En 1970, elle épouse le célèbre photographe Henri Cartier-Bresson avec lequel elle créera, bien des années plus tard et avec le concours de leur fille Mélanie, ce lieu magique et inspiré qu’est la fondation HCB. Nul ne pouvait rendre plus bel hommage à cette femme sensible et généreuse que l’éditeur Xavier Barral, tout juste disparu. Cette monographie est à leur image : élégante et pudique… Martine Franck, textes d’Agnès Sire, Anne Lacoste, Éditions Xavier Barral/Fondation Henri Cartier-Bresson, relié, 23 x 29 cm, 300 photographies N&B, 328 pages.
LES CENT ANS DU BAUHAUS
Le Bauhaus vient de fêter ses cent ans et reconnaissons qu’il se porte à merveille ! Peu de mouvements continuent en effet d’exercer autant de fascination sur les créateurs d’aujourd’hui que cette école fondée à Weimar en 1919, et dissoute à Berlin en 1933 sous la pression des nazis. Que ce soit dans l’habitat, le design, les méthodes de production, le théâtre ou la mode, les personnalités artistiques et les professeurs qui animèrent le Bauhaus – Walter Gropius, Vassily Kandinsky, Paul Klee – n’avaient qu’un mot d’ordre : créer un langage universel, dénué de superflu et accessible à tous. Réactualisée à l’occasion du centenaire de cette école, l’imposante somme des éditions Taschen a été réalisée avec la collaboration étroite du Bauhaus-Archiv/Museum für Gelstaltung de Berlin. Des clichés pris sur le vif pendant les séances de gymnastique des élèves aux ballets mécaniques et futuristes d’Oscar Schlemmer, en passant par les plans architecturaux d’une modernité sidérante, l’on mesure le caractère avant-gardiste de cette révolution esthétique. Publié par le même éditeur, un livre révèle, quant à lui, le rôle pionnier des femmes artistes qui participèrent au mouvement comme Marianne Brandt, Gertrud Arndt ou Lucia Moholy. Il était plus que temps de les remettre en lumière ! Bauhaus, par Magdalena Droste, relié, 24 x 31,6 cm, 400 pages. Les filles du Bauhaus, par Patrick Rössler, Taschen, reliure en tissu, 17 x 24 cm, 480 pages..