LE BOOM DE L’ART CONTEMPORAIN AFRICAIN

Demas Nwoko (Nigérian, né en 1935), Children on Cycles, signé deux fois “Nwoko D Nwoko Demas” (verso), huile sur planche, 121,9 x 91,4 cm. Vendu pour 222’075 USD le 2 mai 2019 à
Demas Nwoko (Nigérian, né en 1935), Children on Cycles, signé deux fois “Nwoko D Nwoko Demas” (verso), huile sur planche, 121,9 x 91,4 cm. Vendu pour 222’075 USD le 2 mai 2019 à
Création de foires internationales et de musées, expositions d’envergure dans des fondations privées, envol de la cote des artistes dans les galeries comme dans les ventes… L’art africain contemporain suscite un engouement sans précédent. Pionnière dans ce secteur, la Maison Bonhams est un acteur essentiel dans ce marché florissant. Qui connaissait, il y a encore peu, les noms de Ben Enwonwu, El Anatsui, Yusuf Grillo ? Et pourtant, lors de la vente « Africa Now-Modern Africa » orchestrée en mai 2016 à Londres par la Maison Bonhams, les œuvres de ces artistes atteignirent des sommes pharaoniques en doublant, voire triplant leurs estimations ! Au cours de ces quatre dernières années, on assiste, en effet, à une flambée du marché de l’art africain contemporain, dernier Eldorado, après la Chine, des collectionneurs et des marchands internationaux. Sans doute la raison tient-elle au fait que de nombreuses expositions ont préparé le terrain en révélant au public occidental l’extrême vitalité et l’éclectisme de la création sur le continent noir. On se souvient ainsi du choc provoqué par « Les Magiciens de la terre », l’exposition légendaire de 1989 réalisée conjointement par La Grande Halle de La Villette et le Centre Pompidou, à Paris. On y découvrait, ébloui, les centaines de dessins de l’artiste ivoirien Frédéric Bruly Bouabré composant une vertigineuse encyclopédie visuelle, aux côtés des cités utopiques en plastique et en carton de Bodys Isek Kingelez (originaire de la République démocratique du Congo) et des peintures et sculptures inspirées du vaudou réalisées par l’artiste...

Création de foires internationales et de musées, expositions d’envergure dans des fondations privées, envol de la cote des artistes dans les galeries comme dans les ventes… L’art africain contemporain suscite un engouement sans précédent. Pionnière dans ce secteur, la Maison Bonhams est un acteur essentiel dans ce marché florissant.

Qui connaissait, il y a encore peu, les noms de Ben Enwonwu, El Anatsui, Yusuf Grillo ? Et pourtant, lors de la vente « Africa Now-Modern Africa » orchestrée en mai 2016 à Londres par la Maison Bonhams, les œuvres de ces artistes atteignirent des sommes pharaoniques en doublant, voire triplant leurs estimations ! Au cours de ces quatre dernières années, on assiste, en effet, à une flambée du marché de l’art africain contemporain, dernier Eldorado, après la Chine, des collectionneurs et des marchands internationaux. Sans doute la raison tient-elle au fait que de nombreuses expositions ont préparé le terrain en révélant au public occidental l’extrême vitalité et l’éclectisme de la création sur le continent noir. On se souvient ainsi du choc provoqué par « Les Magiciens de la terre », l’exposition légendaire de 1989 réalisée conjointement par La Grande Halle de La Villette et le Centre Pompidou, à Paris. On y découvrait, ébloui, les centaines de dessins de l’artiste ivoirien Frédéric Bruly Bouabré composant une vertigineuse encyclopédie visuelle, aux côtés des cités utopiques en plastique et en carton de Bodys Isek Kingelez (originaire de la République démocratique du Congo) et des peintures et sculptures inspirées du vaudou réalisées par l’artiste béninois Cyprien Tokoudagba. Vinrent ensuite les expositions conçues par le collectionneur Jean Pigozzi et son marchand André Magnin qui allaient révéler d’autres talents de la scène africaine, parmi lesquels les photographes maliens Seydou Keita et Malick Sidibé, Chéri Samba, le sapeur de Kinshasa, Georges Lilanga, l’enchanteur Makondé et ses personnages aux allures de cartoons, ou bien encore Romuald Hazoumé, l’auteur de singuliers masques fabriqués à partir de bidons… Londres et New-York ne seront pas en reste dans cette promotion de l’art africain contemporain, déplaçant volontiers le regard vers d’autres artistes, la plupart anglophones…

Aboudia Abdoulaye Diarrassouba (Ivoirien, né en 1983) Gri Gri II, 2016 Vendu pour £ 32’500 le 4 octobre 2018 à Londres
Aboudia Abdoulaye Diarrassouba (Ivoirien, né en 1983) Gri Gri II, 2016 Vendu pour £ 32’500 le 4 octobre 2018 à Londres

Mais depuis quelques années, force est de constater que l’Afrique, elle-même, s’approprie son patrimoine et entend jouer désormais pleinement sa partition. Du Mali au Nigeria, en passant par le Sénégal, le Mali, le Cameroun, le Ghana et l’Éthiopie, les foyers d’expressions artistiques ne cessent ainsi de voir le jour, défiant toutes les classifications élaborées jusqu’ici par les critiques et les historiens de l’art occidentaux. Dans un même élan de vitalité, la liste des biennales et des foires africaines ne cesse de s’allonger, reflétant l’intérêt croissant des collectionneurs africains pour la scène artistique née sur leur continent. Dans cette nouvelle cartographie du marché de l’art, figurent ainsi des villes comme Dakar, Marrakech, Kampala, Bamako, Johannesburg, Lagos, Accra… Le monde institutionnel des musées, quant à lui, s’intéresse enfin à ce dynamique secteur et n’hésite plus à consacrer à des artistes vivants d’ambitieuses rétrospectives. « Lorsque la Tate, le Smithsonian et d’autres institutions semblables commencent à présenter des expositions d’art contemporain africain, nous savons que quelque chose de particulier et de merveilleux se passe ; qu’il y a du changement dans l’air » se réjouit ainsi Giles Peppiatt, le directeur du Département d’Art moderne et contemporain de Bonhams. Mais c’est peut-être la création en Afrique même de tout jeunes musées dédiés à la création contemporaine qui reflète davantage encore cette évolution radicale. Citons à titre d’exemples le rôle primordial et pionnier de la Fondation Zinsou, au Bénin, ou bien encore l’ouverture du Zeitz Museum of Contemporary Art Africa à Cape Town (le MOCAA), un majestueux édifice de cinquante-sept mètres de haut situé sur le front de mer…

À ceux qui n’auraient pas l’opportunité de prendre sur place le pouls de la création africaine, la consultation des catalogues de la maison Bonhams présente une heureuse alternative… Le 2 mai dernier s’est en effet tenue à New York une vente exceptionnelle qui présentait les ténors de la scène contemporaine. Parmi les « pépites » qui justifiaient à eux seuls le voyage figuraient, entre autres, cette œuvre poignante d’Aimé Mpane intitulée « La Ramasseuse de Mains Coupées », une mosaïque de bois décrivant le travail forcé d’une jeune femme sur les plantations pendant l’ère coloniale… On y découvrait également une peinture provocatrice de Chéri Samba, l’enfant chéri de Kinshasa, joliment nommée « Je suis un rebelle » (tout un programme !), ou bien encore ce tableau célèbre de l’artiste nigérian Demas Nwoko intitulé « Children on Cycles » qui appartint à Donald Kingsley, le directeur de la Fondation Ford pour la promotion de la culture en Afrique. L’artiste ghanéen El Anatsui, autre « star » de la scène africaine rendu célèbre par ses immenses installations lumineuses réalisées à partir de milliers de capsules de
bouteilles, était également présent à travers une œuvre en bois rappelant ouvertement ses origines Ewe. Mais l’émotion devait atteindre son comble devant ce modeste dessin représentant les barreaux d’une cellule dont l’auteur n’est autre que Nelson Mandela ! Celui qui était alors un opposant politique incarcéré dans la prison de Robben Island tuait en effet le temps en s’adonnant au dessin. Si son exécution peut paraître de prime abord naïve, cette œuvre n’en demeure pas moins un témoignage émouvant d’une page essentielle de l’histoire récente de l’Afrique. Tout aussi poignant mais infiniment plus violent, le grand diptyque halluciné de l’artiste ivoirien Aboudia Abdoulaye Diarrassouba reflète, quant à lui, les spasmes d’un continent souvent traversé par la violence. On n’oubliera pas de sitôt ces êtres fantomatiques et grimaçants dont la présence spectrale hantait, en 2017, la mémorable exposition « Africa and Latin America » de la Saatchi Gallery de Londres…

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