Designer, architecte, urbaniste, Charlotte Perriand aura tout inventé de notre art de vivre. Une exceptionnelle exposition à la Fondation Louis Vuitton lui rend hommage. Enfin !
« Au lieu de taguer les murs, je me mettais des roulements à billes au cou… J’étais désinvolte, je n’en faisais qu’à ma tête et je voulais rester libre ». Voici ce que me racontait en 1998 Charlotte Perriand, avec son petit chignon de sumo sur la tête et ses baskets roses aux pieds, en se souvenant de la jeune femme rieuse et intrépide qu’elle avait été, et qu’elle était toujours… Elle avait alors quatre-vingt quinze ans, une énergie de tous les diables, arrimée à une intelligence très affûtée et une curiosité inextinguible… « Je ne suis pas passéiste, et ce qui se passe aujourd’hui m’intéresse : Internet, l’informatique, etc. », ajoutait-elle, pas dupe pour autant de techniques qui ne sont pas « la » connaissance. Assise dans un de ses fauteuils carrés en cuir et acier chromé, aujourd’hui encore réédité par Cassina, ou circulant dans son bel appartement promontoire japonisant du boulevard Saint-Germain tout en jardins suspendus, elle me parlait d’un « art d’habiter pour le temps présent, qui favorise les échanges et ne cantonne pas les femmes dans leur cuisine ».
Avec son credo, une bonne fois pour toutes : « Ne pas s’encombrer, aller à l’essentiel, toujours… D’ailleurs le vide est tout puissant parce qu’il peut tout contenir. » Et quand je lui ai demandé quel objet comptait le plus pour elle, elle ne m’avait cité aucune de ses œuvres à elle… Mais sur une de ses étagères, elle m’avait montré un vase créé avec une bouteille en plastique donné par un enfant des favelas de Rio. « C’est le plus bel objet que je connaisse ». Après un silence, elle avait précisé «il faut avoir l’œil en éventail » pour dire toute la beauté du monde à qui sait voir.
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Il aura fallu attendre vingt ans après sa disparition pour qu’une grande exposition lui rende enfin hommage ! Mais cela valait la peine, car « Le monde nouveau de Charlotte Perriand » qu’on peut voir dans tout l’espace de la Fondation Louis Vuitton est une incontestable réussite. On y voyage dans l’univers avant-gardiste d’une des plus grandes créatrices de la modernité au XXème siècle, une pionnière restée longtemps méconnue, voire effacée derrière la figure de Le Corbusier...
« Le monde nouveau de Charlotte Perriand 1903-1999 ». Fondation Louis Vuitton, Paris, jusqu’au 24 février 2020.