Une fontaine d’encre et de mélancolie de Su-Mei Tse, Many spoken words (2009), placée à l’entrée d’un parcours proposé en dix salles, met le visiteur au diapason d’un des univers artistiques les plus singuliers du XIXe siècle finissant. Elle évoque le repas funèbre, composé d’une symphonie en noir, que donne des Esseintes, le héros ou l’anti-héros d’A rebours, avant que dès le début du roman il ne se retire d’un monde qui lui est devenu insupportable.
Strasbourg, jusqu’au 17 janvier 2020
Comme il est devenu insupportable l’auteur lui-même qui, du Drageoir aux épices (1874) aux Foules de Lourdes (1906), a cherché à en inventer d’autres, moins invivables, au moyen d’une des écritures les plus coruscantes qui soit, dans l’espoir de couvrir un réel qui se dérobe.
Naturalisme, symbolisme, décadentisme, occultisme, satanisme, catholicisme sont quelques-unes des voies explorées par cet écrivain curieux d’absolument tout dans les domaines les plus reculés des sciences et des arts. Romancier, poète en prose, critique d’art, épistolier, Huysmans collectionnait aussi bien des chefs-d’œuvre que des objets manufacturés, voire des échantillons de kitch, des planches anatomiques comme des échantillons de couleurs. Seul comptait l’exceptionnel, la rareté, la nuance inédite. Ainsi, dans cette exposition transdisciplinaire et immersive, les œuvres de Gustave Moreau voisinent avec les planches du naturaliste Ernst Haeckel, disciple de Darwin et grand spécialiste des méduses, et des coraux et des étoiles de mer, reproduisant les formes mêmes qui entourent Galathée.
Odilon Redon et Félicien Rops donnent la réplique à des astrolabes de la Renaissance et des globes lunaires. L’éclosion de quelques boutons, qu’il s’agisse de fleurs ou de pustules de syphilis produit les mêmes rosaces. Tout est dans tout et rien n’est superflu dans une construction qui se veut œuvre d’art totale.
Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, jusqu’au 17 janvier 2020