A Saint-Germain-des-Prés, une fête de l’œil et de l’esprit

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Pour son vingtième anniversaire, le Parcours des mondes a, plus que jamais, souhaité décliner le Beau sous toutes ses formes et tous ses horizons. A l’heure où la planète semble basculer dans un chaos tant idéologique que climatique, rien ne semblait plus vivifiant que de célébrer ces arts que l’on qualifie désormais de « premiers ». Par Claire Doukhan    Qui eût cru que le petit salon lancé il y a deux décennies par Rik Gadella (le fondateur également de Paris Photo) prendrait une telle ampleur ! Le musée du quai Branly n’avait pas encore pointé son nez à l’ombre de la Tour Eiffel et les amateurs de ces arts que l’on ne qualifiait pas encore de « premiers » étaient une poignée d’initiés qui s’échangeaient des adresses comme on se confie un secret. En 2002, le nombre des galeries participantes ne dépassait pas la vingtaine et rares étaient alors les marchands étrangers qui prenaient part à cette délicieuse aventure. Six années plus tard, ce salon réservé aux afficionados va cependant connaître un tournant décisif lorsqu’il est racheté par la filiale de l’éditeur du magazine Tribal Art. Sous l’impulsion du collectionneur Pierre Moos, qui partage avec le Président Jacques Chirac sa passion pour les arts premiers, le Parcours des mondes se professionnalise alors, au point de s’imposer quelques années plus tard en France et hors des frontières de l’Hexagone comme la référence absolue dans le domaine. Le nombre des marchands étrangers afflue (au gré des éditions on y croise des Italiens, des Belges, des Néerlandais,...

Pour son vingtième anniversaire, le Parcours des mondes a, plus que jamais, souhaité décliner le Beau sous toutes ses formes et tous ses horizons. A l’heure où la planète semble basculer dans un chaos tant idéologique que climatique, rien ne semblait plus vivifiant que de célébrer ces arts que l’on qualifie désormais de « premiers ».

Par Claire Doukhan 

 

Qui eût cru que le petit salon lancé il y a deux décennies par Rik Gadella (le fondateur également de Paris Photo) prendrait une telle ampleur ! Le musée du quai Branly n’avait pas encore pointé son nez à l’ombre de la Tour Eiffel et les amateurs de ces arts que l’on ne qualifiait pas encore de « premiers » étaient une poignée d’initiés qui s’échangeaient des adresses comme on se confie un secret. En 2002, le nombre des galeries participantes ne dépassait pas la vingtaine et rares étaient alors les marchands étrangers qui prenaient part à cette délicieuse aventure.

Six années plus tard, ce salon réservé aux afficionados va cependant connaître un tournant décisif lorsqu’il est racheté par la filiale de l’éditeur du magazine Tribal Art. Sous l’impulsion du collectionneur Pierre Moos, qui partage avec le Président Jacques Chirac sa passion pour les arts premiers, le Parcours des mondes se professionnalise alors, au point de s’imposer quelques années plus tard en France et hors des frontières de l’Hexagone comme la référence absolue dans le domaine. Le nombre des marchands étrangers afflue (au gré des éditions on y croise des Italiens, des Belges, des Néerlandais, des Suisses, des Canadiens, des Américains…), tandis qu’un comité d’experts est chargé d’examiner à la loupe les œuvres sélectionnées afin d’écarter toute pièce litigieuse…

Un acteur essentiel dans la reconnaissance des arts premiers

Mais loin d’être une foire de plus dans le calendrier parisien, le Parcours des mondes devient au fil des ans un acteur essentiel dans la reconnaissance des arts premiers.  D’une érudition et d’une curiosité souvent vertigineuses, les galeristes historiques comme les jeunes marchands se piquent bientôt au jeu et se mettent à organiser d’ambitieuses expositions thématiques, dont les catalogues scientifiques rivalisent avec ceux des musées ! On se souvient ainsi de la présentation, en 2008, de la collection de ce couple d’amateurs d’art à l’œil unique qu’étaient Liliane et Michel Durand-Dessert, ou bien encore, l’année suivante, de cet hommage inédit aux marchands et à leur rôle crucial de découvreur de ces territoires artistiques longtemps ignorés, voire méprisés par les instituions muséales.

Plus pointues encore, deux événements vont mettre en lumière les passerelles étroites jetées désormais entre le monde de la recherche et le marché de l’art. Ainsi, réalisée en partenariat avec la revue Présence africaine, l’exposition Les statues meurent aussi. Ode au grand art africain permet d’identifier, puis d’exposer dans le cadre grandiose de l’Hôtel de la Monnaie, les chefs-d’œuvre filmés en 1953 par Alain Resnais et Chris Marker ! En 2018, le Parcours des mondes évoque à son tour l’exposition mythique qui s’est tenue en 1930 dans la galerie Pigalle. Fidèle à sa réputation, la dernière édition s’est montrée tout aussi exigeante en dévoilant la « beauté convulsive » des statues Uli de Nouvelle-Irlande à travers une exposition et un magnifique ouvrage signé de l’astrophysicien Jean-Philippe Beaulieu.

Décloisonner les cultures et les regards

D’une vitalité à toute épreuve, le Parcours des mondes ne cesse désormais de s’ouvrir à d’autres territoires (l’Asie a fait son entrée en 2015), comme à d’autres formes d’art (l’archéologie est présente depuis 2018). Si prisé par les collectionneurs et les musées, l’art africain contemporain se montre en revanche trop discret aux yeux de Pierre Moos, qui souhaiterait davantage encore décloisonner les regards et séduire de nouveaux amateurs. Les artistes africains ne sont-ils pas les descendants directs de ceux qui ont réalisé, il y a quelques décennies, ces admirables reliquaires Fang ou ces masques Punu d’une présence sidérante ?

Une certitude s’impose cependant. Aux esprits chagrins qui prédisaient la fin programmée de la fascination pour les arts non-occidentaux, la vingtième édition du Parcours des mondes a apporté la preuve éclatante que les amateurs étaient encore nombreux à goûter la dimension onirique des peintures des Aborigènes d’Australie mises en majesté par Stéphane Jacob, la beauté féroce des fétiches nkissi du Congo sélectionnés par Abla et Alain Lecomte, la suprême élégance des masques nô du Japon présentés par Yann Ferrandin, l’art épuré et quasi « brancusien » des peuples  archaïques eskimos exposé chez Edith et Julien Flak …

D’autres marchands ont préféré néanmoins s’aventurer dans des territoires moins explorés, telle la Galerie Pascassio Manfredi qui a dévoilé la statuaire magico-religieuse et quelque peu effrayante de l’île de Nias, au large de la côte occidentale de Sumatra. Le Bruxellois Serge Schoffel s’est intéressé, quant à lui, à la culture Timoto-Cuica qui s’est épanouie au Venezuela entre 800 et 1200 après J.-C. et dont les mystérieuses figures sont entièrement recouvertes de peintures rituelles. Le jeune Charles-Wesley Hourdé a provoqué de son côté un singulier face à face entre la statuaire traditionnelle des chasseurs du Mandé et une œuvre signée par l’artiste malien Abdoulaye Konaté issu de la même communauté.

Enfin, spécialisée dans l’art gréco-bouddhique du Gandhâra, la Galerie Hioco a offert aux regards un ensemble exceptionnel de frises et de reliefs architecturaux décrivant, avec force détails, les différents épisodes de la vie de Bouddha. Lorsque l’on pense au destin tragique de l’Afghanistan, il est cruel de voir combien la vie semblait plus douce dans ces régions aux premiers siècles de notre ère…

 

Le Parcours des mondes s’est tenu à Paris du 7 au 12 septembre, mais de nombreuses galeries de Saint-Germain-des-Prés présentent encore jusque fin septembre leurs expositions thématiques. www.parcours-des-mondes.com

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