NIKI DE SAINT PHALLE, ÉTERNELLE REBELLE

NIKI-DE-SAINT-PHALLE-ÉTERNELLE-REBELLE
À l’occasion du vingtième anniversaire de son décès, le Kunsthaus de Zurich dédie une grande rétrospective à Niki de Saint Phalle pour cette rentrée d’automne. La création de l’artiste francoaméricaine est présentée en une centaine d’oeuvres. es Nanas sont devenues un emblème, sa marque de fabrique. On les retrouve un peu partout dans l’espace public dans le monde entier : accrochées au plafond du grand hall de la gare de Zurich, à Hambourg et même jusqu’à Gwacheon en Corée du Sud. Ces sculptures de femmes sans visages aux formes plantureuses et décomplexées semblent ne jamais perdre leur légèreté: en déséquilibre sur un pied, elles donnent l’impression de danser, de s’élancer ou de sauter dans les airs. Peintes de couleurs vives et souvent de très grande taille, elles communiquent irrésistiblement au spectateur une certaine joie de vivre. Au commencement, il y eut Gwendoline, la première sculpture Nana que Niki de Saint Phalle crée en 1961, inspirée par la grossesse d’une amie. En reprenant des silhouettes féminines archétypales, l’artiste fait référence à ces figures de déesses-mères archaïques des civilisations disparues retrouvées dans les sites archéologiques en territoire maya ou mésopotamien; des figures maternelles rassurantes, englobantes, marquées du sceau de la fertilité. Réalisées, pour les premiers exemplaires d’entre elles, à base d’un grillage qu’elle recouvre de papier mâché, elles sont bientôt élaborées en résine de polyester ou encore en mosaïque. Hon, « elle » en suédois est la première oeuvre monumentale que Niki de Saint Phalle conçoit avec la collaboration de Jean Tinguely,...

À l’occasion du vingtième anniversaire de son décès, le Kunsthaus de Zurich dédie une grande rétrospective à Niki de Saint Phalle pour cette rentrée d’automne. La création de l’artiste francoaméricaine est présentée en une centaine d’oeuvres.

es Nanas sont devenues un emblème, sa marque de fabrique. On les retrouve un peu partout dans l’espace public dans le monde entier : accrochées au plafond du grand hall de la gare de Zurich, à Hambourg et même jusqu’à Gwacheon en Corée du Sud. Ces sculptures de femmes sans visages aux formes plantureuses et décomplexées semblent ne jamais perdre leur légèreté: en déséquilibre sur un pied, elles donnent l’impression de danser, de s’élancer ou de sauter dans les airs. Peintes de couleurs vives et souvent de très grande taille, elles communiquent irrésistiblement au spectateur une certaine joie de vivre.
Au commencement, il y eut Gwendoline, la première sculpture Nana que Niki de Saint Phalle crée en 1961, inspirée par la grossesse d’une amie. En reprenant des silhouettes féminines archétypales, l’artiste fait référence à ces figures de déesses-mères archaïques des civilisations disparues retrouvées dans les sites archéologiques en territoire maya ou mésopotamien; des figures maternelles rassurantes, englobantes, marquées du sceau de la fertilité. Réalisées, pour les premiers exemplaires d’entre elles, à base d’un grillage qu’elle recouvre de papier mâché, elles sont bientôt élaborées en résine de polyester ou encore en mosaïque. Hon, « elle » en suédois est la première oeuvre monumentale que Niki de Saint Phalle conçoit avec la collaboration de Jean Tinguely, à la demande du Moderna Museet de
Stockholm, le musée d’art moderne suédois, en 1966 : une « Nana » gigantesque, longue de vingtneuf mètres, allongée, que les visiteurs peuvent même parcourir de l’intérieur. Immense succès public bien que décriée comme un « délire obscène » par ses détracteurs (parmi lesquels le quotidien bernois Der Bund), la pièce vient apporter la preuve que l’artiste-frondeuse ne reculait devant rien.

C’est en 1952 que Niki fait ses premiers pas dans l’art, en autodidacte, après un séjour en hôpital psychiatrique parisien où elle se relève d’une dépression. « J’ai commencé à peindre chez les fous… J’y ai découvert l’univers sombre de la folie et sa guérison, j’y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l’espoir et la joie », raconte-t-elle dans son autobiographie. Mais ce sont surtout ses performances de tirs à la carabine en 1961 qui rendent son entrée dans le milieu artistique pour le moins bruyante. Armée
d’une carabine, elle vise une planche de plâtre parfois revêtue d’un habit (comme la chemise d’un de ses amants dans le Portrait of my lover) sur laquelle des poches de  peinture colorée ont été collées, et tire. Le résultat ? Ses Tableaux-tirs qui répondent
à ce qu’elle appelle une « illumination » : « j’imaginais que la peinture se mettait à saigner. » Unique femme parmi le groupe des Nouveaux Réalistes, fondé par le critique d’art français Pierre Restany, mouvement artistique qui met en scène de manière critique et décalée la société de consommation et la vie quotidienne. Aux côtés de Jean Tinguely, son complice et bientôt son époux, mais aussi de César, Christo ou Yves Klein, Niki fait figure d’exception et de guerrière. Pour Restany, Niki de Saint Phalle est « une amazone qui a su
assumer la violente révolte de toute une époque à travers la sienne propre » et dont « l’oeuvre immense est prête à affronter les siècles à venir ».

Aux tirs, succèdent les mariées, les accouchées : toute une série de figures féminines que l’artiste crée en relief ou en sculptures avec ses tripes, dénouant à chaque fois les liens de son mal-être, celui d’une jeune femme dont les attentes familiales en matière de vie et de place dans le monde équivalaient aux murs d’une prison.

Bousculer les codes : Niki de Saint Phalle, née Catherine Marie-Agnès Fal de Saint Phalle en 1930 à Neuilly-sur-Seine dans une famille aisée et aristocrate, affirme déjà enfant, une personnalité forte et décidée à mener un propre chemin, loin de la destinée déjà toute tracée pour elle. Elle écrira en 1999 dans son autobiographie, Traces : « j’aidécidé très tôt d’être une héroïne. Qui serai-je ? George Sand ? Jeanne d’Arc ? Un Napoléon en jupons ? » Derrière la femme forte et fantasque telle
qu’elle nous apparaît aujourd’hui, se cache cependant de la fragilité, le spectre des non-dits familiaux et des traumatismes d’enfance, de la maladie psychique et aussi de la colère. Dans une des lettres fictives qu’elle se plaisait à rédiger sans jamais les envoyer, elle s’interrogeait : « quand devient-on rebelle ? Dans le ventre de sa mère ? À cinq ans, à dix ans ? »

Française par son père, elle est née en France où elle passe la plus grande partie de sa vie. Américaine par sa mère, elle choisit d’aller vivre aux États-Unis en 1994, dans une dernière période de sa vie et décède en 2002 à San Diego en Californie. Suisse enfin,
depuis le mariage qu’elle conclut en 1971 avec Jean Tinguely. La rencontre qu’elle fait avec ce dernier pendant les années soixante à Paris est décisive. Leur complicité et leur collaboration artistique durent près de quarante ans jusqu’à la mort de Tinguely en 1991 bien que déjà séparés depuis des années. Parmi les plus belles réalisations à deux mains, on compte la Fontaine Stravinsky, construite place Beaubourg à deux pas du Centre
Pompidou à Paris sur commande de l’État français en 1983. Mais aussi Le Cyclop, gigantesque sculpture de vingt-deux mètres de haut et de trois cent cinquante tonnes d’acier élevée sans autorisation entre 1969 et 1994 dans la forêt de Fontainebleau à
Milly-la-Forêt avec l’aide des artistes Daniel Spoerri et Bernard Luginbühl. L’ensemble est donné à l’État français en 1987, rouvert récemment au public depuis sa restauration en 2021. En Suisse, il ne reste que peu de traces de Niki de Saint Phalle, exception faite de l’Espace Niki de Saint Phalle-Jean Tinguely, rattaché au Musée d’art et d’histoire de
Fribourg, situé dans un ancien dépôt de tramways où trente-cinq oeuvres de l’artiste et vingt-neuf de Jean Tinguely sont exposées.

Le Jardin des Tarots établi en Toscane est l’une des dernières grandes réalisations de Niki de Saint Phalle, ouvert au public en 1998. Elle le conçoit à partir de 1978 avec des maquettes inspirées des arcanes du jeu de tarot pour préfigurer des figures monumentales. Le lieu se pare au fur et à mesure des années de nouvelles sculptures monumentales jusqu’au décès de la créatrice en 2002. Parmi ses inspirations, le Palais idéal du Facteur Cheval (Drôme) ou l’art du sculpteur architecte barcelonais Antonio Gaudi : un véritable ode à la fantaisie qui fait aujourd’hui figure de testament.

 

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed