ÉBLOUISSANTS SOLEILS LES ARTISTES ET L’ASTRE DU JOUR

ÉBLOUISSANTS-SOLEILS
Afin de célébrer les cent cinquante ans du célèbre chef-d’oeuvre de Claude Monet, Impression, soleil levant, le Musée Marmottan à Paris propose une exploration de la représentation du Soleil dans les arts. Râ (ou Rê) dans l’Égypte antique, Apollon, dans le Panthéon grec, Huitzilopochtli chez les Aztèques, le Soleil est le dieu « créateur », donneur de vie. Ses apparitions et disparitions chaque jour, chaque saison sont attendues, scrutées, craintes. Il est l’astre qui donne lumière et chaleur à la terre mais aussi qui rythme la vie de la nature et de l’homme à sa surface. Le motif de l’astre qui darde ses rayons comme autant de promesses de santé et de récoltes abondantes se déploie sur la panse des vases, les pages des manuscrits, les plaquettes de bois et d’ivoire, pour ne citer que quelques exemples. Dès le début du XVIe siècle, les astronomes qui lient les mouvements du soleil à certains phénomènes naturels récurrents reconsidèrent la place de l’homme dans l’univers. Les recherches de Nicolas Copernic, en particulier, démontrent que la terre n’est pas le pivot du monde mais que le soleil occupe le centre de l’univers et qu’astres et planètes tournent autour de lui. Les souverains de droit divin vont reprendre à leur compte cet héliocentrisme et vont s’identifier à l’astre autour duquel le monde tourne. À l’image de Louis XIV, le Roi-Soleil, les monarques vont enjoindre leurs artistes à multiplier les références solaires dans tous les arts. À la même époque se développe la peinture de...

Afin de célébrer les cent cinquante ans du célèbre chef-d’oeuvre de Claude Monet, Impression, soleil levant, le Musée Marmottan à Paris propose une exploration de la représentation du Soleil dans les arts.

Râ (ou Rê) dans l’Égypte antique, Apollon, dans le Panthéon grec, Huitzilopochtli chez les Aztèques, le Soleil est le dieu « créateur », donneur de vie. Ses apparitions et disparitions chaque jour, chaque saison sont attendues, scrutées, craintes. Il est l’astre qui donne lumière et chaleur à la terre mais aussi qui rythme la vie de la nature et de l’homme à sa surface. Le motif de l’astre qui darde ses rayons comme autant de promesses de santé et de récoltes abondantes se déploie sur la panse des vases, les pages des manuscrits, les plaquettes de bois et d’ivoire, pour ne citer que quelques exemples.

Dès le début du XVIe siècle, les astronomes qui lient les mouvements du soleil à certains phénomènes naturels récurrents reconsidèrent la place de l’homme dans l’univers. Les recherches de Nicolas Copernic, en particulier, démontrent que la terre n’est pas le pivot du monde mais que le soleil occupe le centre de l’univers et qu’astres et planètes tournent autour de lui. Les souverains de droit divin vont reprendre à leur compte cet héliocentrisme et vont s’identifier à l’astre autour duquel le monde tourne. À l’image de Louis XIV, le Roi-Soleil, les monarques vont enjoindre leurs artistes à multiplier les références solaires dans tous les arts. À la même époque se développe la peinture de paysage ; observer l’astre de face et saisir des paysages baignés de ses rayons devient alors un défi technique auquel se frottent des artistes parmi lesquels Pierre Paul Rubens ou Claude le Lorrain.

Dans les semaines précédant sa mort, Joseph Mallord William Turner aurait déclaré à John Ruskin « le soleil est Dieu ». Cette assertion qui sonne comme un axiome témoigne du rôle central que le soleil joue dans l’obsession de Turner pour la lumière et la manière de la restituer sur la toile, qu’il s’agisse de la douce lumière de l’aube, de l’éclat sans compromis de midi ou de la vibration du coucher du soleil. À une époque où le soleil est encore source de mystère et d’émerveillement, Turner s’intéresse à l’évolution de la science des astres : il assiste à des conférences de la Royal Society – la Société royale de Londres pour l’amélioration des connaissances naturelles –, installée dans le même bâtiment que la Royal Academy, il s’imprègne des nouvelles théories scientifiques sur le soleil pour tenter de le représenter. Turner a une approche très expérimentale de la technique picturale. Afin d’essayer de reproduire les effets du soleil en peinture, il utilise toute une série de dispositifs visuels. Par exemple, on le voit souvent juxtaposer la zone la plus claire d’une composition avec un motif très sombre pour accentuer le contraste. Il utilise des arcs, des cercles de couleur rayonnants, des coups de pinceau brisés, de la peinture à l’huile épaisse. Sous son pinceau la lumière peut être solide, physique ou, au contraire, un éblouissement brutal. Turner ne se contente pas d’essayer de peindre le soleil ; il s’ingénie à tenter de reproduire son énergie et sa lumière afin qu’elle rayonne dans ses tableaux.

Avec Impression, soleil levant (1872), une toile qui donnera son nom à l’impressionnisme, Claude Monet, installé dans une chambre de l’hôtel de l’Amirauté sur le Grand Quai du Havre, dans un décor d’activités portuaires au petit matin, saisit une impression fugitive d’un événement par essence éphémère : l’apparition et l’ascension de l’astre solaire et les changements fugaces des couleurs du ciel. Pour parvenir à restituer avec justesse ce qu’il éprouve, Monet peint vite, peut-être une ou deux séances ; à la fulgurance du phénomène, l’artiste répond par une peinture vivement esquissée.

Théorie des couleurs de Goethe, études scientifiques sur la physique de la lumière, théorie des lois optiques de la couleur de Chevreul, c’est fort de la connaissance de ces différentes spéculations que Georges Seurat va avoir, le premier, l’idée d’une nouvelle démarche picturale fondée sur la division systématique du ton, approche que reprendra à son compte son ami Paul Signac. Dans Le Port au soleil couchant, Opus 236 (1892), l’artiste met en oeuvre une technique pointilliste complexe faite de touches de couleurs vibrantes, saturées et complémentaires, pour capturer la lumière dorée des derniers rayons du soleil. Bien qu’ajoutant de subtils accents et nuances de couleur afin de conférer énergie et vitalité à la composition, ce tableau conserve une immobilité inhérente alors que le bateau se déplace sur les eaux calmes et que la lumière du soleil est sur le point de disparaître. Ce tableau apparaît comme une vision romancée de la côte méditerranéenne , une incarnation de la conviction du critique Félix Fénéon selon laquelle les tableaux de Signac « font éclore dans la lumière un rêve harmonieux et nostalgique ».

Une même impression à mi-chemin entre observation scientifique et vision intérieure se dégage du Coucher de soleil, Fontainebleau (vers 1900) de Valdemar Schønheyder Møller. Mais ici l’artiste se place directement face au soleil pour regarder le paysage ; il veut saisir sa lumière qui traverse les arbres, mais celle-ci a pris un tel éclat que les parties basses des troncs d’arbres semblent se dissoudre dans une mer de feu et perdre toute leur substance matérielle. Cette lumière intense, presque destructrice du soleil, sera exploitée par les Fauves qui recherchent la couleur pure et vive, les contrastes forts et perturbants de luminosité. Dans Big Ben (1906) d’André Derain, c’est l’ensemble du paysage qui est soumis à l’astre flamboyant. Il se miroite dans l’eau tout en soulignant le flux horizontal ; sa lumière étincelante fait briller d’un rose puissant les piles du pont. Autour du soleil, l’intensité du halo lumineux éclate en touches de roses, de bleus et de jaunes. Avec Solen (1910-1913), Edvard Munch fait également éclater son soleil blanc en une multitude de rayons prenant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel tandis que dans Golden Center (1964) de Richard Poussette-Dart, c’est toute une myriade d’étincelles
colorées qui envahissent la toile, l’artiste « zoomant » au plus proche de l’astre ardent. Au point d’atteindre l’éblouissement.

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