LAVANCHY-CLARKE QUE LA LUMIÈRE SOIT !

LAVANCHY-CLARKE QUE LA LUMIÈRE SOIT !
LAVANCHY-CLARKE QUE LA LUMIÈRE SOIT !
Le Musée Tinguely de Bâle rend hommage à l’un des pères fondateurs du cinéma en Suisse et ailleurs. Le cinéma avant le cinéma, ou comment un homme a su poser les bases d’une industrie et d’un art majeur. Fascinant… François-Henri Lavanchy-Clarke naît à Morges en 1848 d’un père vigneron, un an après la guerre civile du Sonderbund, qui marqua un rôle clé dans l’émergence de la Suisse moderne. Infirmier de la Croix-Rouge suisse pendant la guerre franco-prussienne de 1870, missionné peu après en Égypte, il se sensibilise à la cause des plus démunis. Il fait un passage par la banque privée, crée des automates avant de devenir l’agent général des savons Lever Brothers à Lausanne, les fameux savons « Sunlight ». Il excelle dans la publicité commerciale, pour laquelle il se passionne. Sa carrière est brillante. Lavanchy- Clarke semble un pur produit de ce lieu et de ce temps. Mais un indice est troublant : il soutient activement la fondation d’un atelier pour nonvoyants à Lausanne. Sans ironie aucune, on peut dire que la lumière sera la grande affaire de sa vie. Car François-Henri Lavanchy-Clarke est aussi un passionné de l’image : il réalise de remarquables photos en couleurs et il est l’un des pionniers du marketing visuel. C’est en parvenant à conjuguer ces deux talents qu’il va marquer l’histoire. Les Frères Lumière éclipsent pour un temps leurs concurrents en produisant avant les autres un appareil permettant de se filmer partout, en brèves séquences, mais avec toute la force d’une...

Le Musée Tinguely de Bâle rend hommage à l’un des pères fondateurs du cinéma en Suisse et ailleurs. Le cinéma avant le cinéma, ou comment un homme a su poser les bases d’une industrie et d’un art majeur. Fascinant…

François-Henri Lavanchy-Clarke naît à Morges en 1848 d’un père vigneron, un an après la guerre civile du Sonderbund, qui marqua un rôle clé dans l’émergence de la Suisse moderne. Infirmier de la Croix-Rouge suisse pendant la guerre franco-prussienne de
1870, missionné peu après en Égypte, il se sensibilise à la cause des plus démunis. Il fait un passage par la banque privée, crée des automates avant de devenir l’agent général des savons Lever Brothers à Lausanne, les fameux savons « Sunlight ». Il excelle dans la publicité commerciale, pour laquelle il se passionne. Sa carrière est brillante. Lavanchy- Clarke semble un pur produit de ce lieu et de ce temps. Mais un indice est troublant : il soutient activement la fondation d’un atelier pour nonvoyants à Lausanne. Sans ironie aucune, on peut dire que la lumière sera la grande affaire de sa vie.

Car François-Henri Lavanchy-Clarke est aussi un passionné de l’image : il réalise de remarquables photos en couleurs et il est l’un des pionniers du marketing visuel. C’est en parvenant à conjuguer ces deux talents qu’il va marquer l’histoire. Les Frères Lumière éclipsent pour un temps leurs concurrents en produisant avant les autres un appareil permettant de se filmer partout, en brèves séquences, mais avec toute la force d’une technique qui va changer le monde. Et le monde veut se voir lui-même : l’oeuvre des frères se construit d’abord à partir de la réalité la plus triviale. Ils commencent par filmer une sortie d’usine montrant des ouvriers quittant leur lieu de travail, l’usine Lumière justement : étonnante mise en abîme qui inaugure l’histoire du cinéma… et premier film publicitaire ! Ils filment aussi un train entrant en gare de La Ciotat. Le bruit se répand que le public, pris de panique en voyant la locomotive lui arriver dessus, s’enfuit en courant. On ne voit pas de publicité plus efficace : on se bousculera aux projections. Les premiers « films » de l’histoire du cinéma mettent en scène l’humanité dans son milieu d’alors, l’industrie et le rail, les deux piliers du « progrès » en qui chacun pouvait se reconnaître. Le cinéma est dès sa naissance  indissociable du spectaculaire, du familier et du commerce… Les règles du medium sont fixées. Il fallait franchir une étape décisive en créant un réseau de salles de projection pouvant accueillir un large public. Lavanchy-Clarke devient l’un des premiers concessionnaires de la maison Lumière, chargé de promouvoir le procédé révolutionnaire des deux Français en Suisse. Il disposait à sa guise du matériel permettant de filmer ses contemporains. Il est derrière la caméra ou produit la réalisation de séquences sur lesquelles il apparaît. Une manière d’assurer du même coup sa promotion. Ce sont les premiers films réalisés en Suisse, à peine une année après la mise au point du procédé. Ici encore, les choix reflètent la réalité et les goûts du temps : des lavandières, des scieurs de bois oeuvrant Place Saint-François à Lausanne, des piétons et des fiacres circulant sur la Place Bel-Air à Genève, un défilé militaire, mais aussi un « cortège arabe » et une savoureuse « danse égyptienne ». Des lavandières ? Elles travaillent avec le fameux savon Sunlight, qui apparaît nettement à l’écran… Il contourne l’interdit de la publicité et invente le placement de produits. Car ces films seront projetés en cette année 1896, dans le pavillon créé spécialement à cet effet par Lavanchy-Clarke à l’Exposition nationale suisse de Genève, où la publicité est sévèrement limitée. Ce « Palais des Fées », qui reproduisait l’architecture japonaise, fut le premier cinéma du monde, si l’on entend par là un lieu spécialement conçu à cet effet, dans un but commercial. Par un système astucieux de bons placés dans les boîtes de savons dont il avait pour tâche de favoriser la vente en Suisse, ce prince du marketing offrait au cinéma, dont il devait assurer la promotion pour les Frères Lumière, une très nombreuse clientèle : près de soixante-dix mille visiteurs en franchirent les portes. La presse internationale relaya l’évènement partout dans le monde. Il ne s’arrêta pas là : il organisa des projections dans des salles improvisées partout en Suisse, montrant que l’engouement du public pouvait être durable et l’exploitation rentable. Le cinéma était né, au sens global : chaîne de production, promotion, lieux de diffusion, par le génie d’un homme dont la geste commerciale et artistique contient les ingrédients essentiels de ce qui deviendra bientôt « l’industrie du cinéma » : du spectaculaire, de l’exotisme, du familier et du placement de produits. Ce faisant, cet ingénieux pionnier contribua à créer le cadre indispensable dans lequel les grands artistes vont pouvoir s’exprimer dès les décennies suivantes. C’est ce qu’on peut entendre dans le titre de cette exposition des plus pertinentes : Le cinéma avant le cinéma.

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