FONDATION BEYELER 25 ANS DE SUCCÈS… ET DES TRANSFORMATIONS EN VUE

Joan Miró Paysage (Paysage au coq), 1927
Inaugurée en 1997 à Bâle, la Fondation Beyeler a rapidement acquis une réputation internationale etest devenue le musée le plus fréquenté en Suisse. Pour son vingt-cinquième anniversaire, une centaine de chefs- d’œuvre absolus invitent à la fête. En parallèle, depuis quelques mois ont commencé les gigantesques travaux qui fniront par doubler la construction de Renzo Piano par une autre, non moins imposante, de Peter Zumthor. C’est au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, qu’Ernst et Hildy Beyeler ont ouvert leur petite galerie à Bâle, au n°9 de la Bäumleingasse, en plein coeur de la vieille ville. Une adresse devenue rapidement mythique, mais qui a disparu avec eux. Pendant quelques décennies, ils avaient réussi à en faire un des hauts lieux de l’art moderne, l’équivalent de ce qu’avaient fait Daniel-Henry Kahnweiler ou Aimé Maeght à Paris, Léo Castelli à New York ou Eberhard W. Kornfeld à Berne. Leur créneau, qui est resté le même pendant cinquante ans : les classiques de l’art moderne. Cézanne, Monet, Picasso, Matisse, Miró, Klee, auxquels se sont ajoutés Van Gogh, Kandinsky, le Douanier Rousseau, Giacometti, puis le Pop Art américain, Andy Warhol et Roy Lichtenstein, et enfn l’avant-garde allemande, Anselm Kiefer, Georg Baselitz, Gerhard Richter. Des lithographies d’abord, puis, le succès aidant, des tableaux, toujours plus importants, choisis avec un goût très sûr parmi les chefs-d’oeuvre des chefs-d’oeuvre. Et quand les circonstances le permettaient, les Beyeler ont retenu pour leur collection particulière quelques oeuvres qui répondaient plus que les autres à leur goût de l’harmonie et...

Inaugurée en 1997 à Bâle, la Fondation Beyeler a rapidement acquis une réputation internationale et
est devenue le musée le plus fréquenté en Suisse. Pour son vingt-cinquième anniversaire, une centaine de chefs- d’œuvre absolus invitent à la fête. En parallèle, depuis quelques mois ont commencé les gigantesques travaux qui fniront par doubler la construction de Renzo Piano par une autre, non moins imposante, de Peter Zumthor.

C’est au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, qu’Ernst et Hildy Beyeler ont ouvert leur petite galerie à Bâle, au n°9 de la Bäumleingasse, en plein coeur de la vieille ville. Une adresse devenue rapidement mythique, mais qui a disparu avec eux. Pendant quelques décennies, ils avaient réussi à en faire un des hauts lieux de l’art moderne, l’équivalent de ce qu’avaient fait Daniel-Henry Kahnweiler ou Aimé Maeght à Paris, Léo Castelli à New York ou Eberhard W. Kornfeld à Berne. Leur créneau, qui est resté le même pendant cinquante ans : les classiques de l’art moderne. Cézanne, Monet, Picasso, Matisse, Miró, Klee, auxquels se sont ajoutés Van Gogh, Kandinsky, le Douanier Rousseau, Giacometti, puis le Pop Art américain, Andy Warhol et Roy Lichtenstein, et enfn l’avant-garde allemande, Anselm Kiefer, Georg Baselitz, Gerhard Richter. Des lithographies d’abord, puis, le succès aidant, des tableaux, toujours plus importants, choisis avec un goût très sûr parmi les chefs-d’oeuvre des chefs-d’oeuvre. Et quand les circonstances le permettaient, les Beyeler ont retenu pour leur collection particulière quelques oeuvres qui répondaient plus que les autres à leur goût de l’harmonie et de la beauté, qui invitaient à la contemplation et à la méditation. Ainsi, ils ont réuni en un demi-siècle environ trois cents tableaux, dessins et sculptures, choisis parmi les milliers d’oeuvres qui ont transité par leur galerie (et dont le catalogue est en voie d’élaboration). Cette aventure, Ernst Beyeler l’a évoquée avec Christophe Mory dans un volume d’entretiens, aussi vivants que pleins d’humour, La Passion de l’art (Gallimard, 2003, réédité en édition de poche) et dans un entretien exclusif pour Artpassions (n°3, 2005).

• Henri Matisse, Nu bleu I, 1952 Papiers découpés peints à la gouache sur papier •

• Mark Rothko Untitled (Red, Orange), 1968 Huile sur toile •

Dans les années quatre-vingts, Ernst et Hildy Beyeler, sans héritiers directs, ont transformé leur collection en Fondation. Elle fut présentée pour la première fois au public en 1989, à Madrid au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sophia. Cette exposition n’a pas seulement attiré l’attention internationale du monde de l’art, elle a surtout permis au couple d’enrichir son oeuvre avec une grande méticulosité, évitant ce qui lui paraissait constituer des doublons, complétant d’éventuelles lacunes. D’autres expositions ont suivi, dont une à Berlin. Et c’est fnalement à Riehen, dans le parc de la Villa Berower, que les Beyeler ont pu faire réaliser par Renzo Piano un bâtiment d’un seul étage, créant un lien harmonieux entre l’art et la nature. Pendant les cinq premières années, Ernst Beyeler tint lui-même, les rênes de la Fondation, avant de les confer à Christoph Vitali, puis, en 2008, à Sam Keller, qui avait précédemment dirigé Art Basel. Ernst Beyeler est mort en 2010, deux ans après son épouse Hildy. La Fondation a-t-elle changé depuis? Assurément. Elle s’est résolument ouverte à l’art contemporain par l’acquisition d’oeuvres de Louise Bourgeois, de Peter Fischli, David Weiss, Jenny Holzer, Sigmar Polke ou Roni Horn, par exemple. Quant au rythme des expositions, il s’est accru. Sans parler de l’ambition de certaines expositions, comme celle de Goya, en 2021, ou de Mondrian, en 2022, rivalisant avec celles des plus grands musées. Elles sont devenues possibles grâce à une intense politique de prêts internationaux, une centaine environ des quatre cents oeuvres que compte la Fondation fgurent chaque année dans des expositions à travers le monde.

Paul Cézanne, Madame Cézanne à la chaise jaune, 1888-1890 Huile sur toile

Pour le vingt-cinquième anniversaire, Raphaël Bouvier, commissaire de cette exposition, a choisi de montrer une centaine d’oeuvres qui rappellent l’histoire de la Fondation, en a suggéré les orientations présentes qui font deviner quelques directions futures. Grâce à un accrochage très aéré, chacune déploie pleinement sa force et son rayonnement. En revanche, il a eu l’idée ingénieuse d’insérer quelquesunes des fgures hyperréalistes en résine et en fbre de verre de Duane Hanson (1925-1996). Des peintres en bâtiment, un conducteur sur sa tondeuse, une mère promenant son enfant dans une poussette, un couple assis sur un banc en train de regarder les tableaux comme les spectateurs que nous sommes. Des êtres humains dans toute leur banalité, leur laideur, leur soufrance, leur étrangeté, qui nous mettent mal à l’aise parce qu’ils nous ressemblent ou que nous leur ressemblons. Ils nous sont familiers et nous dérangent en même temps et nous obligent à nous demander si nous sommes bien à notre place.

Tacita Dean, Cúmulo, 2016 Craie sur tableau noir

Ainsi déstabilisés, nous regardons autrement, avec un oeil neuf, le portrait de Madame Cézanne à la chaise jaune de Cézanne, ou de Picasso, l’étude de Femme de l’époque des Demoiselles d’Avignon, qui font partie du Fonds le plus ancien de la collection Beyeler. Tout comme les Nymphéas de Monet, le Paysage au coq de Mirò ou les Zeichen in Gelb (Signes en jaune) de Klee. Nous mesurons mieux ainsi l’apport des autoportraits d’Andy Warhol ou le grand Red, (Orange) de Rothko, qui les ont re-joints plus tard. Sans parler de celui de la Nuclear Family de Marlene Dumas, entré récemment ou les nuages, les merveilleux nuages baudelairiens Cúmulo de Tacita Dean. On s’arrêtera sans le vouloir au milieu des trois grandes fgures de femmes ou du marcheur de Giacometti qui s’imposent dans une salle aux murs vierges.

Rachel Whiteread, Poltergeist, 2020 Tôle ondulée, hêtre, pin, chêne, peinture de maison et techniques

Des classiques de la modernité, respirant harmonie et sérénité, le visiteur chemine vers l’art contemporain, exprimant nos angoisses dans les confits de notre présent. Il n’est pas agréable d’habiter la maison du Poltergeist de Rachel Whiteread, une des acquisitions la plus récente. Enfn, parallèlement à ce parcours construit à partir d’un quart environ des oeuvres qu’abrite la Fondation, une installation d’une plasticienne travaillant généralement in situ, Doris Salcedo (née à Bogota en 1958), intitulée Palimpsest, rappelle le drame des migrants traversant la Méditerranée. Sur un immense tapis sont gravés des noms qui progressivement s’efacent pour être remplacés par d’autres, formés par des gouttelettes d’eau qui submergent les précédentes inscriptions. Comme de nouvelles vagues de victimes qui s’engoufrent dans les abîmes où ont péri ceux qui les ont précédés. De la beauté de l’art à l’horreur de notre monde, il n’y a qu’un pas.

Cette exposition anniversaire ofre une occasion unique de découvrir ou redécouvrir les collections de la Fondation Beyeler dans toute leur impressionnante qualité et leur diversité.

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