L’INDISPENSABLE PUGET

Pierre Puget. 1620-1694, Klaus Herding (éditions Faton)
Pierre Puget. 1620-1694, Klaus Herding (éditions Faton)
Enfin ! Qui pénètre dans les Beaux-Arts de Paris par son portail principal, rue Bonaparte, passe entre le buste du plus grand peintre français – du XVIIe siècle au moins – et celui du plus grand sculpteur français – du XVIIe siècle au moins – : Nicolas Poussin et Pierre Puget. On trouve chez ces deux génies nationaux bien des points communs : formation et débuts quasi-mystérieux, légitime réputation d’« antiquaires » (d’experts en choses antiques), souci de montrer, d’exacerber les passions sur les visages et les corps, capacité de créer l’épouvante aussi bien que l’allégresse, le terrassement aussi bien que la jouissance, anticonformisme, positionnement en marge de la Cour – à Rome pour le premier, à Marseille et un temps à Gênes pour le second – qui fait jusqu’à douter du concept même de « génies nationaux »… Seulement, si notre visiteur-arpenteur de la rue Bonaparte pourra disposer, consulter, choyer dans sa bibliothèque de nombreux ouvrages consacrés à Poussin – de l’essai poétique de Pierre Schneider au grand précis d’Alain Mérot, de l’entraînante biographie de Jacques Thuillier au tout récent Poussin as a Painter de Richard Verdi, entre lesquels s’insèrent des catalogues d’expositions tous plus passionnants les uns que les autres, Poussin y la Naturaleza, Poussin et Dieu, Cézanne et Poussin, Twombly and Poussin, Poussin and the Dance… –, il était jusqu’à très récemment peu gâté pour remplir d’études récentes, et richement illustrées, son rayon Puget. Mais voilà que paraît chez Faton la somme sur le sculpteur que Klaus...

Enfin ! Qui pénètre dans les Beaux-Arts de Paris par son portail principal, rue Bonaparte, passe entre le buste du plus grand peintre français – du XVIIe siècle au moins – et celui du plus grand sculpteur français – du XVIIe siècle au moins – : Nicolas Poussin et Pierre Puget. On trouve chez ces deux génies nationaux bien des points communs : formation et débuts quasi-mystérieux, légitime réputation d’« antiquaires » (d’experts en choses antiques), souci de montrer, d’exacerber les passions sur les visages et les corps, capacité de créer l’épouvante aussi bien que l’allégresse, le terrassement aussi bien que la jouissance, anticonformisme, positionnement en marge de la Cour – à Rome pour le premier, à Marseille et un temps à Gênes pour le second – qui fait jusqu’à douter du concept même de « génies nationaux »… Seulement, si notre visiteur-arpenteur de la rue Bonaparte pourra disposer, consulter, choyer dans sa bibliothèque de nombreux ouvrages consacrés à Poussin – de l’essai poétique de Pierre Schneider au grand précis d’Alain Mérot, de l’entraînante biographie de Jacques Thuillier au tout récent Poussin as a Painter de Richard Verdi, entre lesquels s’insèrent des catalogues d’expositions tous plus passionnants les uns que les autres, Poussin y la Naturaleza, Poussin et Dieu, Cézanne et Poussin, Twombly and Poussin, Poussin and the Dance… –, il était jusqu’à très récemment peu gâté pour remplir d’études récentes, et richement illustrées, son rayon Puget. Mais voilà que paraît chez Faton la somme sur le sculpteur que Klaus Herding, disparu trop tôt pour voir cette mise au monde, préparait depuis quarante ans et que Geneviève Bresc-Bautier, qui veilla longtemps sur les Puget du Louvre (la cour couverte qui les accueille n’est-elle pas la plus charmante partie du palais devenu musée ?), fut chargée d’éditer. Un monument !

Il n’en fallait pas moins pour un sculpteur qui, comme Bernin, fut aussi grand dessinateur, grand peintre et grand architecte. On n’en finira pas de plonger dans ces quatre volumes aux appels de notes vertigineux, de passer de l’un à l’autre des deux volumes « vie et oeuvre » et de ceux-ci à celui qui contient le catalogue raisonné de l’artiste, de s’y délecter aussi des oeuvres rigoureusement rejetées, de prendre en note telle ou telle réflexion de l’auteur qui, par exemple, pointe chez Puget « une certaine dissonance entre la capacité de voir et de penser “en grand”, une fixation sur le détail et une maîtrise qui lui assura le succès » ; de comparer les comparaisons ; d’arpenter les frémissants espaces que Puget réalisa – comme la Charité de Marseille – ou projeta seulement – comme cette grandiose place Royale pour la même ville – ; de se réjouir de posséder en même temps un « livre dans le livre », un peu comme dans certaines églises on entre tout naturellement dans une église plus petite qui y est incluse, soit ici les pages dédiées aux fort talentueux élèves de Puget, les Veyrier ; ou de compulser le dernier des quatre volumes, au papier plus léger, plus grainé, où sont compilés références bibliographiques, pièces d’archives, et extraits attestant l’importante fortune critique que connut l’oeuvre de Puget aux XVIIIe et XIXe siècles. Ainsi lit-on ces remarques de Cézanne à Joachim Gasquet : « Vous rappelez-vous au Louvre, tout ce que nous avons dit devant le Persée et Andromède, le petit corps potelé de vierge blotti dans le giron du grand guerrier, à la Bossuet, et ces trous d’ombre qui peignent en saillie, mettent tout en relief, en couleurs, comme dans ces dessins de Rembrandt où la seule qualité des noirs donne tous les vertiges du prisme. » Et le chantre de la Sainte-Victoire et de l’Estaque de déclarer peu après : « Un Poussin de Provence, ça m’irait comme un gant. » Qu’est-ce à dire ? Où est passé le père des Atlantes de Toulon et du Milon de Crotone ? Réponse page 237 de ce même volume intitulé Documents et anthologie. Annexe : « Cette dernière remarque est intéressante. Apparemment, l’artiste idéal dont Cézanne rêve ici, serait un mélange de Poussin et de Puget. » On n’en finirait pas de dire combien Puget, et avec lui le Pierre Puget. 1620-1694 de Klaus Herding – si attendu, si bienvenu, si exigeant, si inspirant –, est inépuisable et indispensable.

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