Le Palazzo Reale rend pour la première fois un hommageflamboyant aux deux stylistes explorant l’artisanat d’art de laPéninsule et la richesse de son patrimoine.
Seul un palais royal pouvait accueillir uneexposition consacrée aux princes de lacouture italienne. Elle a lieu à Milan, capitalede la mode transalpine, au PalazzoReale. Les stylistes Domenico Dolce et StefanoGabbana posent leur griffe sur ce joyau de l’architecturenéo-classique. Au sens propre puisqu’ilstransforment pour la première fois ses salles en unvéritable atelier de haute couture, dans lequel ilsprésentent à la fois leur processus créatif mais aussiils rendent hommage au savoir-faire des nombreuxartisans dont le talent fait la renommée del’Italie et celle de leur Maison fondée il y a toutjuste quarante ans et qui s’est imposée depuiscomme l’un des symboles du Made in Italy et desa Dolce Vita. Dans l’univers de la mode la passionest indispensable mais insuffisante sans lespetites mains derrière chaque grande création.L’exposition s’intitule ainsi Dal Cuore alle Mani(du coeur aux mains). Du coeur, d’où jaillit l’inspiration,aux mains, qui lui permet de s’incarner.
Plus de deux cent-vingt pièces de haute couture ethaute joaillerie sont offertes à l’admiration du publicau fil d’un époustouflant parcours immersifmêlant installations spectaculaires et décors somptueux.Une mise en scène que l’on doit à l’historiennefrançaise de la mode et commissaire de l’exposition,Florence Müller. Elle a occupé le postede directrice du département de mode et d’art textiled’« Avenir Foundation » auprès du « DenverArt Museum ». On lui doit également l’expositionconsacrée à la Maison Dior au « BrooklynMuseum » de New York en 2022.
Dolce & Gabbana ont toujours été particulièrementsensibles à l’artisanat le célébrant dès qu’ilsle peuvent. À l’inverse d’autres stylistes italiens quiorganisent leur défilé à Paris, ils réalisent et présententtoutes leurs collections en Italie. « Toutdans leur travail est focalisé sur elle », expliquaitainsi Florence Müller pour présenter ce qu’ellequalifie d’« exposition unique qui est une lettred’amour ouverte à la culture italienne ». Son but estde nous faire entrer dans l’esprit des deux créateursqui s’inspirent des traditions artisanales locales,des différentes régions italiennes et les enrichissentavec l’art, l’architecture, le cinéma,l’opéra, le théâtre, les monuments des localitésles plus suggestives de leur pays. « C’est pourquoinous avons placé leurs créations et leurs archivesdans un contexte et des décors rappelant toutes cesréférences », souligne Florence Müller. Car Dolce& Gabbana n’est pas simplement une marque,c’est avant tout un monde artistique. Pour la toutepremière fois, ils nous livrent la genèse et les coulissesde leur travail et nous permettent d’observerau plus près les détails et les finitions de leurs créationsuniques.
« Notre rêve est d’encourager les nouvelles générationsà exprimer ce qu’elles ressentent en leurinsufflant du courage, commentent DomenicoDolce et Stefano Gabbana. C’est pour cela que nous tenons à ce que l’exposition s’adresse d’abordà eux. Peut-être se sentiront-ils ainsi appelés à raconterla beauté qu’il y a en eux ». Quel que soitle visiteur, il est avant tout interpellé par la beautéqui se déploie au fil de dix sections thématiquesqui mêlent élégance et sensualité avec la touched’audace et d’irrévérence qui se dégage du travaildes deux stylistes. Elles sont séparées par d’épais rideauxnoirs qui scandent ce voyage dans de véritablescabinets de curiosité ou de tableaux vivants.Ils mêlent sous nos yeux les sources d’inspirationde ces créateurs fantasques et le savoir-faire desmeilleurs artisans de la péninsule à qui un hommageflamboyant est ainsi rendu. C’est ainsi quenous sommes conviés à faire un véritable plongeondans un univers baroque où l’opulence desréférences et des matières nous éblouit.
Un atelier temporaire, où tailleurs et couturiers travaillentchaque jour dans un espace qui recrée lesvéritables laboratoires de la maison de couture, aété installé dans une des salles du Palazzo Reale.Dans une autre, c’est une robe multicolore ornéede pompons qui trône au milieu d’objets de la traditionartisanale des céramiques en majolique sicilienne.Un écho au défilé haute-couture organisé en2022 à Syracuse centré sur le thème du ballet. L’artde la mosaïque est mis à l’honneur par les soins duvénitien Orsoni à qui l’on doit un écrin doré composéde centaines de tesselles étincelantes mettanten valeur des robes mosaïques entièrement brodéesde pierres, sequins et micro-perles. L’art de la verrerien’est pas en reste grâce aux maîtres artisans deMurano qui ont rempli une salle de lustres et demiroirs imposants dans lesquels reflètent des robesaux cristaux scintillants au son de bruits d’éclats deverre. Et que dire de la tenue endossée par le mannequinNaomi Campbell lors d’un défilé en septembre2020 constitué uniquement de plumespeintes comme si elles étaient des fleurs. Les atmosphèresse succèdent dans un véritable tourbillon esthétiquecomme celui qui emplit le salon inspiré du Palais Gangi de Palerme où fut tournée la mythiquescène du bal du film le Guépard de Luchino Viscontien 1958 et où fut organisée en 2017 une soirée dédiéeà la haute joaillerie par Dolce & Gabbana. Ontraverse ensuite un autre grand salon tapissé cettefois de rouge pour évoquer l’opéra milanais de laScala. Cette fois le visiteur doit se frayer un cheminentre les mannequins en frac, cape et chapeau hautde-forme pour aller admirer les tenues de soiréesaux longues traînes de soie et de satin. En 2019, leduo de créateurs avait en effet raconté l’histoire del’opéra italien dans une collection de haute joaillerie.L’exposition a recours aux nouvelles technologiespour reconstituer l’architecture et la peinturede la Renaissance. Des fresques s’animent soudainfaisant vibrionner de riches atours reproduisantcertains des plus grands chefs-d’oeuvres picturauxdu Quattrocento.
« L’exposition était prévue pour être inauguréeen 2020, expliquent les deux stylistes. Mais nousavons dû évidemment tout décaler à cause de lapandémie. Cela nous a permis de revoir le projetet de comprendre encore mieux ce qui nous représentaitvraiment. Nous ne voulions pas une expositionclassique avec des vêtements posés sur desmannequins sans âme. Le vêtement vit à traversla personne qui le porte, sa façon d’être, son instinct.Pour nous ce n’est pas un morceau de tissumais un véritable moyen d’exprimer ce que noussommes intimement ».
Domenico Dolce et Stefano Gabbana ont égalementdésiré dialoguer avec des artistes contemporainssoumettant leur création à des artistes visuels.Elles sont ainsi réinterprétées par Felice Limosani,Obvious Art, Alberto Maria Colombo, Quayola,Vittorio Bonapace ou encore Catelloo. Une expositionqui tisse un lien entre les traditions d’hier, lamode d’aujourd’hui et l’art de demain. Inauguré àMilan, le voyage auquel il nous convie, fera bientôtdes escales internationales.