REGARDS SUR LA PEINTURE AFRICAINE

Cassi Namoda To Live Long Is To See Much (Ritual Bathers III), 2020 Courtesy of Jorge M. Pérez Collection, Miami
Cassi Namoda To Live Long Is To See Much (Ritual Bathers III), 2020 Courtesy of Jorge M. Pérez Collection, Miami
Avec environ cent vingt artistes représentés et plus de cent cinquante peintures exposées, l’exposition organiséeau Kunstmuseum de Bâle et conçue par le musée Zeitz d’art contemporain d’Afrique au Cap (Afrique du Sud)est l’une des plus ambitieuses jamais présentées autour de la peinture figurative panafricaine. L a peinture figurative des artistesnoirs a gagné en importance dansle domaine de l’art contemporainau cours des dix dernières années», écrit la commissaire de l’exposition et directricedu « Zeitz Museum of Contemporary ArtAfrica », Koyo Kouoh. Le moment est donc propicepour un projet d’une telle envergure car lavisibilité de l’art en provenance d’Afrique ou desdiasporas africaines est notable jusque dans l’éditionde ce printemps 2024 de la Biennale deVenise. Le regard sur le corps noir, l’expérience dela « Blackness » est au coeur de la démarche, maiscette fois-ci perçue et vécue par les artistes africainseux-mêmes. L’exposition offre le panoramad’un siècle de création en Afrique et au sein dela diaspora africaine à travers le monde. Un miroirtendu en quelque sorte à l’exposition que leMusée d’Orsay consacrait en 2019 à cette thématiquedu « modèle noir », une exposition inéditeautour de l’imaginaire révélé par la représentationdes figures noires dans les arts visuels de la fin duXVIIIe siècle à nos jours, donc vues par des artistesblancs. À l’inverse des attentes, ou peut-être descraintes, que pourrait susciter le projet d’expositionbâlois, il ne sera pas question de stéréotypesliés au racisme ou à la violence mais de poésie, desilence, de sensualité des corps, d’allégresse, ce quin’implique pas pour autant l’absence de sens et demessage....

Avec environ cent vingt artistes représentés et plus de cent cinquante peintures exposées, l’exposition organiséeau Kunstmuseum de Bâle et conçue par le musée Zeitz d’art contemporain d’Afrique au Cap (Afrique du Sud)est l’une des plus ambitieuses jamais présentées autour de la peinture figurative panafricaine.

L a peinture figurative des artistesnoirs a gagné en importance dansle domaine de l’art contemporainau cours des dix dernières années», écrit la commissaire de l’exposition et directricedu « Zeitz Museum of Contemporary ArtAfrica », Koyo Kouoh. Le moment est donc propicepour un projet d’une telle envergure car lavisibilité de l’art en provenance d’Afrique ou desdiasporas africaines est notable jusque dans l’éditionde ce printemps 2024 de la Biennale deVenise. Le regard sur le corps noir, l’expérience dela « Blackness » est au coeur de la démarche, maiscette fois-ci perçue et vécue par les artistes africainseux-mêmes. L’exposition offre le panoramad’un siècle de création en Afrique et au sein dela diaspora africaine à travers le monde. Un miroirtendu en quelque sorte à l’exposition que leMusée d’Orsay consacrait en 2019 à cette thématiquedu « modèle noir », une exposition inéditeautour de l’imaginaire révélé par la représentationdes figures noires dans les arts visuels de la fin duXVIIIe siècle à nos jours, donc vues par des artistesblancs. À l’inverse des attentes, ou peut-être descraintes, que pourrait susciter le projet d’expositionbâlois, il ne sera pas question de stéréotypesliés au racisme ou à la violence mais de poésie, desilence, de sensualité des corps, d’allégresse, ce quin’implique pas pour autant l’absence de sens et demessage. C’est une célébration de « puissance de lajoie » que les commissaires d’exposition ont conçuen six chapitres autour de la vie quotidienne, égrenantles thématiques du repos, de la spiritualité,de la sensualité ou des petites actions du quotidien,tissant des liens et des correspondances entreartistes des quatre coins du continent.

Chéri Samba, Hommage aux anciens créateurs, 2000 Private collection, Courtesy of MAGNIN-A Gallery, Paris
Chéri Samba, Hommage aux anciens créateurs, 2000 Private collection, Courtesy of MAGNIN-A Gallery, Paris

L’artiste congolais Chéri Samba dont le travaila d’ailleurs été célébré dans une exposition ceprintemps au Musée Maillol à Paris, est l’un despeintres africains les plus célèbres de sa génération.Débutant comme peintre d’enseignes publicitairespour les commerces à Kinshasa, il estl’ambassadeur de cette peinture populaire à premièrevue naïve dont il détourne les codes avechumour. À l’aide de phylactères et de textes enfrançais, anglais ou dans la langue de son ethnielingala, Samba commente de manière narrative etsouvent humoristique les inégalités sociales et économiquesauxquelles sont confrontés ses contemporains.Avec une palette de couleurs vives, il témoignede cette vie africaine quotidienne, sansfards. C’est souvent ses propres autoportraits qu’ilmet en scène comme dans la toile Hommage auxanciens créateurs (sous-titrée « Dommage aux mauvaisacheteurs ») qui moque malicieusement lesachats de fausses sculptures et artefacts du continentafricain. Le travail de Samba peut être misen résonance avec celui d’autres artistes que l’onretrouve dans l’exposition, comme Chéri Chérin,lui aussi représentant de l’école de peinture populairedu Zaïre et l’auteur d’un fameux tableauRévolution Obama en hommage aux racines africainesde l’ancien président des États-Unis ou encorele Sud-Africain George Pemba, qui a vécu durantl’Apartheid et est devenu, à titre posthume,une icône de la peinture contemporaine sudafricaine.Longtemps estampillés « Township Art »(art des bidonvilles), ses tableaux, aquarelles ethuiles sur toile, sont aujourd’hui reconnus pourla grande variété de scènes de la vie quotidiennequ’ils dépeignent – comme dans cet hôpital lorsd’une séance de vaccination avec ce personnagemi-bienveillant, mi-menaçant d’une infirmièretoute puissante.

George-Pemba,-At-the-Clinic,-1979-Revisions-Collection,-Courtesy-of-Normal-Foundation
George-Pemba,-At-the-Clinic,-1979-Revisions-Collection,-Courtesy-of-Normal-Foundation

Au premier plan de la toile de l’artiste béninoisRoméo Mivekannin, il y a une figure de servantenoire, assise sur le bord du lit qui fixe d’un air blasé,une cigarette à la bouche, le spectateur. Le visagede la servante n’est autre que celui de l’artiste luimême,qui utilise souvent le genre de l’autoportraitdans ses peintures. Dans le reste de la toile, enduitemais non colorée, on distingue allongée sur un lit,une femme blanche nue. Intitulée « La Blanche et laNoire, d’après Vallotton », le tableau est directementinspiré d’un tableau du peintre suisse de 1913, reproduitdans le même format, une toile qui fait référenceà l’Olympia d’Édouard Manet ou à l’Odalisque et l’esclavede Jean-Auguste Ingres. « Ce qui m’a touché,c’est que la toile parlait d’un certaine sororité », racontele peintre. Les chefs-d’oeuvre qui ont inspiré lepeintre contemporain dans sa série intitulée « Modèlenoir » ont tous pour point commun de mettre en lumièreet en couleur ces figures de second plan, cessilhouettes de l’ombre. On lit dans la démarche del’artiste la nécessité de se confronter à sa propre histoire,à celle de ses ancêtres, mais toujours par le biaisd’une forme donnée, celle de la peinture moderneeuropéenne : Monet, Manet, Francis Bacon, LeTitien. Chez Lynette Yiadom-Boakye, née et vivantà Londres de parents natifs du Ghana, les référencesà l’art européen du XIXe siècle sont aussi clairementidentifiées et revendiquées. L’artiste favorise la représentationde personnes noires, ce qu’elle justifie parces mots : « ce serait beaucoup plus étrange, je crois,si [mes] sujets étaient Blancs. Après tout, j’ai été élevéepar des Noirs […]. Pour moi, ce sentiment d’unesorte de normalité n’est pas nécessairement une célébration,c’est davantage une conception généralede la normalité. » L’artiste réalise essentiellement desportraits fictifs qu’elle appelle « suggestions de personnes». Peints à la manière des pré-impressionnistes(Degas, Manet ou Walter Sickert sont ses modèles),ces personnages émergent d’un fond généralementsombre. Ainsi détachés du temps et de l’espace, ilssemblent renfermer un certain mystère malgré leurexpressivité. Les détails tels que les vêtements ou leschaussures (ou leur absence) ne permettent pas de situerles personnages dans un espace-temps concret.

Lynette-Yiadom-Boakye,-A-Culmination,-2016-©-the-artist,-Kunstmuseum-Basel,-Achat
Lynette-Yiadom-Boakye,-A-Culmination,-2016-©-the-artist,-Kunstmuseum-Basel,-Achat

Dans une autre veine de figuration qui tendrait versune possible abstraction, les portraits frontaux de lapeintre tanzanienne Sungi Mlengeya frappent parleurs formes minimalistes et l’effet de négatif quivisent à créer des portraits de personnages sombresdans des tons de noir et de brun sur des fonds parfaitementblancs. Les aplats colorés et découpés, quirappellent l’art du collage, sont quant à eux l’apanagede la création de l’ artiste mozambicaine CassiNamoda. Ses tableaux mettent en scène des situationsdu quotidien où flotte un parfum de mystèreet d’inachevé. Pour l’artiste, peindre répare laconfusion des souvenirs qui se mêlent aux histoires,grandes et petites, au temps qui passe, aux couchesde couleurs et de sensations qui se mélangent. Unexercice poétique, teinté de mélancolie – et d’unebonne dose de spiritualité car la référence à l’invisiblen’est jamais entièrement absente de la peinturepanafricaine, même dans sa version la plus contemporaine.Le bain rituel comme une scène de baptêmechrétien que Namoda représente dans sa toileTo Live Long Is To See much en est le témoignage.La spiritualité n’est ainsi jamais dissociée de la viequotidienne, elle s’instille en permanence dans laréalité africaine : connectées aux dieux et déesses,aux esprits et à la nature, les figures de ces peinturesbaignent dans un monde régi par le divin.

Roméo-Mivekannin-Le-modèle-noir,-d’après-Félix-Vallotton,-2019-Courtesy-of-Jochen-Zeitz-Collection-©-Photo--Laurent-Belet
Roméo-Mivekannin-Le-modèle-noir,-d’après-Félix-Vallotton,-2019-Courtesy-of-Jochen-Zeitz-Collection-©-Photo–Laurent-Belet

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