«J’AI TOUJOURS EU L’IMPRESSION D’EN DIRE TROP DANS MES ŒUVRES.»
ENTRETIEN
De Séoul à Versailles, ses sculptures polychromes et lumineuses réenchantent un monde en mal de beauté. Réputé discret, l’un des rares artistes français d’envergure mondiale s’est confié comme rarement pour les lecteurs d’Artpassions.
Othoniel est un nom peu commun. D’où vient-il ?
Il a été donné à mon arrière-grand-père orphelin, à l’assistance publique. Ils ont pioché dans la Bible. Othoniel était un juge d’Israël, comme Jezequel, ça vient du Premier Testament. Et ce nom a hanté ma famille pendant des générations, notamment mon père, parce que c’est un nom juif. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les enfants du village le harcelaient avec cela.
Que signifie-t-il ?
Étymologiquement: «lion de Dieu».
Il faut être à la hauteur !
[Rires.] En vérité, c’est un nom qui a été un vrai déclencheur. Par sa différence, son étrangeté… C’est presque un pseudonyme. Mais autant j’adore mon nom, autant je déteste mon prénom.
Pourquoi cela ?
Pour ma génération c’était hyper branché, mais il y a quand même un truc autour de l’image du «Jean-Michel». Le prénom s’est démodé… disons. Mais mon nom sauve tout, donc ça va !
Saint-Étienne, où vous naissez, était une ville minière, ouvrière…
Il y a deux types de Stéphanois: ceux qui restent et ceux qui partent. À mon époque, oui, c’était une ville assez sombre, où il n’y avait pas beaucoup de culture, à part le musée d’art moderne. D’ailleurs c’est ce qui m’a sauvé, ce musée. Ça a été ma fenêtre.
« Sauvé » : cela veut dire que vous étiez condamné ? À quoi ?
À peut-être ne pas vivre la vie que j’ai vécue, de voyages, de rêve. J’avais tout un imaginaire, une fantaisie que je ne trouvais pas dans ma ville natale. Et puis, si j’avais vécu à Saint-Étienne, il aurait été difficile d’aimer un garçon dans les années soixante-dix. Mais je suis pas parti à cause de ça. Je suis parti parce que j’avais soif de culture et de liberté. Mais ça s’est joué à quelques années près parce que dès 1981, l’école des Beaux-Arts devenait une grande école, et le musée d’art contemporain recevait la première exposition sur la figuration libre.
Vous pensiez, enfant, que vos parents n’étaient pas vos parents…
C’est vrai, parce qu’ils étaient trop gentils. Je me disais: c’est pas possible, je suis adopté.
C’est bien d’avoir des parents sympas ?
Alors c’est drôle, parce qu’avec le recul, maintenant qu’ils sont morts, je me dis qu’ils n’étaient peut-être pas si sympas que ça ! Parce qu’ils étaient très libres, dans le sens où ils ne voulaient pas s’embarrasser d’enfants. Donc en fait, j’étais surtout très seul. Mais à l’époque, je prenais ça comme un truc de confiance.
Vous étiez fils unique ?
J’ai un frère de dix ans mon aîné, donc l’écart fait qu’ils ont eu deux enfants uniques…
Vous utilisez le soufre dans vos premières œuvres. On dit qu’il n’y a pas d’artiste sans souffrance, sans cicatrice. La vôtre serait cette inconsciente solitude d’enfance?
[Pause.] Encore une fois, cette solitude, je la vivais comme un espace de liberté. Et lorsque j’ai découvert le milieu de l’art par le prisme des musées – on était venus à Paris avec mes parents pour l’ouverture du Centre Pompidou –, j’ai pensé: dans ce monde-là, je pourrai continuer à faire ce que je veux. J’ai senti ça très tôt.
Finalement, être artiste et créer des œuvres vous a toujours paru naturel…
Oui, j’ignore pourquoi. De la même façon, j’ai toujours pensé que c’était naturel d’être avec un garçon. C’est pareil pour moi, c’est le même truc.
Dans Mon Petit théâtre de Peau d’Âne, le superbe livre pour enfants que vous venez de publier, on lit : « Mon premier souvenir d’exposition date de l’année de mes six ans. Le musée d’art moderne expose les œuvres d’un artiste américain, Robert Morris. Quand je ferme les yeux, je peux encore dire où elles sont placées… Il y a des cubes, des cavernes et des grandes formes en feutre qui dégoulinent du mur. Il y a même un espace de jeux. Robert Morris fabrique tout ce qu’il veut. Il fait ce qui lui passe par la tête, il s’amuse. C’est ce que je veux, moi aussi. Vivre toute ma vie avec la liberté d’un artiste. » La création serait donc une manière de rester enfant ?
En fait… je me suis toujours considéré adulte: même enfant, j’étais déjà un petit adulte… C’est pour ça que j’ai été bouleversé en découvrant le Petit théâtre de Pierre Loti: c’était la preuve d’un artiste ayant déjà tous ses rêves d’adulte, dans l’enfance. Une œuvre matricielle.
« Le bonheur est un rêve d’enfant réalisé à l’âge adulte », écrit Freud. Pouvez-vous nous raconter l’origine de ce rêve d’enfant ?
Eh bien, c’est le petit Pierre Loti qui, durant sa préadolescence à Rochefort, s’ennuie dans une maison un peu sombre, avec un mauvais père. Alors avec sa sœur, il construit un petit théâtre de marionnettes inspiré du conte Peau d’Âne, bricolant des matériaux rudimentaires. Mais il se laisse gagner par la fantaisie, et sculpte d’autres créatures: des monstres, des personnages inventés, ses rêves de voyage… Il cisèle tout ça, puis un jour on lui dit: il faut partir à l’armée. Donc il range tout dans une boîte, et inscrit sur le couvercle: «Peutêtre qu’un jour, quelqu’un remettra en scène ce petit théâtre.» Et moi, je retrouve cette boîte cent cinquante ans après [en 2005], lors de la restauration du musée Loti. Dans une pièce secrète…
À la cave ?
Non, au dernier étage! Derrière un mur, comme Toutankhamon, on a redécouvert toutes les figurines intactes. Mais le décor avait en partie disparu : j’ai voulu le recréer, pour redonner vie à ces poupées. Elles sont si touchantes: d’une justesse, d’une précision dans les costumes! Et pourtant taillées avec rien: des bouchons, des noyaux d’olive, des ailes de scarabées…
Vous aviez l’habitude des œuvres monumentales…
Je me suis mis au service de son imaginaire d’enfance: j’ai réduit mes œuvres à la taille des poupées de Loti.
Aimiez-vous les bonbons, enfant ?
J’ai plutôt des souvenirs de jouissances à aller cueillir des cerises avec ma grand-mère…
C’est drôle, on pourrait rapprocher certaines de vos sculptures aux cerises, à de petites sphères de rubis scintillant dans les arbres. En hébreu, un même mot (Pardès) désigne le paradis et le jardin. Dans l’enfance, vous perceviez la nature comme un paradis ?
Le jardin, surtout. Qui était une nature travaillée et une nature de travail. Car ma grand-mère plantait de quoi se nourrir. C’était un jardin ouvrier. Mais ce lieu de labeur était aussi un lieu de plaisirs. Ce qui poussait nous revenait: des fruits et légumes, les fleurs qu’elle mettait sur sa table. Et moi, j’adorais participer à cette construction. Puis tous les étés, on allait au Palais Idéal du facteur Cheval, qui se déployait dans un grand parc sauvage…
Après l’enfance et la nature, qu’est-ce qui marque votre adolescence ? La musique ?
Non, j’étais surtout visuel. Je me souviens du Fiancé de Picabia. Ce tableau m’avait bouleversé. C’est sa période d’engrenages. Il s’agit d’un engrenage amoureux, on ne « voit» aucun fiancé.
Un tableau « activé » par son titre.
Le titre a toujours été crucial pour moi. Souvent, il arrive avant l’œuvre. C’est un peu ce que dit Godard: le plus dur à faire dans un film, c’est de trouver un titre…
Après le bac, vous rentrez aux Beaux-Arts de Cergy. Une période joyeuse ?
Oui et non. Je voulais les Beaux-Arts de Paris. Mais c’était une école d’un type inédit. On faisait de la vidéo, de l’installation, des choses nouvelles pour l’époque. Et pour payer mes études, j’étais gardien au Louvre, c’était poétique. Pourtant, je traversais les pires années de ma vie.
Parce que vous abandonniez votre enfance ?
Non, parce que j’avais perdu mon premier amour.
Perdu en quel sens ?
Il s’est suicidé. J’avais vingt ans. D’un coup, face à un tel événement, tout se radicalise: les désirs, les choix, l’être. Je me suis enfermé dans mon atelier à l’école, qui était une chambre noire de photo. Là, j’ai fait beaucoup de recherches portant sur la chimie, les matières, ce qui a donné lieu à ma première série sur l’idée de l’image ratée: Les Insuccès Photographiques.
Vous n’avez jamais créé d’œuvre qui rende hommage à ce garçon ?
Pas directement. C’est quelque chose que j’ai tu pendant vingt ans. C’était trop sacré, trop intime.
Avez-vous suivi une psychanalyse ?
Non, parce que j’ai choisi de faire une œuvre.
Pas forcément incompatible !
J’en suis sûr, mais moi je n’aurais pas eu l’énergie de faire les deux.
Derrière toute œuvre, de toute façon, il y a un éclat de vie…
Bien sûr, même si dès le début, j’ai toujours eu l’impression d’en dire trop dans mes œuvres. Même quand c’étaient trois papillons accrochés au mur, j’en disais déjà trop… Enfin, je pense en effet que toute ma création est liée à lui. Une de mes premières œuvres, c’est ma tombe.
Votre future tombe ! Pas la sienne.
Oui, mais c’est plus compliqué… car ce premier amour s’appelait aussi Jean-Michel.
C’est fou. Ce jour-là une partie de vous est morte, et l’autre a… ressuscité ?
Quand quelque chose doit renaître, ça prend du temps. Mais je suis convaincu qu’on ne peut pas vivre avec une partie morte en soi. On est obligé de la réanimer. Le travail m’a aidé à ça, mon nouvel amour aussi, et des rencontres fondatrices… À Cergy, on recevait des artistes contemporains très jeunes, qui venaient parler de leur pratique. C’est ainsi qu’un jour, je sors de ma chambre noire pour me rendre à une conférence de Sophie Calle. Et c’est le choc.
Elle vous fascine sur-le-champ ?
J’étais comme tous les étudiants: sidéré par sa radicalité, sa façon de vivre, son côté sauvage. J’ai commencé à la dessiner. Puis elle est partie sans que j’ose lui parler. Deux ans après, elle revient. Entre-temps, j’avais lu ses livres. Cette fois, je vais la voir: « Écoutez, je suis toujours impressionné par vous, mais ce qui me déçoit, c’est que vous portez les mêmes chaussures que la première fois.» Comme elle est très coquette, elle répond: «Impossible. Je viens de les acheter.» Or je lui prouve que j’ai raison… en lui montrant le dessin d’il y a deux ans!
Un rire qui scelle une amitié.
Elle m’a dit : « Quels sont vos artistes préférés ? J’aimerais faire quelque chose pour vous.» Un mois après, elle m’invite à fêter mon anniversaire chez elle. Quand j’arrive, il y a autour de sa table tous les gens que je rêvais de rencontrer. Hervé Guibert, Christian Boltanski, Barbet Schroeder… Et je suis rentré dans une merveilleuse famille.
Quel magnifique cadeau !
Sophie a toujours été très généreuse avec moi. À l’époque, elle présentait «Douleur exquise», et m’a proposé d’échanger sa douleur contre la mienne. Mais Bob Calle – son père – m’a aussi beaucoup aidé. Il m’a prêté un atelier dans sa maison à Malakof.
Après les Beaux-Arts, comment vous lancezvous ?
J’ai eu la chance de ne pas connaître l’angoisse de l’après, parce que je suis tout de suite rentré dans une galerie. Un marchand était à mon diplôme, et me dit: «J’aime ce que tu fais, combien tes parents te versent par mois pour vivre?» Je lui réponds, 1200 francs. Et lui: «Je te donne la même somme, et toute ta création m’appartient pendant 5 ans.» J’ai réfléchi, je voyais mes copains qui galéraient, qui étaient magasiniers, j’ai signé.
Ce n’était pas un pacte faustien ?
Non il a vraiment a joué le jeu, il a montré mon travail, m’a amené avec lui aux États-Unis… Et comme j’avais un salaire, la notion d’argent n’avait pas d’importance par rapport aux œuvres. Donc j’étais très prolifique. Je vivais chichement, mais je vivais de mon art.
Qu’est devenu ce marchand ?
Son histoire est dingue: il a été précurseur, avant la génération Perrotin, en ayant l’intuition qu’il fallait créer de jeunes collectionneurs, de jeunes galeries, et bien sûr de jeunes artistes. Il en a aidé beaucoup. Pour ce faire, il a convaincu beaucoup de gens de lui donner de l’argent, dont certains ont presque tout perdu avec lui. Donc un jour, c’est une histoire de film, il a dit à sa femme qu’il sortait acheter des cigarettes, et il n’est jamais revenu. Il l’a plantée avec la galerie, les artistes, les dettes. Jusqu’à ce jour, aucune nouvelle.
En parlant de film : quel est le premier que vous voyez ?
Peau d’Âne, de Jacques Demy ! Je me souviens d’avoir pris le bus à l’école, pour aller au cinéma Le France à Saint-Étienne, découvrir Catherine Deneuve en gants, et être scotché.
Votre œuvre semble fortement marquée par cet imaginaire. Du Trésor de la cathédrale d’Angoulême au Petit théâtre de Loti, acceptez-vous le qualificatif « baroque » ?
Sans le revendiquer, c’est un art qui me parle. J’aime l’extravagance, la rupture, la différence. L’indigeste aussi parfois. Peut-être parce que là d’où je viens, le baroque n’existait pas? Même dans mes études d’histoire de l’art, c’est venu tard: je re – gardais ce que mon époque me demandait de re – garder: le minimalisme, l’abstraction. Le baroque est arrivé par des biais: le regard sur les jardins, les folies, Ludwig de Bavière… Et bien sûr Loti.
Pierre Loti, connu comme romancier, dessinait beaucoup. Vos œuvres les plus célèbres sont des sculpture, des installations. Mais vous ai – mez aussi le papier.
Je réalise énormément de croquis, couleur crayon, qui sont de l’ordre de la recherche. Quand j’ai fixé mon idée, je passe à l’aquarelle, à l’encre – pour ex – primer ce que j’ai en tête. Au début de mon parcours, j’ai peint avec des matières: le soufre en fusion, des grattoirs d’allumettes… J’ai réalisé beaucoup d’expé – rimentations, mais jamais comme un vrai peintre.
C’est quoi, un « vrai peintre » ?
C’est se confronter à la chose la plus difficile dans la peinture à mon avis: se trouver face à un for – mat limité, et essayer de réinventer, dans ce for – mat, quelque chose.
Depuis une dizaine d’années, vous vous confrontez de nouveau à cette difficulté…
Ma série La Rose du Louvre [2019] était une étape importante. Je n’avais jamais partagé ce type d’œuvre en France. Mais c’était du noir et blanc. En ce moment, je montre de premières peintures colorées en Finlande.
En 1993, vous rencontrez un matériau décisif : le verre. Racontez-nous…
C’est lié à la sortie de ma chambre noire. J’ai ressen – ti soudain une immense curiosité, un désir d’ailleurs. Et lors d’un voyage sur les îles Éoliennes, un vulca – nologue me dit: celui qui pourra refondre la pierre ponce en tirera de l’obsidienne. Cette idée alchi – mique me captive. J’appelle le Cirva [Centre interna – tional de recherche sur le verre et les arts plastiques] à Marseille, on travaille deux ans sur ce projet fou. Et face aux verriers, je comprends vite que j’ai envie de collaborer avec ces artisans, que j’aime la magie de ce geste. Le verrier met ses poumons dans l’œuvre. C’est son souffle. Presque un baiser.
De Murano à Münchenstein, tous les souffleurs pratiquent-ils le même métier ?
Le verre, c’est un médium où se projette un imaginaire. Un artisan indien va amener l’idée du bijou, du mobilier en verre des Maharadjas. Un italien, l’idée du design, de la couleur. Un Suisse, celle de la précision, de la forme parfaite – façon horlogerie…
Au-delà de sa beauté, le verre est fragile.
Et surtout définitif. Avec le verre, il y a une immédiateté. C’est un geste. C’est soit réussi, soit raté. J’aime les matériaux sans repentir.
Passons de la chimie à la physique : vos œuvres convoquent l’idée de fractale, de motif perpétuel… Êtes-vous un génie des équations ?
Pas du tout ! Les nœuds borroméens, pour moi c’était lié à Lacan. Nouer le réel, le symbolique, l’imaginaire. Mais depuis bientôt dix ans, je collabore avec le mathématicien mexicain Aubin Arroyo. Si j’étais déjà dans un langage formel, ma théorie des reflets restait intuitive. Lui m’a apporté des formules qui permettent d’anticiper les reflets d’une sculpture avant même de la créer, pour créer des réfractions infinies…
Peut-on dire que vous créez à partir de la science ?
Non: quand je dessine, je ne me pose pas la question de «si ça tient». Mais ensuite, tout est bâti selon des règles précises: chaque globe est intégré individuellement. Tout est numéroté. Le résultat semble fusionné mais c’est la force du verrier qui fait tout tenir par assemblage. Et à l’intérieur, une tige de métal est forgée d’après le projet initial. Mais là encore, il faut confier le dessin à des ingénieurs, afin d’anticiper le poids du verre qui va déformer cette tige.
En définitive, la période qui vous correspond plus que le baroque, c’est peut-être l’Art nouveau ? Il y a le végétal, la courbe, la profusion, le jeu sur la lumière, les couleurs…
Et surtout la liberté de faire ce qu’on veut. Le baroque reste lié à des cadres précis, religieux, dis que l’Art nouveau, c’est le jeu sur tous les supports, les matières… Aujourd’hui, je réalise une petite cuiller… demain, une station de métro !
Et l’approche de l’érotisme via la nature.
La sensualité, oui. Lorsque j’ai créé le Kiosque des Noctambules au Palais-Royal, j’ai lu tous les textes sur Guimard, c’est incroyable. Les gens à l’époque disaient : n’amenez pas vos enfants devant ces stations de métro obscènes, ça va leur donner des idées!
En ce moment, les musées sont pris pour cibles par des militants. Pensez-vous que jeter de la soupe sur une peinture puisse s’avérer utile politiquement ?
Le pari que j’ai fait, c’est celui de la beauté. C’est sans doute naïf, mais je me dis que la fragilité d’une œuvre l’auto-protège, qu’elle se respecte. Au fond, s’attaquer à des œuvres d’art, c’est piétiner une fleur. Agresser « quelqu’un» qui ne peut pas se défendre…
Votre œuvre Le Bateau des larmes, révélée en 2005 à Art Unlimited Basel, évoquait les expéditions de migrants. Les plasticiens doivent-ils porter un discours ?
À mon sens, plus le monde devient violent, plus les œuvres doivent être fortes, pas forcément dans le commentaire, mais dans la réponse poétique face à cette violence.
L’art, comme contrepoint à la cruauté du réel…
C’est ce que j’essaie de faire. Il y a peu, on a emmené cinquante écoliers à Amboise pour leur montrer ma sculpture La Tour d’Or Blanc, et le parc de Léonard de Vinci. Ça m’a rappelé l’enfant que j’étais, mes premières visites au musée… Les professeurs m’ont dit: ils n’ont jamais été aussi attentifs, on ne comprend pas, qu’est-ce qui se passe?
Il se passait quoi ?
Juste que ces enfants, voyaient quelqu’un prendre le monde par une diagonale. Et qu’ils se disaient: peut-être que je peux échapper au chemin tracé, au boulot qui me déprimerait. C’est ce qu’on veut développer avec la Fondation, par-delà les œuvres: inspirer des diagonales.