JEAN-CLAUDE BIVER PASSION DU TEMPS

«Sans passé, pas de futur.» Sur le pont du temps, le visionnaire de la manufacture horlogère helvétique Hublot s’est lancé pour un tour d’histoire contemporaine datée de l’an 87 avant Jésus-Christ. Une rencontre inattendue, unique et fabuleuse nommée Anticythère. La montre-bracelet Anticythère en titane ne devrait pas terminer sa vie rongée par la mer comme ce fut le cas de son imposant modèle antique repêché dans les eaux grecques près de l’île d’Anticythère en 1901. Près de cinq cents composants ont été nécessaires pour récréer en miniature cette exceptionnelle machine en bronze datée d’avant notre ère, considérée comme le premier calculateur analogique permettant de donner les positions astronomiques. C’est le plus vieux mécanisme à engrenage connu, capable de décrire les mouvements solaires et lunaires, prévoir les éclipses, prédire les mouvements de certaines planètes, tout en intégrant le calendrier égyptien de 365 jours et les dates des jeux panhelléniques. La maison Hublot, fascinée par l’objet, décrit dans un magazine scientifique en 2008, le reproduira en quatre exemplaires de quelques centimètres cubes. Elle rend ainsi un vrai culte aux savoirs anciens, bien plus avant-gardistes qu’on ne l’imaginait. Donc, un culte à l’homme, Archimède ou l’un de ses disciples, Hipparque de Nicée ou Posidonios – l’identité du concepteur est encore débattue – mais aussi à l’audace débordante de ces horlogers d’aujourd’hui. En l’occurrence, les spécialistes de la manufacture de luxe sise à Nyon, près de Genève, portés par la passion de leur capitaine Jean-Claude Biver, qui ne cherche rien d’autre que la beauté...

«Sans passé, pas de futur.» Sur le pont du temps, le visionnaire de la manufacture horlogère helvétique Hublot s’est lancé pour un tour d’histoire contemporaine datée de l’an 87 avant Jésus-Christ. Une rencontre inattendue, unique et fabuleuse nommée Anticythère.

La montre-bracelet Anticythère en titane ne devrait pas terminer sa vie rongée par la mer comme ce fut le cas de son imposant modèle antique repêché dans les eaux grecques près de l’île d’Anticythère en 1901. Près de cinq cents composants ont été nécessaires pour récréer en miniature cette exceptionnelle machine en bronze datée d’avant notre ère, considérée comme le premier calculateur analogique permettant de donner les positions astronomiques. C’est le plus vieux mécanisme à engrenage connu, capable de décrire les mouvements solaires et lunaires, prévoir les éclipses, prédire les mouvements de certaines planètes, tout en intégrant le calendrier égyptien de 365 jours et les dates des jeux panhelléniques. La maison Hublot, fascinée par l’objet, décrit dans un magazine scientifique en 2008, le reproduira en quatre exemplaires de quelques centimètres cubes. Elle rend ainsi un vrai culte aux savoirs anciens, bien plus avant-gardistes qu’on ne l’imaginait. Donc, un culte à l’homme, Archimède ou l’un de ses disciples, Hipparque de Nicée ou Posidonios – l’identité du concepteur est encore débattue – mais aussi à l’audace débordante de ces horlogers d’aujourd’hui. En l’occurrence, les spécialistes de la manufacture de luxe sise à Nyon, près de Genève, portés par la passion de leur capitaine Jean-Claude Biver, qui ne cherche rien d’autre que la beauté du geste à l’état pur. Pas de commercialisation de la série hyper-limitée, révélée en 2012, pas de retour sur les quatre millions de francs investis, mais un exemplaire entré au Musée des Arts et Métiers de Paris, un autre au Musée archéologique d’Athènes, exposé aux côtés du mécanisme d’origine, des vestiges du navire et de ses trésors; le troisième sera vendu aux enchères l’an prochain en faveur dudit musée. Quant au dernier, il est conservé chez Hublot en mémoire de cette folle aventure, au paroxysme de cet esprit de fusion qui constitue l’ADN de la marque. L’union décomplexée des matériaux engendrée par son fondateur Carlo Crocco en 1980, redynamisée, aiguillonnée vingt-cinq ans plus tard par Jean-Claude Biver, déterminé à y ajouter l’union entre haute tradition horlogère et art du temps du XXIe siècle. À peine un an plus tard, il lançait la Big Bang subversive qui allait propulser la modeste entreprise sur une courbe furieusement ascendante à l’international, jusqu’à susciter l’envie du groupe LVMH, son acquéreur en 2008.

Toujours en mode triomphal, elle a désormais sa propre manufacture, émet ses propres mouvements, évidemment complexes, entretient en toute harmonie le choc entre ors classiques, fibre de carbone, zirconium, caoutchouc, tungstène et céramique, chapeautant le tout par le Magic Gold développé avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne, un nouvel alliage d’or révolutionnaire ultra résistant, inrayable et inoxydable.

De l’autre côté du cadran

Connu comme homme d’affaires visionnaire et magicien du marketing, Jean-Claude Biver semble nous inviter sans cesse à un embarquement immédiat pour un parcours en fulgurance. Faiseur de perles rares, grand révélateur de marques horlogères auparavant sans relief – Blancpain qu’il propulse au firmament de l’industrie horlogère, puis Omega qu’il quitte en 2003, après avoir présidé à son prodigieux redressement – il est cet étonnant spécialiste de l’extrême, force tellurique qui fonce à plein régime jusqu’au bout de ses intuitions, de ses défis, doutes et triomphes. Une personnalité lumineuse, ouverte, directe, authentique, toujours disponible. Une puissance de communication qui transmet un vrai savoir et dont la recette, enseignée dans les meilleures écoles professionnelles, ne saurait suffire à cerner le talent dont il résume l’essence d’un mot: la passion. L’architecture du bâtiment nyonnais est-elle banale ? «Le béton est un poids mort, la substance, la machine sont à l’intérieur et c’est là que tout se joue». La machine pour lui, ce fut d’abord la machine à vapeur qui le captivait enfant, puis vint l’autre, à mesurer le temps, à laquelle il s’adonne depuis plus de trente ans sans jamais compter ses heures. «La passion n’est qu’une facette de l’amour, elle est comme lui, illimitée.» À 24 ans, diplômé de HEC, il est un étudiant anti-stakhanoviste qui se laisse porter par la vague hippie et mai 68. Le mantra «All you need is love» devient son éthique, sa religion. «C’est à ce moment-là que j’ai imaginé vivre par amour et en laisser une trace.» Dans sa trajectoire, la phrase-clé: «Sans tradition, pas d’avenir et pas de futur sans innovation.» Esprit libre, ravi de perdre de vue les rivages connus pour de nouvelles exaltations, il délaisse instinctivement «les bancs de poissons, préférant, dit-il, utiliser l’énergie du fleuve pour le monter à contresens».

Bannir les œillères, tout en privilégiant «la cohérence entre ce que l’on fait et ce que l’on est», voilà ce qui a propulsé son charismatique voyage, mû par le flair et le goût de l’humain. Garant du pacte passé entre le produit et le public, parce qu’il est étroitement lié aux artistes horlogers qui l’entourent, porteur, avec eux, d’utopies réalisées, il a conscience de la nécessité impérieuse d’un nouveau partage. À 63 ans, riche de sa maturité, Jean-Claude Biver parle aujourd’hui de dénuement. «Je me déshabille, j’entends redonner les savoirs, les notions de respect et les expériences accumulés. Celui qui part avec tout ce qu’il possède, part pauvre.» Cette carrure majeure de l’horlogerie suisse, âme infatigable de la maison Hublot, qui multiplie les conférences aux quatre coins du monde est assurément encore loin de ses derniers soleils. Mais avec une intensité généreuse, il invite à penser un art de vivre autrement, avec l’amour gravé de l’autre côté du cadran.

PARCOURS

Jean-Claude Biver, né le 20 septembre 1949 au Luxembourg a grandi en Suisse; il est citoyen des deux pays. Providentiel capitaine de Hublot depuis 2004, il a cédé la direction opérationnelle en janvier 2012. Président du conseil d’administration, il reste l’âme de la marque de luxe suisse, propriété depuis 2008 du groupe LVMH.

12-RETOUR VERS LA BRAFA

Une fois encore, la saison hivernale voit la capitale belge et européenne se préparer à accueillir la crème des marchands d’art européens, pour la première des grandes manifestations internationales de l’année. Appuyée sur une sélection rigoureuse des exposants, la Brussels Antiques & Fine Arts Fair voit en effet son importance croître d’année en année, et les amateurs, fortunés ou non, se presser de plus en plus nombreux à ses portes, au point de créer quelques embouteillages, les soirs de vernissage !

L’ancienne Foire des Antiquaires de Bruxelles reste toutefois à taille humaine, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, car les immenses bâtiments de Tour & Taxis, qui l’abritent de leurs vénérables murs de pierres blanches et de briques rouges, pourraient facilement en contenir trois ou quatre fois plus. Pour qui a déjà passé trois jours à user ses chaussures et son moral dans les interminables dédales de Art Basel, c’est un bon point, inutile de le nier.

La Brafa met également un point d’honneur à accueillir ses visiteurs dans la grande tradition gastronomique belge, et pour qui a déjà martyrisé son estomac avec les douteuses préparations culinaires proposées dans les gargotes de la néerlandaise Tefaf, c’est un second bon point, tout aussi indéniable que le premier.

Cela étant posé, et pour ne pas être accusé d’être par trop terre-à-terre, il faut bien dire que la qualité des pièces reste le principal atout de la foire bruxelloise, celui qui lui a permis, ces dernières années, de se hisser parmi les foires de références en Europe. Bien que nettement bénéficiaire ces dernières années, la Brafa n’a pas de vocation lucrative, et cette liberté se ressent non seulement dans le choix des exposants triés sur le volet, mais aussi dans la variété des objets présentés. On trouve de tout à la Brafa: de l’art précolombien aux autographes, des cartes anciennes aux arts décoratifs du XX e, du mobilier XVII e -XVIII e et de l’archéologie grecque, romaine ou égyptienne. Des tableaux de maîtres anciens voisinent avec des masques africains, une statuette de Bactriane âgée de quatre mille ans côtoie des objets surréalistes, des toiles abstraites ou des planches originales de Hergé ou Loustal… C’est une caverne d’Ali-Baba, et si le passionné monomaniaque pourra se précipiter comme un oiseau de proie sur les stands présentant les objets de son désir, le plus heureux sera sans nul doute le promeneur solitaire qui passera une journée à déambuler et se laissera guider par les nombreuses découvertes de cette foire atypique.

Bien que la Foire des Antiquaires à proprement parler souffle ses cinquante-huit bougies cette année, cette édition est également une sorte de dixième anniversaire puisque voilà une décennie que la Brafa a emménagé dans ses nouveaux quartiers de Tour & Taxis et commencé à prendre une envergure véritablement internationale. L’une des particularités de cette foire a toujours été l’attention portée à la scénographie, réalisée par un cabinet d’architecture selon un thème différent chaque année. On nous promet cette année quelques surprises, dont une porte monumentale dans le style byzantin et des tapis aux motifs élaborés spécialement pour l’occasion par l’artiste Julien Colombier, dont on devine déjà la profusion ornementale.

Si la primeur des découvertes restera bien sûr l’apanage des visiteurs au mois de janvier, certaines galeries ont néanmoins choisi de lever le voile sur quelques highlights. Outre la splendide statuette de Bactriane déjà citée et dont on gage qu’elle sera la vedette chez Phoenix Ancient Art, la galerie bruxelloise Dartevelle & Co offrira aux regards une extraordinaire déesse en terre cuite, façonnée entre le XIIIe et le XVe siècle par un artisan de la civilisation du delta intérieur du Niger et parfaitement conservée. Les amateurs d’art africain trouveront également chez Jacques Germain ou Serge Shoffel deux masques de toute beauté, l’un provenant du Gabon et l’autre de Côte d’Ivoire. Le premier, une tête de femme plutôt réaliste, se distingue par la finesse de son travail et l’élaboration de la coiffe. C’est, littéralement, l’image d’une beauté sculpturale. Le second, masculin et d’apparence guerrière, se caractérise par une tendance marquée à l’abstraction, avec des parties saillantes très dessinées qui augmentent son expressivité et révèlent le degré de maîtrise des sculpteurs Bété qui le firent émerger il y a deux siècles d’un morceau de bois sombre.

Offrant une transition idéale entre l’art africain et la peinture, une toile tardive de Jean-Michel Basquiat, dont l’héritage africain traverse toute l’œuvre, est présentée chez Guy Pieters. Dans son dépouillement, cette tête à la fois hilare et inquiétante préfigure les tout derniers travaux du peintre new-yorkais, où rôde la mort qui l’emportera d’une overdose en 1988. Les amateurs d’une peinture plus sereine, mais point trop éloignée des références aux arts primitifs, trouveront chez Hélène Bailly un rare Picabia, peint en 1936 dans le Sud de la France où l’artiste s’était installé onze ans plus tôt. Le jeu savant des différents plans, dans cette toile intitulée Cannes, révèle le degré de maîtrise atteint par le peintre dans ce travail sur la transparence amorcé en 1928.

On pourra terminer ce voyage pictural chez Klaas Muller, où un Christ aux épines, stoïque sous les sévices infligés par trois entrepreneurs en torture usant résolument des grands moyens, offrira un exemple typique de peinture allemande du XVe avec sa perspective encore imparfaite, ses drapés aux plis profonds et anguleux et son fond doré brillant des derniers feux du style gothique.

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