Un vaste regard sur le peintre italien, ses maîtres et ses amis. Portrait d’un peintre reconnu de son vivant par la critique anglaise comme l’un des meilleurs représentants de l’art moderne français.
Le Musée Thyssen-Bornemisza et la Fondation Caja Madrid unissent les talents de leur commissaire etleurs espaces – comme il leur est à présent coutumier – afin de nous offrir une remarquable rétrospective de l’œuvre d’Amedeo Modigliani (1884-1920), depuis son arrivée à Paris en 1906, jusqu’à la fin de sa vie.Ce sont 126 œuvres, en provenance des plus grandes collections mondiales (National Gallery of Art de Washington, Tate de Londres, Muzeul de Arta de Craiova (Roumanie), MoMA, Guggenheim et Metropolitan de New York, Centre Pompidou et Musée Zadkine de Paris…), que nous pouvons admirer en deux étapes, d’abord au Palais Villahermosa, siège du grand musée privé, puis à la splendide Casa de las Alhajas, salle d’exposition de la prestigieuse fondation bancaire madrilène.Une rétrospective remarquable, certes, mais une simple rétrospective Modiglianide plus ? Pas vraiment, puisque le projet a pour ambition de faire dialoguer, et ce pour la première fois, le travail du peintre «aristocrate» – Vlaminck dixit – non seulement avec les grands maîtres qui l’ont directement influencé – Cézanne, Picasso ou Brancusi –, mais aussi avec ses amis du Montparnasse de l’époque: Chagall, Lipchitz, Soutine, Kisling, Zadkine, Foujita ou Pascin, entre autres.Contempler les œuvres de Modigliani, c’est donc retrouver les courants artistiques qui ont traversé le Paris d’avant la Première Guerre Mondiale. Mais c’est aussi se rendre compte de l’indépendance d’un artiste qui, bien qu’à la recherche d’un style, au travers de ceux de ses maîtres et de ses amis, ne souscrira jamais complètement à aucun d’entre eux. Les portraits, les nus, les sculptures, les dessins ou les paysages, confrontés à un choix d’œuvres de Derain, Gauguin, Brancusi, Cézanne ou Picasso, nous font tour à tour voir les influences, les parallélismes ou les similitudes, mais nous confirment surtout l’authenticité, l’élégance et la sophistication d’un artiste unique.Les pièces présentées au Musée ThyssenBornemisza reflètent les relations entre Modigliani et ses maîtres. Nous y saisissons l’influence des Gauguin, Cézanne, ou Toulouse-Lautrec, dans son processus de rupture avec l’académisme. Nous y comprenons aussi sa vocation de sculpteur (il considérait au départ la peinture comme une simple activité alimentaire), et le choc de la découverte de l’Art Nègre au travers des yeux de son ami Brancusi. Après cinq ans de sculpture – la tuberculose lui fait abandonner la taille de la pierre et les poussières néfastes à ses poumons –, cinq ans de peinture. En parcourant une section de portraits puis une autre de nus, on voit affleurer les courants du moment, le fauvisme, puis le cubisme, avant l’affirmation d’un discours personnel. Les nus, qu’il peint dès son arrivée à Paris, semblent troquer peuà peu leur aura sulfureuse pour une sensualité méditerranéenne; très modernes – bien que dans la continuité de la tradition des nus couchés de la Renaissance –, ils ne rencontreront pas cependant immédiatement le succès escompté.Les œuvres exposées à la Fondation Caja Madrid nous permettent d’explorer les liens artistiques tissés entre le peintre et ses amis. Leurs portraits et les dessins vendus alors aux clients des cafés, nous montrent que Modigliani est aujourd’hui le peintre qui symbolise le mieux la vie et l’esprit du Montparnasse des années 1910. On y voit aussi le séducteur aux exigences presque excessives, en amitié comme en amour. Les nus, paysages, et autres documents graphiques nous font aussi saisir la mélancolie et la contention, un trait de plus dans cette vie dissipée qui lui fera refuser de voir le médecin et accéléra sa course vers le néant, au moment même où il touchait à la gloire…