La foire internationale Paris Photo, consacrée à la photographie, et qui se tient chaque année à Paris, a été sévèrement entachée par les attentats qui ont frappé la capitale le 13 novembre dernier. Première conséquence : la fermeture du Grand Palais durant deux des quatre jours où se tenait l’événement, amputé de la majorité de ses visiteurs. Il faut mentionner, en outre, la difficulté de voir des photos quand la vie se révèle si violente. Comment examiner des images fixes lorsque votre société se trouve bouleversée par un mouvement intense ? Ce dilemme n’est pas propre à la photographie, mais à l’art en général, qui requiert une disponibilité mentale et une capacité d’abstraction. Impossible, dans un pays dit « en guerre », meurtri dans ses entrailles, de s’abstraire du monde réel, même un instant. Notre corps n’est perméable, dans ces cas-là, qu’à l’information et à l’émotion.
Information et émotion – deux éléments qui devraient, à mon sens, définir l’art photographique. Je crois qu’une photographie importante a deux raisons d’être, non exclusives l’une de l’autre : soit l’image nous dit quelque chose du monde, que nous ignorions auparavant, et grâce à son irrécusable certificat de réalité, nous y croyons ; soit elle rend compte d’une beauté, d’une douleur, d’un désir, et grâce au pouvoir graphique de sa franchise, elle nous émeut. Les photographes que j’affectionne me font part d’une vérité qui altère mon cœur ou mon cerveau. Pour atteindre l’émotion – et l’adage convient aux autres arts – seul un ingrédient me paraît admissible, mais surtout agissant : la sincérité. À mon grand dépit, c’est précisément celui que néglige la photographie contemporaine.