La septième exposition Culture Chanel, qui montre merveilleusement l’importance des mots dans l’univers de la couturière, se tient jusqu’en janvier à Venise, à la Ca’ Pesaro.
Sur cette photographie de Douglas Kirkland prise en 1962 dans son appartement de jour – elle regagnait chaque soir le Ritz pour y dormir – situé au deuxième étage du 31 de la rue Cambon, au cœur de sa maison, entre les salons couture du premier étage et le studio du troisième, Gabrielle Chanel vogue : son canapé profond paraît une barque plate dont, campée à la poupe, elle manierait le moteur telle une Isolde parisienne ou une régente médicéenne ; le visage lapidairement tenu de profil sous son chapeau, le poignet dur, réactif, et le regard posé au loin sont ceux d’un condottiere ; derrière elle, patiné, bienveillant, rangé, alléchant, voici le monde vers où se diriger de la sorte : des livres ! Elle voyageait volontiers sur cette tendre couchette matelassée. Cet appartement qui dut lui servir de refuge entre deux essayages intenses, ou de loge au moment de présenter la collection à l’étage du dessous, est une vraie « forêt de symboles », un carrefour enchanteur. Ici, comme le font les G et les C ou les 2 et le 5 – ses chiffres fétiches – dans le lustre de métal noir qui magnétise le salon comme un essaim cristallin, aboutissent, se tissent et rejaillissent diverses routes qui vont à travers l’espace et le temps. Ainsi, posée sur le manteau de la cheminée, une Vénus suggère la voie de la Grèce antique ; au-dessus d’elle, les armes de France et de Navarre vous conduisent au Grand Siècle (Roland Barthes dit de Coco qu’elle était élégante comme Racine,
BENOÎT DAUVERGNE
N.B. : Culture Chanel, La donna che legge, du 17 septembre 2016 au 8 janvier 2017, Venise, Ca’ Pesaro, Galleria Internazionale d’Arte Moderna.