L’exposition L’Art Roman et la Méditerranée. Catalogne, Toulouse et Pise (1120-1180) nous permet de redécouvrir la plus belle collection au monde de fresques murales romanes.
Grand palais de style éclectique, architecture éphémère vestige de l’Exposition Internationalede Barcelone de 1929, le Musée National d’Art de Catalogne (MNAC) dresse son extravagante silhouette rousse au sommet de la colline de Montjuic. Du haut de ses coupoles italianisantes, clochers churrigueresques et autres frontons néoclassiques, le visiteur embrasse du regard un des panoramas les plus spectaculaires de la ville comtale, avant de pénétrer dans un musée étonnant. Passé le long hall d’entrée, on pénètre dans la magnifique Salle Ovale où résonnent encore les échos des grands banquets de l’Exposition. On y goûte d’abord la grandeur d’un style un peu kitsch, avant d’apprécier l’intervention apaisante de l’architecte italienne Gae Aulenti – blancheur et surfaces lisses – résultat d’une rénovation en profondeur de l’intérieur du musée terminée en 2004.Peintures, sculptures, objets, dessins, photographies…, les collections sont avant tout un reflet de l’art catalan, de l’art Roman jusqu’au milieu du XXe siècle, même si les œuvres gothiques, Renaissance, et baroques offrent des provenances plus diverses. Les collections fin XIXe et début XXe surprennent en revanche par la sensibilité des artistes catalans modernistes et noucentistes (Rusiñol, Casas, Fortuny…), dont l’esprit imprègne encore abondamment la Barcelone d’aujourd’hui.
Mais davantage que les styles les plus récents, dont la présentation répond au MNAC à des canons muséographiques relativement classiques, c’est l’art roman qui nous y réserve la plus grande des surprises et marquera profondément notre souvenir. Car voilà la pièce maîtresse du musée: la plus belle collection au monde de fresques murales et de panneaux d’autels romans. Acquis par les autorités locales dès la fin du XIXe siècle afin de les sauver de l’incurie ou de la dispersion, ce fleuron de l’art catalan – et vitrine de son orgueilleuse culture – échappa ainsi aux ravages de la Guerre Civile… Pour ces fresques extraordinaires, l’architecture intérieure des églisesfantômes a été restituée, formant un parcours d’une beauté spirituelle et onirique sans pareil.Particulièrement bienvenue pour apprécier mieux encore les trésors de la collection permanente, l’exposition présentée actuellement nous permet d’aller hors les murs et partir à la découverte de l’art Roman autour de la Méditerranée. Elle souligne la vitalité de l’art roman catalan dans l’Europe du XIIe siècle, sous le gouvernement du Comte Ramon Berenguer IV, dans un contexte méditerranéen riche en relations culturelles et en pleine effervescence créatrice. On y trouve pas moins d’une centaine de chefs-d’œuvre en provenance de musées italiens, français, anglais et américains, ainsi que des prêts de la cathédrale de Pise, des monuments romans de Toulouse et du portique catalan de Sant Pere de Rodes.L’exposition reflète, parmi les grandes constructions du XIIe siècle, l’influence du chantier de la cathédrale de Pise, ou le souvenir omniprésent de l’antiquité romaine dans le discours esthétique. L’explosion de la sculpture dans la partie occidentale de la Méditerranée, bien que tardive, témoigne de l’intensité des voyages entrepris alors par les maîtres sculpteurs comme le Maître de Cabestany, dont l’atelier enrichira de nombreux lieux de culte de la Navarre jusqu’à la Toscane. Outre les figures de pierre, les objets polychromes (croix, mobilier d’autel, parements, baldaquins, imagerie en bois…) surprennent toujours par la vivacité de leurs tons.