ARTUR LESCHER – MILLE CORDES À SON ARC

Et le Grand Prix d’art de Zurich 2025 est décerné à … Artur Lescher ! L’artiste brésilien, dix-huitième lauréat de la prestigieuse récompense suisse, est à l’honneur au musée Haus Konstruktiv. L’exposition est curatée par Sabine Schaschl. Artur Lescher a participé à la 19e et à la 25e Bienal de São Paulo (1987 et 2002), ainsi qu’à la 5e Bienal do Mercosul (2005). Il a exposé dans des galeries majeures telles que Nara Roesler, Almine Rech, OMR et Piero Atchugarry. En 2019, la Pinacoteca do Estado de São Paulo lui a consacré une exposition personnelle, Artur Lescher : suspensão. POIDS, FORME, GRAVITÉ Né en 1962 à São Paulo, formé en philosophie à l’Université pontificale catholique de São Paulo, Lescher est une figure majeure de l’art abstrait en Amérique latine. Depuis plus de trente ans, il construit une œuvre sculpturale fondée sur la précision des formes, la tension des matériaux et le dialogue avec l’architecture. Chaque élément – poids, axe, surface – et chaque matière – métal, bois, câble – participe à une économie formelle rigoureuse. GÉOMÉTRIE EN SUSPENSION Dans les années quatre-vingts où son travail prend un envol, il adopte un langage géométrique influencé par le constructivisme, l’art concret brésilien et certaines approches du design industriel. L’apparente austérité de ses pièces révèle une recherche sur la perception, le rythme et la gravité. L’œuvre d’Artur Lescher prend une dimension particulière au musée Haus Konstruktiv, la principale institution consacrée à l’art concret, constructif et conceptuel en Suisse. L’accrochage met en scène des installations...

Et le Grand Prix d’art de Zurich 2025 est décerné à … Artur Lescher ! L’artiste brésilien, dix-huitième lauréat de la prestigieuse récompense suisse, est à l’honneur au musée Haus Konstruktiv. L’exposition est curatée par Sabine Schaschl.

Artur Lescher a participé à la 19e et à la 25e Bienal de São Paulo (1987 et 2002), ainsi qu’à la 5e Bienal do Mercosul (2005). Il a exposé dans des galeries majeures telles que Nara Roesler, Almine Rech, OMR et Piero Atchugarry. En 2019, la Pinacoteca do Estado de São Paulo lui a consacré une exposition personnelle, Artur Lescher : suspensão.

POIDS, FORME, GRAVITÉ

Né en 1962 à São Paulo, formé en philosophie à l’Université pontificale catholique de São Paulo, Lescher est une figure majeure de l’art abstrait en Amérique latine. Depuis plus de trente ans, il construit une œuvre sculpturale fondée sur la précision des formes, la tension des matériaux et le dialogue avec l’architecture. Chaque élément – poids, axe, surface – et chaque matière – métal, bois, câble – participe à une économie formelle rigoureuse.

GÉOMÉTRIE EN SUSPENSION

Dans les années quatre-vingts où son travail prend un envol, il adopte un langage géométrique influencé par le constructivisme, l’art concret brésilien et certaines approches du design industriel. L’apparente austérité de ses pièces révèle une recherche sur la perception, le rythme et la gravité. L’œuvre d’Artur Lescher prend une dimension particulière au musée Haus Konstruktiv, la principale institution consacrée à l’art concret, constructif et conceptuel en Suisse. L’accrochage met en scène des installations qui disent un attrait pour les matériaux et les couleurs où se mêlent le métal, le bois, la corde, l’or, le noir, le rouge. La verticalité caractérise ses sculptures : flèches, cônes, tiges sont exécutés dans des métaux polis et reliés par de fins câblages presque invisibles. Tout semble en apesanteur, les objets paraissent flotter dans l’espace, suggérant une direction, une force, un poids. Paradoxalement, ces œuvres qui semblent à priori non-narratives racontent une histoire : celle d’une tension qui s’adapte au site et construit une forme d’unité où se crée un équilibre. Ce travail sur la verticalité engage une lecture physique du lieu. Les sculptures prolongent des lignes de force architecturales où l’objet entretient un rapport puissant avec l’environnement. La place du spectateur est centrale. Il se transmue en figure active, il ne se contente pas de regarder, il doit se déplacer, mesurer, reconfigurer mentalement les rapports de proportions. Cette approche résonne avec certaines pratiques du néo-concrétisme brésilien, notamment avec Lygia Pape ou Hélio Oiticica qui répondent de façon novatrice à une abstraction jugée trop rigide, et brisent la distance entre l’œuvre et le spectateur. De la même façon, Lescher cherche à orienter le regard, à installer des situations perceptives qui imposent un temps d’attention. Ce que l’on voit ne s’induit pas immédiatement mais nécessite un effort de lecture, une concentration presque méditative. Les sculptures suspendues en lames de métal font penser notamment à l’artiste contemporain suédois Tarik Kiswanson dont le travail, récompensé par le prix Marcel Duchamp (2023), fait un usage de matériaux aux propriétés réfléchissantes.

MATÉRIAUX, PERCEPTION, ÉMOTION

L’art conceptuel ne signifie pas une beauté froide et géométrique. Lescher explore une phénoménologie de la perception. Tube en or arrondi ou piquant finement dessiné, jeu de cordages qui interroge la frontière entre visible et l’invisible, sablier qui pose la question du temps. « On ne pense voir que de la matière mais on plonge dans l’émotion, chose rare chez les artistes conceptuels », précise l’historienne de l’art Barbara Grau. L’artiste ne nous invite pas seulement à voir mais à ressentir ce que produit l’oblique, la verticalité dès lors que nos corps circulent entre les œuvres. Jouer sur la corde, vibrer, faire vibrer, faire réfléchir – l’artiste veut tout. Lescher est un artiste total pour lequel la musique n’est pas un monde lointain. Certaines pièces intègrent des lignes ten-dues, rappelant les cordes d’instruments – harpe, piano, guitare. Cette mise en tension peut évoquer un système d’accordage, des lignes de portée ou des schémas rythmiques. Lescher parle volontiers de « vibration » et de « résonance » : une métaphore spatiale, mais aussi musicale.

ENTRE HISTOIRE ET INVENTION

L’œuvre ne se donne pas. Elle est comme une femme distante qui se révèle tout à coup chaleureuse. Chez Lescher, après la froideur surgit l’émotion. Ses sculptures prennent en compte l’autre et l’inclut dans un chemin de douceur et de délicatesse. Plus que cela, elles nous invitent à sor-tir de la dimension discursive de l’art conceptuel. L’intellect n’est plus le seul prince du royaume. Il est supplanté par un tout : l’émotion, l’esthétique, la perception. Il s’ancre dans une profondeur notamment quand Lescher nous exhorte à penser le temps avec le sablier du sourcier aux allures du pendule de Foucault. Certaines formes oblongues peuvent rappeler la dent de narval, objet de curiosité médiévale visible au musée de Cluny : une pièce droite, fine, sensorielle, à l’image de son œuvre. Le cétacée qui vit dans les eaux profondes de l’océan Arctique possède une sonde sensorielle puissante – à l’image du travail sensible de Lescher. Le rapprochement avec le land art n’est pas une fantaisie. Il invite à marcher, regarder, sentir, et à envisager l’espace comme une expérience. À la façon de la mystérieuse sculpture noire qui fend l’espace et nous fait entrer dans une autre dimension. L’artiste qui refuse le spectaculaire pour se concentrer sur la rigueur formelle – laiton, acier inoxydable, cuivre, aluminium, cordes synthétiques – s’accompagne d’une maîtrise technique. Le poli, le net et l’uniforme servent à clarifier la lecture visuelle. Lescher est passé maître dans l’expérimentation de la gravité et dans l’art de composer avec l’équilibre. Il pousse jusqu’au bout la science des mathématiques, l’ingénierie, l’architecture, invente une poétique de l’espace et abolit les frontières entre la réalité et sa représentation.

Artur Lescher, Asterismos, exhibition view, Almine Rech Gallery, Paris, 2019

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