Sous ce nom très tendance se cache en fait la Foire des Antiquaires de Belgique, ellemême antique puisque 2011 marquera sa cinquante-sixième édition. «Relookée», repensée et toujours plus ambitieuse, la BRAFA11 investit sur près de quinze mille mètres carrés les superbes volumes de Tour & Taxis, au nord de Bruxelles, avec plus de cent trente marchands d’art du monde entier, tous triés sur le volet.Entretien avec son exigeant président, Bernard de Leye.
La Brafa commence à se positionner réellement comme une foire de premier plan, avec une grande variété d’objets présentés par des marchands qui sont, pour beaucoup d’entre eux, parmi les meilleurs dans leur spécialité…Oui, la décision de quitter en 2004 le Palais des Beaux-Arts, trop exigu, pour les halls de l’ancienne gare de triage de Tour & Taxis, nous a fait changer de dimension et nous a donné les moyens de nos ambitions. Elle nous a permis de donner de la place aux étrangers sans pénaliser les Belges, et cette internationalisation augmente à la fois la richesse et la crédibilité de notre manifestation. Comme d’habitude, nous avons confié à un cabinet d’architectes le soin d’élaborer une ambiance raffinée et originale autour d’un thème. C’est important parce que cela confère en quelque sorte un millésime à chaque édition de la Brafa. Cette année, cela va tourner autour du végétal, dans un esprit proche du Land Art.Une des premières préoccupations de votre serviteur en préparant cet entretien a été dechercher à savoir ce qui se cachait derrière ce curieux toponyme de «Tour & Taxis»… Pouvez-vous nous éclairer?[rires] En fait, il s’agit de la famille von Thurn und Taxis, qui est une très ancienne et très riche famille allemande, à l’origine des services postaux européens. Ces services ont été organisés à partir de la Belgique pendant deux siècles, jusqu’au XVIIIe. Le lieu proprement dit de Tour & Taxis était je crois à l’origine une pâture pour les chevaux de poste. Le nom est resté pour désigner le site industriel bâti au XIXe siècle. En 2004, les princesses Elisabeth et Marie-Thérèse von Thurn und Taxis sont d’ailleurs venues inaugurer la foire, et leur gentillesse constitue un charmant souvenir pour beaucoup d’entre nous.
Vous insistez beaucoup sur la stricte sélection que vous opérez parmi les marchands, ainsi que sur l’expertise systématique des pièces qui sont présentées à la Brafa…Oui, vous savez, nous souhaitons garder une taille humaine, pour des raisons de convivialité notamment. En outre la Brafa n’a pas pour elle-même un objectif commercial, à la différence d’autres foires. Cela nous offre le luxe de pouvoir être sélectifs, puisque la qualité de la manifestation et des objets présentés est finalement notre seul but.Pendant de nombreuses années, les experts qui intervenaient pour juger de la qualité et de l’authenticité des objets proposés par les galeries ne pouvaient pas exposer eux-mêmes; l’idée était de ne pas être juge et partie, comme on dit. Mais depuis l’année dernière, nous sommes partiellement revenus sur cette politique. En effet, lorsqu’un exposant est aussi le meilleur expert dans sa spécialité, – ce qui arrive relativement souvent compte tenu de la sélection que nous effectuons parmi les candidats, il est difficile de le tenir à l’écart de l’expertise: c’est tout à la fois vexatoire et contre-productif.De fait, quand arrive le moment où ses propres pièces sont soumises à l’expertise, le marchand concerné se met en retrait, tout en restant là pour s’expliquer en cas de problèmeou de désaccord. Cela semble fonctionner très bien, et a de plus le mérite de la transparence.En dehors de cette exigence, quels sont les atouts de la Brafa, par exemple face à un mastodonte comme Maastricht ?Il y en a beaucoup ! D’abord Bruxelles est plus accessible que Maastricht, ce qui n’est pas rien. Mais surtout, il y a un esprit belge qui plane sur la Brafa; on y mange bien, on y boit de même, l’ambiance est détendue, confraternelle. C’est un événement international auquel nous essayons d’imprimer en partie notre art de vivre. Notre histoire nous donne aussi une longueur d’avance dans certains domaines; nous sommes incontestablement en pointe pour ce qui est des arts premiers, parce qu’il y a traditionnellement beaucoup de collectionneurs en Belgique pour cela. Nous avons également, depuis l’année dernière, de la bande dessinée avec des exposants proposant des planches originales. Là encore, cela entre en résonance avec notre culture et notre patrimoine, car la Belgique est la patrie de la bande dessinée…
En outre, nous avons une politique d’ouverture réelle, mais raisonnée envers l’art contemporain. Il y a de fort belles choses qui sont faites dans ce domaine, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous en accueillons, mais c’est un monde volontiers soumis aux modes et aux spéculations, et ce n’est pas tellement notre affaire, ni, croyons-nous, celle de nos visiteurs. Il est important de ne pas se disperser.Comme l’année dernière, où les musées de la ville de Liège étaient invités à présenterquelques-uns de leurs trésors, vous avez convié le Musée Mayer van den Bergh, d’Anvers, qui exposera une vingtaine d’œuvres pendant toute la durée de la foire…C’est une manière de resserrer les liens entre deux mondes qui ont longtemps entretenu une méfiance réciproque. Le Musée Mayer van den Bergh, c’est tout simplement la fantastique collection d’objets d’art – plus de trois mille pièces, réunie par Fritz van den Bergh jusqu’à sa mort en 1901. Une telle passion ne peut que trouver un écho parmi nous.