DANS L’ATELIER DEPHILIPPE PASQUA

Lorsque l’on pose le regard sur une toile de Philippe Pasqua, le choc provoqué par la violence de la chair, telle une grenade que l’on dégoupille, fait exploser les émotions. Quant à son atelier, design et lumineux, il révèle l’art des contrastes… Peintre de la déchirure, Philippe Pasqua captive la planète Art par ses œuvres en coups de poing où corps et visages hurlent leurs différences en 3m sur 5m. Enfants trisomiques à l’aura angélique, regards puissants d’aveugles, travestis en souffrance, urgence d’une femme soudée à son fauteuil roulant… En chirurgien de l’âme, l’artiste suture l’obscénité et le sacré sans perdre la maîtrise de l’un et l’autre registre. À l’instar des compressions de César, ces images jonchent le sol, stigmates d’un style figuratif immédiatement identifiable.«J’en utilise 3000 par an, dès que la peinture sèche je change !» s’amuse le jeune homme de 45 ans, ancré dans ses baskets Jordans dont une centaine de paires rythment un angle de l’immense atelier. Sportif, ce terrien vole en virtuose de musées en collectionneurs. Venise: Biennale 2007 avec une vanité en marbre de Carrare (87 tonnes) surmontée de papillons, entrechoquant la raideur de la mort et l’éphémère légèreté. New York: la Spike Gallery signe «l’artiste français le plus prometteur ». Londres avec un record chez Sotheby’s –120 000 £ en février 2010 – pour Marie, toile emblématique. Moscou cet été qui l’honore en solo au Museum of Modern Art; Paris: Laurent Strouk vend les 80 dessins de Palimpsestes dès l’inauguration et TheStorage où il...

Lorsque l’on pose le regard sur une toile de Philippe Pasqua, le choc provoqué par la violence de la chair, telle une grenade que l’on dégoupille, fait exploser les émotions. Quant à son atelier, design et lumineux, il révèle l’art des contrastes…

Peintre de la déchirure, Philippe Pasqua captive la planète Art par ses œuvres en coups de poing où corps et visages hurlent leurs différences en 3m sur 5m. Enfants trisomiques à l’aura angélique, regards puissants d’aveugles, travestis en souffrance, urgence d’une femme soudée à son fauteuil roulant… En chirurgien de l’âme, l’artiste suture l’obscénité et le sacré sans perdre la maîtrise de l’un et l’autre registre. À l’instar des compressions de César, ces images jonchent le sol, stigmates d’un style figuratif immédiatement identifiable.«J’en utilise 3000 par an, dès que la peinture sèche je change !» s’amuse le jeune homme de 45 ans, ancré dans ses baskets Jordans dont une centaine de paires rythment un angle de l’immense atelier. Sportif, ce terrien vole en virtuose de musées en collectionneurs. Venise: Biennale 2007 avec une vanité en marbre de Carrare (87 tonnes) surmontée de papillons, entrechoquant la raideur de la mort et l’éphémère légèreté. New York: la Spike Gallery signe «l’artiste français le plus prometteur ». Londres avec un record chez Sotheby’s –120 000 £ en février 2010 – pour Marie, toile emblématique. Moscou cet été qui l’honore en solo au Museum of Modern Art; Paris: Laurent Strouk vend les 80 dessins de Palimpsestes dès l’inauguration et TheStorage où il draine près de la capitale, sur 3000m2, autant de fans pour le vernissage, un soir de pluie… Demain, Singapour puis Art Paris en mars: «Cette reconnaissance m’apporte un peu de repos» lâche l’artiste qui sans cesse lutte aux confins du montrable et de l’occulté interrogeant notre capacité à zoomer sur ce qui dérange jusqu’à la fêlure.

L’art des contrastesAutodidacte, né à Grasse, il fuit le pensum du lycée parisien pour l’univers de Francis Bacon. Cet électrochoc scelle son destin, avec le soutien de sa famille dont l’oncle, Charles Pasqua, a été un célèbre ministre de l’intérieur. L’art des contrastes, voilà le résumé parfait du monde de ce funambule tiraillé depuis ses 20 ans entre la vie et la mort, la chair et les ossements, avec la peinture pour oxygène et la sculpture pour laboratoire. «Vous pouvez m’enlever la trace du dessin, la densité de la sculpture mais la peinture, jamais ! Par nature je me lasse vite mais même après des centaines de tableaux, dès que commence une toile, j’ai le sentiment que c’est la première fois.» Cette zone de turbulence où il dénude l’émotion le structure. À Colombes, l’ancienne chocolaterie accueille atelier et loft. Une table de ping-pong de Ron Arad tutoie les canapés des Campana «des amis !». Dans l’atelier, le rituel est implacable, jouissif. Philippe Pasqua efface et recouvre les portraits précédents par d’autres qui leur succèdent. Le geste est «tripal», égoïste: «Je ne pense à rien ni personne.» Seule la mémoire des toiles anciennes et les sensations servent de creuset au tableau à venir.

Fasciné par la figure humaineTel un chaman face à son brasier, Canon en bandoulière, il mitraille, captant l’instant indicible du modèle. Les photos comme des brouillons recouvrent tables et murs jusqu’à ce que le cadrage s’impose à partir d’un négatif qu’il fixe longuement. Ce processus d’effacement et de résurgence du sujet signe sa ligne de force. Il étale ses feuilles au sol et les éclabousse de drippings colorés: «Je pars de la bouche puis le nez, les yeux, le reste suit.» Fasciné par la figure humaine, rien d’autre hormis son chien ne pénètre sa toile où roule en tempête un océan de failles. Insaisissable, il conteste: «L’homme qui peint cela est très heureux. Les trisomiques que je rencontre avec beaucoup de plaisir sont bien dans leur monde. Les travestis jusqu’à leur opération ont du mal à s’adapter mais après… Et je peins aussi des gens qui n’ont rien !» Philippine, auphysique de top model qu’il brosse cette année, s’échappe du loft. Sur la toile, un pansement balafre déjà sa pommette…Un «serial painter»Compulsif, Pasqua peint durant la journée et fête la nuit, selon une hygiène de vie monacale, sans alcool ni cigarette. La veille, ici, c’était nuit blanche avec Lenny Kravitz fasciné par sa Ferrari F 430 customisée, gainée de cuir et accrochée au mur. «Immobiliser la vitesse, travailler les opposés, j’adore. Ma vie est comme ça ! Cette voiture est une sculpture en soi, la regarder et ne pas s’en servir questionne…». Mais c’est toujours la peinture qui l’obsède.«Je ne peux jamais m’éloigner longtemps de mon atelier, peindre est mon seul délire vital.» Alors que plane la voix de Bob Marley en écho à ses «dread locks», l’artiste qui consomme à outrance vitesse, jets lags, fêtes, DVD – il en a plus de 3000 – ne se lâche qu’à table, en gourmet. Fine gueule, il sacralise les gueules cassées. Au Storage, l’exposition propose un titre à la Gainsbourg: Mea Culpa. N’y voyez aucun aveu, le «serial painter» plaide non coupable: sur sa toile, la vie est mortelle !

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