KACHINA POUPÉES RITUELLES DES INDIENS HOPI ET ZUNI 

Le 29 mai 1927, Paul Eluard écrivait à sa femme Gala: «J’ai deux très belles poupées Pueblo. C’est ce qu’il y a de plus beau au monde.» Dans une autre lettre, en juin de la même année, il lui disait encore: «Ici (à Eaubonne), nous avons trouvé, moi et Breton, des poupées du Nouveau-Mexique. C’est merveilleux.» Qui de nous n’a été fasciné par les récits de la Conquête de l’Ouest, les aventures de cow-boys et d’Indiens? Qui ne se souvient des Sioux, Comanches, Apaches, Cheyennes et autres Navajos, dont les histoires circulaient dans l’Europe entière? En revanche, que savons-nous des Hopi, leurs frères, eux aussi acteurs de cette épopée? Pas grand-chose en vérité, si ce n’est qu’ils nous ont laissé des témoins de leur culture, les poupées kachina, auxquelles d’illustres personnages, tels Paul Eluard cité ci-dessus, André Breton, Max Ernst, Marcel Duchamp, Emil Nolde, Robert Lebel, Matta, André Malraux ou encore Claude Lévi-Strauss se sont intéressés de près, après être tombés sous leur charme. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, exilé aux États-Unis, André Breton se rend chez les Hopi, il s’imprègne de leur riche culture et prend conscience de la convergence entre leurs idéaux et ceux des sur réalistes dont il est le porte-parole. Cette démarche le conduira à donner une nouvelle orientation à sa pensée. Pour Breton les «primitifs» n’ont pas été déformés par des siècles de pensée rationnelle et ils ont conservé une perception du monde comme un tout indissociable, perception qui induit chez les Hopi...

Le 29 mai 1927, Paul Eluard écrivait à sa femme Gala: «J’ai deux très belles poupées Pueblo. C’est ce qu’il y a de plus beau au monde.» Dans une autre lettre, en juin de la même année, il lui disait encore: «Ici (à Eaubonne), nous avons trouvé, moi et Breton, des poupées du Nouveau-Mexique. C’est merveilleux.»

Qui de nous n’a été fasciné par les récits de la Conquête de l’Ouest, les aventures de cow-boys et d’Indiens? Qui ne se souvient des Sioux, Comanches, Apaches, Cheyennes et autres Navajos, dont les histoires circulaient dans l’Europe entière?

En revanche, que savons-nous des Hopi, leurs frères, eux aussi acteurs de cette épopée? Pas grand-chose en vérité, si ce n’est qu’ils nous ont laissé des témoins de leur culture, les poupées kachina, auxquelles d’illustres personnages, tels Paul Eluard cité ci-dessus, André Breton, Max Ernst, Marcel Duchamp, Emil Nolde, Robert Lebel, Matta, André Malraux ou encore Claude Lévi-Strauss se sont intéressés de près, après être tombés sous leur charme.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, exilé aux États-Unis, André Breton se rend chez les Hopi, il s’imprègne de leur riche culture et prend conscience de la convergence entre leurs idéaux et ceux des sur réalistes dont il est le porte-parole. Cette démarche le conduira à donner une nouvelle orientation à sa pensée. Pour Breton les «primitifs» n’ont pas été déformés par des siècles de pensée rationnelle et ils ont conservé une perception du monde comme un tout indissociable, perception qui induit chez les Hopi une conception particulière de la nature, perçue non pas comme étrangère à l’homme, mais comme faisant partie intégrante de sa vie intérieure.

Parlant des poupées Hopi de sa propre collection, André Breton disait à Jean Duché, du Figaro littéraire, lors d’une interview, le 5 octobre 1946: «Voyez quelle justification ces objets apportent à la vision surréaliste, quel nouvel essor même, ils peuvent lui prêter.» Il ajoute, prenant à témoin une poupée hopi évoquant la déesse du maïs: «Dans l’encadrement crénelé de la tête, vous découvrez les nuages sur la montagne; dans ce petit damier, au centre du front, l’épée; autour de la bouche, l’arc-en-ciel; dans les stries verticales de la robe, la pluie descendant dans la vallée. Est-ce là, oui ou non, la poésie telle que nous continuons à l’entendre?» Ou encore: «C’est la plastique de race rouge, tout particulièrement, qui nous permet d’accéder aujourd’hui à un nouveau système de connaissance et de relation.»

Ainsi, sous l’impulsion des Surréalistes, l’art des Hopi prenait la succession de l’art nègre en tant que source d’inspiration artistique.

Mais au fait, qui sont ces Hopi ?

Au Nord-est de l’Arizona s’étend le vaste plateau de Black Mesa, à près de 2000 mètres d’altitude. Sur le flanc ouest, trois promontoires rocheux dominent ce désert de sable. C’est là que se sont installés, il y a deux millénaires, les Indiens Hopi. Ces Indiens n’habitaient pas sous tente, mais dans des villages (pueblos), construits en pisé, autour d’une place centrale, servant aux cérémonies.

Leur nourriture de base était le maïs, ainsi que différentes variétés de haricots et de courges, cultivés avec peine, en raison de la rudesse du climat régnant sur le haut plateau, de l’irrégularité des précipitations, sans parler de la présence d’insectes et de rongeurs qui s’attaquaient aux maigres récoltes. Pour se protéger, voire se défendre, les Hopi faisaient appel aux Kachina. Ce terme désigne à la fois les esprits et les puissances transcendantales, de même que les hommes qui les personnifiaient jusqu’à s’identifier à eux. À l’exception des Esprits Vents-Méchants et des Esprits-de-Toutes-les Directions, chacune des puissances surnaturelles pouvait être dénommée Kachina et se voir représentée. Généralement bienveillantes, elles dispensaient pluie et récoltes abondantes.

Six mois par an, à l’occasion de rites collectifs, les esprits Kachina s’incarnaient dans des danseurs masqués et costumés. C’est à cette occasion que des poupées de bois peintes, également appelées Kachina et représentant les danseurs, étaient offertes aux enfants. En les conservant toujours près d’eux, accrochées aux murs de l’habitation, les enfants apprenaient à se familiariser avec les esprits qui composaient leur univers magique. Cette cohabitation conférait aux poupées kachina un rôle essentiel, assurant la continuité de la connaissance des mythes fondateurs de la société. Ces poupées étaient distribuées seulement lors de périodes précises, de décembre à juillet, à l’occasion de deux cérémonies: la Danse du Haricot (powamu) et la Danse du Retour à la Maison (Niman) fête qui célèbre le départ des Kachina. En effet, la légende dit que ces Kachina vivaient jadis toute l’année dans les villages et que s’ils n’y siégeaient plus c’est en raison de mauvais traitements dont ils avaient été les victimes. Ils décidèrent de ne plus visiter les lieux que sous forme de nuage et de ne sortir de leurs sanctuaires souterrains que deux fois par année.

Les poupées kachina sont sculptées dans la racine du peuplier américain (cottonwood), connu pour son aptitude à aller chercher l’eau en déployant ses racines sur près de 300 mètres, ce qui explique pourquoi les Hopi, pour qui l’eau était synonyme de survie, se sentaient en harmonie avec cet arbre. Les premières Kachina étaient plates et d’un seul morceau, les jambes encore inexistantes. C’est à la fin du XIXe siècle que se fit la séparation des membres inférieurs et qu’apparurent les avant-bras. Quant aux poupées dites modernes, parfaitement fidèles à la tradition, elles ne doivent pas être considérées pour autant comme des objets touristiques, car la Kachina reste, de nos jours encore, le lien qui unit les Indiens à la terre de leurs ancêtres. Il faut encore souligner l’importance de la peinture qui recouvre ces Kachina. En effet, les couleurs y sont associées aux points cardinaux: le jaune symbolise le nord, le bleu-vert l’ouest, le rouge le sud, le blanc l’est. Le noir représente le zénith et le gris, le nadir, direction opposée, indiquant le monde souterrain. En outre, chaque esprit peut être identifié par un ton qui détermine sa provenance, sa fonction ou encore son appartenance à tel ou tel groupe.

Quant aux nombreux motifs figurés sur ces poupées, il est extrêmement difficile de les identifier, chaque élément de décoration est un symbole exprimant un souhait tel que par exemple: «Les nuages apportent l’eau nécessaire aux récoltes.» Dresser un inventaire exhaustif des poupées qui constituent le panthéon kachina relève de l’impossible. Il faudrait pour cela énumérer tout ce qui célèbre la faune et la flore, tout ce qui fait appel à la clémence des éléments, aux besoins essentiels de la vie. Retenons seulement que ces poupées témoignent d’une culture ancestrale en train de disparaître. Elles en constituent le patrimoine visuel, que l’on s’efforce de protéger.

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