La médecine ancienne, du corps aux étoiles

L’histoire de la médecine comme vous ne l’avez jamais vue, les connaissances médicales replacées dans le contexte philosophique et religieux des époques anciennes, leur voyage d’Occident en Orient et retour, une exposition à la Fondation Martin Bodmer de pièces uniques ou rares, dont plusieurs n’ont jamais été prêtées ni exposées et ne le seront plus.Quatre années de recherches, de voyages et d’efforts furent nécessaires pour arracher à 33 institutions parmi les plusprestigieuses du monde, et à sept collections privées, des pièces jalousement gardées, dont plus de 40 sur les 250 présentées n’ont jamais été prêtées et 25 jamais même exposées. La charpente de l’édifice comprend 80 œuvres tirées du fonds médical de la collection conçue par le génie humaniste du zurichois Martin Bodmer (1899-1971).Le projet traduit la volonté des organisateurs d’inscrire les progrès de la médecine au cours des âges dans l’univers de l’homme, de les relier en temps et lieu aux différentes représentations et constructions mentales. Rien n’est plus éclairant dans toute aventure de l’esprit que de saisir le phénomène humain dans sa totalité, ce totum hominem que postule la médecine selon Isidore de Séville, le saint évêque de l’Espagne wisigothique du VIIe siècle, dans son encyclopédie. Elle exige, selon lui, comme la philosophie, la connaissance de toutes les disciplines d’études, de la grammaire et la logique à la musique et l’astronomie, elle doit même être conçue comme «une seconde philosophie», puisqu’il leur incombe à toutes deux de guérir, l’âme, pour la première, le corps, pour la seconde (Etymologies,...

L’histoire de la médecine comme vous ne l’avez jamais vue, les connaissances médicales replacées dans le contexte philosophique et religieux des époques anciennes, leur voyage d’Occident en Orient et retour, une exposition à la Fondation Martin Bodmer de pièces uniques ou rares, dont plusieurs n’ont jamais été prêtées ni exposées et ne le seront plus.
Quatre années de recherches, de voyages et d’efforts furent nécessaires pour arracher à 33 institutions parmi les plusprestigieuses du monde, et à sept collections privées, des pièces jalousement gardées, dont plus de 40 sur les 250 présentées n’ont jamais été prêtées et 25 jamais même exposées. La charpente de l’édifice comprend 80 œuvres tirées du fonds médical de la collection conçue par le génie humaniste du zurichois Martin Bodmer (1899-1971).Le projet traduit la volonté des organisateurs d’inscrire les progrès de la médecine au cours des âges dans l’univers de l’homme, de les relier en temps et lieu aux différentes représentations et constructions mentales. Rien n’est plus éclairant dans toute aventure de l’esprit que de saisir le phénomène humain dans sa totalité, ce totum hominem que postule la médecine selon Isidore de Séville, le saint évêque de l’Espagne wisigothique du VIIe siècle, dans son encyclopédie. Elle exige, selon lui, comme la philosophie, la connaissance de toutes les disciplines d’études, de la grammaire et la logique à la musique et l’astronomie, elle doit même être conçue comme «une seconde philosophie», puisqu’il leur incombe à toutes deux de guérir, l’âme, pour la première, le corps, pour la seconde (Etymologies, IV, 13, 5).Ainsi le souci propre à la Grèce lumineuse de Périclès de construire une science raisonnée et qui s’enseigne, telle la médecine hippocratique, s’autorise-t-il des dieux de la mythologie. La famille bien réelle des Asclépiades, ces médecins de l’île de Cos, dont est issu Hippocrate, revendiquait une filiation divine remontant à Asclépios (Esculape), le fils d’Apollon médecin. Le dieu jaloux l’arracha, dit-on, aux entrailles de la belle Coronis tuée par vengeance, pour le confier au sage centaure Chiron qui lui apprit l’art de soigner par les plantes, transmis par Artémis. Avant d’être changé en constellation, celle du Serpentaire, le dieu «qui trouva la science de médecine et en fit livres» (Christine de Pizan), eut deux filles répondant aux noms d’Hygie (l’hygiène de vie) et de Panacée (le remède universel).

Mais cette médecine se fonde aussi sur la philosophie d’Empédocle et sa physique des éléments autour desquels s’établirent les correspondances entre les quatre points cardinaux, les quatre saisons, les quatre humeurs du corps, dont l’équilibre fait la santé, et les quatre âges de la vie. Ainsi l’homme est-il relié au monde, le microcosme au macrocosme, le corps aux étoiles, selon la vision astrologique qui rattache les parties du corps aux signes du zodiaque et aux influences planétaires. À cette conception du monde qui dominera la pensée et la vie quotidienne jusqu’à la naissance du rationalisme médical du XVIIe siècle s’ajoutera le rêve de la tradition alchimique de trouver l’élixir de longue vie, l’Or philosophal, qui réaliserait l’impossible union des éléments, du feu dans l’eau, de l’air dans la terre, de la vie dans la mort. Quant à la voie monastique illustrée par l’abbaye de Cluny au Xe siècle et à la tradition hospitalière médiévale, elles ont leur source dans la conception chrétienne de la charité qui voit dans les pauvres, les souffrants et les infirmes les images vivantes du Christ. Ainsi naquit à côté du scriptorium, cet atelier studieux qui recopiait le savoir antique, l’hospitium, l’institution hospitalière qui accueillait les malades, les errants et les pèlerins.Une telle exposition est révélatrice des chemins de l’histoire par où les savoirs passent d’une culture et d’une société à une autre. Tout se tient. Alexandrie recueillait l’Égypte, tandis que la médecine grecque gagnait Rome avec Galien sous le règne d’Hadrien. Après la chute de l’Empire romain d’Occident, retour sur Alexandrie, et on repart vers Byzance.Surviennent les querelles théologiques du Ve siècle, les chrétiens hérétiques, monophysites, se replient en Syrie, les Nestoriens s’établissent en Perse. Ces chrétiens d’Orient traduisent en arabe pour les califes de Bagdad les textes grecs. Commence alors la brillante civilisation arabomusulmane des IXe et Xesiècles. La Perse est au carrefour, les contacts s’établissent avec l’Inde (Ayurvéda et Yunâmi) et les Nestoriens sont en Chine. La conquête arabe se poursuit en Afrique et en Espagne et la médecine voyage grâce aux traducteurs, comme le chrétien Constantin l’Africain. De Kairouan on passe en Sicile et à Salerne, la plus ancienne Faculté de médecine de l’Occident, et de Cordoue, grâce à un Gérard de Crémone, à toute la Chrétientémédiévale. Après Salerne, Montpellier devint un haut lieu d’enseignement de l’art médical. Là furent pratiquées les dissections, donnant une impulsion neuve à l’anatomie et leur dignité aux chirurgiens enfin distingués des barbiers. Leur maître fut, au XIVe siècle, Guy de Chauliac, le médecin des papes d’Avignon. De même les apothicaires gagnèrent un statut distinct. Survinrent les nouveaux fléaux. La peste noire venue d’Asie décima l’Europe, la syphilis fut rapportée du Nouveau Monde auquel les Conquistadors inoculaient en retour nos maladies mortelles. L’avènement du livre imprimé diffusait la connaissance des Anciens comme des Modernes. Un seuil était franchi, introduisant à la médecine moderne. Ce fut le temps des Fracastor, Vésale, Fernel, Paré, Paracelse, Harvey et Malpighi.

Nous pourrions égrener la liste des exemplaires uniques ou précieux offerts aux regards du visiteur: papyrus magiques contre les piqûres de scorpions et morsures de serpents, Livres des morts et pratiques de la momification, tel manuscrit du IXe siècle de la Diététique d’Hippocrate issu de l’abbaye de Fulda, l’exemplaire des Œuvres d’Hippocrate qui appartenait à Ronsard, signé et annoté par lui, un manuscrit arabe d’un médecin du Caire, Ibn al-Nafis, découvrant quatre siècles avant Harvey la circulation sanguine, le Canon d’Avicenne traduit par Gérard de Crémone, épais de 842 feuillets et le superbe incunable de 1473 du même Canon. Puis, de spectaculaires herbiers médiévaux. Le rouleau parchemin du chirurgien anglais John Arderne au XVe siècle, clou de l’exposition, déroule en images au long de ses 5m42 tout le savoir chirurgical de l’époque, innovant en proctologie, urologie, gynécologie, etc. Des instruments médico-chirurgicaux parsèment les vitrines, on remarque des échantillons de «thériaque», on découvre les calendriers pliables de la médecine populaire. On s’émerveillera devant des manuscrits mythiques de l’alchimie, l’Aurora consurgens, le Rosarium philosophorum, ou face à une vision éveillée, peinte en pleine page, de l’abbesse rhénane, Hildegarde de Bingen, ou devant l’image de l’Hôtel-Dieu sur la Seine.En contrepoint, le visiteur rencontrera des témoins exceptionnels de la médecine asiatique, comme le Dongui Bogam, («le miroir précieux des médecins») ou des peintures tibétaines sur les plantes et les points d’acupuncture, mais aussi du reste du monde: un Homme zodiacal aztèque, la magie de Sumatra, le chamanisme amérindien, la charge médico-magique d’une statuette Téké du Congo, car le rôle d’un musée est de révéler la profondeur du champ historique qui éclaire notre présent et d’ouvrir inlassablement au dialogue des cultures.


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