L’art de la photographie Des origines à nos jours

Ce qui frappe d’emblée, lorsque l’on prend en mains ce magnifique ouvrage, c’est le caractèreambigu de la photographie figurant sur la jaquette, en page de couverture: une femme, très belle, très «glamour», étendue dans une brouette capitonnée, habillée d’une robe de grand couturier, et dont le cou et les poignets sont ornés de bijoux fastueux. Alors, photo de mode pour magazine sur papier glacé, image de commande pour un mari amoureux, cliché publicitaire ou œuvre d’art ?La photographie est de Man Ray, la robe de Lucien Lelong, la brouette d’Oscar Dominguez: elle est donc inclassable, et elle résume en une seule image tout le champ couvert par la photographie pendant près de deux siècles. Et Dieu sait si ce champ est vaste.La question fondamentale que tout le monde n’a cessé de se poser depuis que l’on est parvenu à reproduire mécaniquement une image peut se résumer à «que va-t-on faire de cette technique» ou, pour faire moderne, de ce medium ?Dès ses premiers pas, le daguerréotype, dont le livre rapporte l’éclosion parmi différentes techniques visant à fixer une image sur un support, connaît un développement foudroyant auxÉtats-Unis. Phénomène qui s’explique notamment par le fait que ce moyen d’expression a trouvé dans ce pays neuf, sans grande tradition culturelle, un terrain particulièrement favorable. Mais il y a autre chose: d’après les auteursde l’ouvrage, l’irruption de l’image photographique dans la société américaine a surtout répondu à une demandede portraits. Portraits de personnages, bientôt suivis de paysages, puis de scènes de genre. On...

Ce qui frappe d’emblée, lorsque l’on prend en mains ce magnifique ouvrage, c’est le caractèreambigu de la photographie figurant sur la jaquette, en page de couverture: une femme, très belle, très «glamour», étendue dans une brouette capitonnée, habillée d’une robe de grand couturier, et dont le cou et les poignets sont ornés de bijoux fastueux. Alors, photo de mode pour magazine sur papier glacé, image de commande pour un mari amoureux, cliché publicitaire ou œuvre d’art ?La photographie est de Man Ray, la robe de Lucien Lelong, la brouette d’Oscar Dominguez: elle est donc inclassable, et elle résume en une seule image tout le champ couvert par la photographie pendant près de deux siècles. Et Dieu sait si ce champ est vaste.La question fondamentale que tout le monde n’a cessé de se poser depuis que l’on est parvenu à reproduire mécaniquement une image peut se résumer à «que va-t-on faire de cette technique» ou, pour faire moderne, de ce medium ?Dès ses premiers pas, le daguerréotype, dont le livre rapporte l’éclosion parmi différentes techniques visant à fixer une image sur un support, connaît un développement foudroyant auxÉtats-Unis. Phénomène qui s’explique notamment par le fait que ce moyen d’expression a trouvé dans ce pays neuf, sans grande tradition culturelle, un terrain particulièrement favorable. Mais il y a autre chose: d’après les auteursde l’ouvrage, l’irruption de l’image photographique dans la société américaine a surtout répondu à une demandede portraits. Portraits de personnages, bientôt suivis de paysages, puis de scènes de genre. On peut dès lors tracer un parallèle avec ce qui s’est passé en peinture à partir de la Renaissance, même si, à l’époque du daguerréotype, les critiques d’art ont témoigné la plus grande défiance par rapport à cette technique.Un pas important a été franchi dans la seconde partie du XIXe siècle avec l’apparition de nouveaux supports, notamment le papier, qui a eu pour effets d’une part de «démocratiser» le procédé photographique, d’autre part de stimuler les interventions sur le support lui-même. Ainsi, la photographie, terme qui désigne désormais officiellement la reproduction graphique d’une image obtenue par un procédé mécanique sur son support, a gagné droit de cité parmi les arts graphiques dont elle occupe désormais les premiers rangs.Sur le thème de «La volonté d’art», le livre explore par ailleurs les démarches accompliesen Grande Bretagne, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, pour légitimer la photographie artistique : Lewis Carroll, Lady Cameron, Henry Robinson (qui a tenté d’établir une théorie sur «l’effet d’art en photographie») et Henry Emerson qui a cherché à introduire la notion du «naturalisme photographique». À partir de la fin du XIXe siècle, la photographie artistique commence à essaimer en Europe et aux États-Unis, mais en même temps engendre des polémiques qui mettront du temps à s’apaiser.La facilité de reproduction des images photographiques va également se traduire par un développement phénoménal de leur utilisation dans la presse, ainsi que par une révolution totale dans la composition graphique des journaux. La photographie comme vecteur d’information a vraiment commencé à s’imposer au début du XXe siècle pour devenir incontournable, envahissante et presque insupportable aujourd’hui. «Le choc des photos», slogan fameux de l’hebdomadaire ParisMatch (qui vient d’ailleurs de l’abandonner), devient partie intégrante de l’information quand il ne s’y substitue pas. Ce choc, on le ressent en voyant les quatre clichés d’amateur pris lors du procès de Marguerite Steinhel en 1909, publiés dans l’Illustration: pas besoin de légende, le lecteur vit en direct le drame qui se noue dans le prétoire.L’utilisation de la photographie comme vecteur d’information ne pouvait pas échapper à la tentation d’y introduire une composante esthétique. On assiste ainsi à ce subtil glissement qui fait d’une image du réel un témoignage social qui rejoint très vite le geste artistique. La création expérimentale, rapportée dans l’article qui traite de l’institution de la photographie moderniste, principalement aux États-Unis, confirme cette installation de la photographie dans le monde de l’art. Les artistes, en effet, jouent avec l’image, la triturent, la déforment, utilisant tous les artifices possibles et imaginables. On arrive ainsi à cette conclusion que si, à ses débuts, la photographie a intégré l’art, dans le monde moderne et contemporain, ce sont les artistes qui se sont approprié la photographie.Dans un souci d’alléger la structure du livre, ses concepteurs ont introduit, ici et là, quelques pages de photos sans texte que l’on feuillette comme des albums de famille: ainsi l’album de l’amateur nous fait entrer dans les familles de photographes anonymes qui rivalisent de facéties pour mettre en scène parents et enfants, frères et sœurs dans les attitudes les plus fantaisistes. Ou encore, l’album du voyageur offre à nos yeux ébahis ces vues spectaculaires (comme cette Ascension du Mont Blanc de Louis et Auguste Bisson, 1861) ou exotiques (Procession de la Dent à Kandy, Ceylan, de Charles Scowen,1880).L’album le plus admirable est celui du monde moderne. Il nous offre quelques unes des plus belles photographies de Lartigue,Brassaï, Man Ray, Stieglitz, Doisneau, Blumenfeld, véritable enchantement qui combine art, société et esthétique. On passe littéralement des heures à le parcourir et à y revenir. Cet album contraste singulièrement avec celui du monde contemporain, où les artistes d’aujourd’hui expriment avec énergie et parfois désespoir les tensions de notre société.Enfin, comme le disent les auteurs de l’ouvrage: «l’enjeu était bel et bien – et la chose n’est pas mince – de traduire ce que l’histoire de la photographie a déplacé de frontières dans notre approche de la question artistique, en en renouvelant les valeurs, les sources d’inspiration, en contrariant aussi les principes admis, en modifiant enfin les approches de la création en image.»Remarquablement documenté, bien écrit, plaisant à parcourir et richement illustré (mais n’est-ce pas ce que l’on pouvait en espérer ?), ce livre n’est pas simplement un écrit de plus sur la photographie. Sa manière de traiter les sujets abordés, volontairement non exhaustive, est de nature à susciter l’intérêt et la réflexion chez le lecteur qui n’est pas forcément un expert en la matière.

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