L’exposition du Musée Jacquemart-André, en une centaine de chefs-d’œuvre, témoigne de la richesse et de la diversité de l’art pharaonique à l’époque des dernières dynasties, rejetant toute idée de déclin après les derniers Ramsès.
L’exposition rassemble des chefs-d’œuvre du dernier millénaire de l’histoire pharaonique (1069 à 30 avant notre ère); son propos est de contredire ce que l’on appelle trop souvent le «déclin» de cette civilisation. Elle convoque plus d’une centaine de pièces majeures, prêtées par les plus grandes collections mondiales: celles du Louvre, de Berlin, Londres, New York, Boston, Vienne. Durant la longue période qui précède la conquête du royaume par Rome, l’Égypte fait face à de nombreuses invasions. Elle est dirigée successivement par des rois libyens (XXIIe dynastie), par les fameux «pharaons noirs», des Nubiens (XXVe dynastie), et des Perses (à partir de la XXVIIe dynastie), avant que les Macédoniens ne leur succèdent, en 332, lors de la conquête d’Alexandre le Grand, fondateur de la ville d’Alexandrie.
Ces invasions n’ont pas été le temps d’un déclin du savoir-faire des artisans. Ils ont respecté les traditions anciennes en continuant de fabriquer les objets parfaits qui doivent accompagner le défunt dans son voyage de la mort à la résurrection.
L’exposition s’articule en cinq sections. Une introduction historique donne les repères temporels nécessaires à la chronologie des dynasties et des hauts faits qui ont marqué cette époque, afin que le visiteur comprenne le rôle de Pharaon, point de jonction entre le monde terrestre et celui des morts. La section II est consacrée au monde des vivants, la IIIe, au monde des morts, la IVe, à l’image des pharaons, des dynasties libyennes aux souverains lagides; la Ve à l’univers des dieux, peuplé de nombreuses divinités: Amon, Bastet, Thoth, Sekhmet la lionne dévoreuse dont Bastet, la chatte, est l’avatar de douceur, et, naturellement Osiris, le dieu démembré par Seth, dont les morceaux dispersés sont retrouvés et recollés par son épouse Isis, et qui règne encore aujourd’hui sur le domaine d’Abydos.
L’exposition s’ouvre sur un ensemble d’œuvres splendides, réunies autour d’une remarquable effigie d’Osiris, d’un sphinx à l’image du pharaon Amasis, et de trois statues «jumelles» de Nakhthorheb, grand dignitaire de la cour de Psammétique II, exposées ensemble pour la première fois
Les sept salles se succèdent pour présenter l’art et la pensée égyptienne pendant les dix siècles couverts par l’exposition. Outre quatre statues royales en bronze, la première salle offre une forêt de statues de défunts, des rois aux humbles fonctionnaires. Ces avatars étaient déposés dans les temples pour bénéficier des nourritures offertes par les prêtres trois fois par jour. Tout humain, une fois mort, retrouve les dieux dans l’éternité. Ces statues sont la garantie que, lorsque les familles cesseront d’apporter des offrandes dans les tombes, l’âme des défunts sera encore nourrie, n-djet, pour l’éternité. La deuxième salle se concentre sur l’image de l’homme. Hormis l’attitude, c’est le corps même de l’homme qui retient alors l’attention des artisans. Un groupe de têtes démontre combien ils sont plus soucieux encore du traitement du visage, dans un style parfois idéalisé, parfois réaliste. Cet art culmine, sous les souverains lagides, avec la fameuse «tête verte» de Berlin, chef-d’œuvre incontesté de l’art égyptien, tandis que les portraits de l’époque ptolémaïque, comme ceux de la XXVIe dynastie, renoncent à traquer la beauté, au profit du marquage du temps. La salle VI rassemble les beautés féminines. Elles illustrent, à leur manière, l’idéal féminin de leur époque. Les troisième et quatrième salles sont vouées au royaume des morts. L’alimentation du défunt est représentée par des tables d’offrandes. Le repos du défunt est évoqué par un ensemble d’objets relatifs à la momification, dans lesquels domine l’effigie d’Osiris, qui veille sur le mort, prémices de sa résurrection. La cinquième salle, dévolue à un certain Ankhemmaât, atteste la richesse que pouvait contenir la sépulture d’un notable provincial vers la fin de l’époque pharaonique. La septième salle est consacrée à l’image de pharaon aux époques tardives, la huitième, à l’univers des dieux: au pinacle se trouvent les dieux et les déesses, qui se placent juste avant les morts glorifiés, le roi et son épouse, sa mère et ses enfants. La quinzaine de pièces retenues témoigne de la diversité de ce groupe. Puis vient une sélection de représentations de dieux locaux, tels Ptah de Memphis, Hérichef d’Héracléopolis, Thot d’Hermopolis, tantôt ibis, tantôt babouin, ou Amon de Thèbes. Enfin, l’inévitable Osiris, représenté à Busiris sous les traits d’Andjty, l’ancien dieu local dont il s’est approprié l’image, mais aussi sous ceux du dieu-enfant, lequel, sous le nom de Somtous, est tantôt assis sur un trône, tantôt accroupi sur une fleur de lotus.
Au terme de cette exposition, le visiteur aura non seulement élargi sa connaissance de l’Égypte ancienne, mais découvert qu’elle a su conserver ses dogmes, ses traditions et sa magnificence bien au-delà des règnes d’Hatshepsout, d’Amenhotep III ou de Ramsès II.