LeGroupe Gutai

En japonais, gu veut dire instrument et tai signifie corps. Dans leur articulation adverbiale, gutaiteki, les termes de ce corps-instrument parlent d’incarnation concrète, d’une certaine manière en opposition à l’abstraction (prise dans son acception étymologique), même si Gutai s’inscrit bien dans ce mouvement international de l’informel, du tachisme et du Fluxus. L'association de ce nom qui naît en août 1954 à Ōsaka, sous l’égide de Jiro Yoshihara (1905-1972), fédèred’abord une quinzaine d’artistes de cette ville même et de Kōbe, plus jeunes d’une génération. Dès janvier 1955, ce groupe (qui comptera une trentaine de membres) publie sous le titre de Gutai le premier numéro d’une revue qui aura quatorze livraisons jusqu’en 1965. Illustrée, et partiellement rédigée en anglais, cette publication jouera un rôle déterminant dans l’affirmation et la diffusion du Groupe. Elle sera une passerelle efficace entre l’Orient et l’Occident, parvenant à mobiliser des créateurs tels que John Cage (1912-1992), Allan Kaprow (1927-2006), Yves Klein (1928-1962), Georges Mathieu(1921), Jackson Pollock (1912-1956), et descritiques tels que Clement Greenberg (1909-1994), Pierre Restany (1930-2003) et surtoutMichel Tapié de Céleyran (1909-1987). L’essor des activités de Gutai est significatif.C’est dans un parc que le Groupe tiendra sespremières expositions en juillet 1955 et 1956.En octobre 1956, Gutai est présenté en galerieà Tōkyō; en décembre, son fondateur publie leManifeste Gutai. Disant adieu aux simulacres etcadavres de l’art (termes que l’on a aussi entendus en Europe !) qui privilégient les fantasmes,il proclame que «l’art Gutai ne transforme pasla matière. L’art Gutai donne vie à la matière.[…]», car si «l’art...

En japonais, gu veut dire instrument et tai signifie corps. Dans leur articulation adverbiale, gutaiteki, les termes de ce corps-instrument parlent d’incarnation concrète, d’une certaine manière en opposition à l’abstraction (prise dans son acception étymologique), même si Gutai s’inscrit bien dans ce mouvement international de l’informel, du tachisme et du Fluxus.

L’association de ce nom qui naît en août 1954 à Ōsaka, sous l’égide de Jiro Yoshihara (1905-1972), fédèred’abord une quinzaine d’artistes de cette ville même et de Kōbe, plus jeunes d’une génération. Dès janvier 1955, ce groupe (qui comptera une trentaine de membres) publie sous le titre de Gutai le premier numéro d’une revue qui aura quatorze livraisons jusqu’en 1965. Illustrée, et partiellement rédigée en anglais, cette publication jouera un rôle déterminant dans l’affirmation et la diffusion du Groupe. Elle sera une passerelle efficace entre l’Orient et l’Occident, parvenant à mobiliser des créateurs tels que John Cage (1912-1992), Allan Kaprow (1927-2006), Yves Klein (1928-1962), Georges Mathieu(1921), Jackson Pollock (1912-1956), et descritiques tels que Clement Greenberg (1909-1994), Pierre Restany (1930-2003) et surtoutMichel Tapié de Céleyran (1909-1987).

L’essor des activités de Gutai est significatif.C’est dans un parc que le Groupe tiendra sespremières expositions en juillet 1955 et 1956.En octobre 1956, Gutai est présenté en galerieà Tōkyō; en décembre, son fondateur publie leManifeste Gutai. Disant adieu aux simulacres etcadavres de l’art (termes que l’on a aussi entendus en Europe !) qui privilégient les fantasmes,il proclame que «l’art Gutai ne transforme pasla matière. L’art Gutai donne vie à la matière.[…]», car si «l’art est création, l’esprit n’a jamais créé la matière. L’esprit crée seulementquelque chose de spirituel». En avril 1957,Tapié, qui deviendra le promoteur du Gutai leplus engagé, est à Ōsaka. En avril 1958, a lieudans un grand magasin d’Ōsaka l’expositionL’art international de l’ère nouvelle: l’informel etGutai. En septembre, Gutai débarque à New York (à la Martha Johnson Gallery), en juin et novembre 1959, il est à Turin et à Paris (chez Luciano Pistoi et chez Rodolphe Stadler). En septembre 1962 est inaugurée, dans un entrepôt d’Ōsaka, la GUTAI pinacotheca (sic: en lettres latines et de bronze !). Gutai a pris rang parmi les acteurs du monde artistique au Japon et sur la scène internationale.

Or qu’est au juste, décrit le plus simplement possible, «l’art Gutai» ? Dans son Manifeste de 1956, Yoshihara conclut que «Gutai apprécie tous les pas accomplis avec hardiesse en direction de mondes inconnus». Mais encore ? Sans vouloir être confondu avec Dada, le Groupe s’exprime à ses débuts, souvent en plein air, par des performances et des expositions happenings, puis plus tard par une peinture qui incarne véritablement l’action painting, ainsi que par des objets qui tiennent de la sculpture et de la technologie. Ces actions et ces pièces d’art naissent autant de ce qui, dans la calligraphie zen, jaillirait comme des éclaboussures débordant les signes tracés par le pinceau, que d’une prise en compte de l’espace spécifique du lieu; elles recourent à tous les matériaux, des plus naturels et triviaux aux plus artificiels, elles s’adressent aux cinq sens. Les artistes Gutai prennent l’art à bras le corps. L’énergie et l’invention déployées deviennent forme(s) – bien plus tard, en 1969, à la Kunsthalle de Berne, Harald Szeemann vérifiera dans une exposition légendaire, mais sans impliquer le moindre Japonais, ce qu’il en est Quand les attitudes deviennent forme…Akira Kanayama (1924-2006) met en œuvre un jouet automobile qui gicle des gouttes de couleurs sur la surface du tableau comme un dripping (vers 1957 ?). Il est contemporain des machines à dessiner du Suisse Jean Tinguely (1925-1991). Sadamasa Motonaga (*1922), fasciné par la fumée et par l’eau, suspend des sacs plastiques emplis de liquide coloré aux branches d’un pin (1955); il barde de clous des poteaux peints et plantés dans le sable (1955). On pense aux forêts de clous orientés de l’Allemand Günther Uecker (*1930). Saburo Murakami (1925-1996) se jette dans un bond répété à travers quarante-deux écrans de papier Kraft tendus sur des châssis comme autant de toiles (1956). Shōzō Shimamoto (1928) écaille, ruine, dévaste et troue la surface de feuilles de papier; il perce d’un semi d’accrocs étoilés une tôle galvanisée peinte rectoverso (1955). On est renvoyé aux concepts spatiaux de l’Italien Lucio Fontana (1899-1968). Kazuo Shiraga (1924-2008) nage à terre dans la boue que son corps pétrit (1955); il se suspend à une corde et comme le battant dansant d’une cloche trace avec ses pieds, sur la toile à plat sur le sol, l’enchevêtrement de gras glissandi à l’huile. Atsuko Tanaka (1932-2005), une femme, endosse une tunique d’ampoules, de fils et de néons incandescents peints aux couleurs primaires (1956).Bref, le Groupe Gutai – qui s’éteindra en 1972 – touche à tout ce que nous connaissons en Occident et souvent le précède – ou le suit de près. Il affirme au Japon les signes avantcoureurs de son entrée sur cette scène « contemporaine » que Michel Tapié, dans un livre de 1961, décrira comme celle de la continuité (extrême-orientale) et de l’avantgarde internationale.



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