«L’ORIGINE DE LA CRÉATION CÉRAMIQUE, C’EST LA PRIÈRE» MASAMICHI YOSHIKAWA

Wave, 2011 © Takashi Hatakeyama
Wave, 2011 © Takashi Hatakeyama
Après une exposition à la Fondation Baur, l’artiste – présent dans les musées de Sèvres, Londres ou Hambourg – est à l’honneur à L’Espace Muraille de Genève. Né en 1946 dans le Japon d’aprèsguerre, maître dans l’art d’émaux céladon inspiré d’une tradition vernaculaire paysanne, Masamichi Yoshikawa cultive une forte singularité qui l’inscrit entre tradition et modernité. Il apprend paradoxalement l’art de la céramique en 1968, à l’époque où émerge l’art contemporain au pays du SoleilLevant. L’homme part à trois cents kilomètres de Tokyo dans une ville nommée Tokoname qui produit le matériau depuis des siècles. Dans ce lieu historique de la culture japonaise, également cé lèbre pour son argile, il produit des œuvres en porcelaine nommées seihakuji. Il s’installe dans cette ville dans le but, dit-il « de concevoir des objets destinés à la Scandinavie, les années soixante-dix ont été comme beaucoup d’endroits du monde une période d’intense interrogation sur l’esthétique. Nous nous sommes posés beaucoup de questions sur la qualité des formes dans l’espace ». Les enjeux formels sont ainsi au cœur des préoccupations de l’artiste, lauréat de nombreux prix dont la médaille d’or à la Biennale de Vallauris en 2002. Entrer dans l’œuvre de Masamichi Yoshikawa, c’est circuler intensément entre les matières et les couleurs. Des objets minuscules à ceux plus spectaculaires, des glaçages inédits au matériau plus brut, la douceur se lit toujours en creux. Sculpter, tourner, modeler, prendre à bras le corps la matière, la rondeur, réinventer la terre. Au cœur du travail de Masamichi Yoshikawa,...

Après une exposition à la Fondation Baur, l’artiste – présent dans les musées de Sèvres, Londres ou Hambourg – est à l’honneur à L’Espace Muraille de Genève.

Né en 1946 dans le Japon d’aprèsguerre, maître dans l’art d’émaux céladon inspiré d’une tradition vernaculaire paysanne, Masamichi Yoshikawa cultive une forte singularité qui l’inscrit entre tradition et modernité. Il apprend paradoxalement l’art de la céramique en 1968, à l’époque où émerge l’art contemporain au pays du SoleilLevant. L’homme part à trois cents kilomètres de Tokyo dans une ville nommée Tokoname qui produit le matériau depuis des siècles. Dans ce lieu historique de la culture japonaise, également cé
lèbre pour son argile, il produit des œuvres en porcelaine nommées seihakuji. Il s’installe dans cette ville dans le but, dit-il « de concevoir des objets destinés à la Scandinavie, les années soixante-dix ont été comme beaucoup d’endroits du monde une période d’intense interrogation sur l’esthétique. Nous nous sommes posés beaucoup de questions sur la qualité des formes dans l’espace ». Les enjeux formels sont ainsi au cœur des préoccupations de l’artiste, lauréat de nombreux prix dont la médaille d’or à la Biennale de Vallauris en 2002.

Entrer dans l’œuvre de Masamichi Yoshikawa, c’est circuler intensément entre les matières et les couleurs. Des objets minuscules à ceux plus spectaculaires, des glaçages inédits au matériau plus brut, la douceur se lit toujours en creux.

Sculpter, tourner, modeler, prendre à bras le corps la matière, la rondeur, réinventer la terre. Au cœur du travail de Masamichi Yoshikawa, la céramique tisse une histoire millénaire japonaise modernisée par le verre. Entre sérénité et tension, le blanc se dispute au vert, et le goût de l’architecture n’est jamais loin. L’artiste, diplômé de l’Institut du Design du Japon, réinvente un monde délicat. Des formes destructurées où l’épure se conjugue à des lignes aléatoires, un cercle épais, un bol incurvé posé sur une splendeur diamantée, un habitacle nippon dont les fines parois contrastent avec les coulures maîtrisées. Les céramiques, qui engagent un certain dialogue avec le spirituel, évoquent les nourritures terrestres : meringue marbrée, sushi en céladon sophistiqué, couche onctueuse. Chez l’artiste, les teintes sont des reines étincelantes et nourricières. Le spectacle est sensoriel, presque physique. Vert d’eau, bleu gris, glacé, crème. Le goût est à portée de bouche, gelée sucrée salée, doux, froid.

Quand la recherche formelle se spatialise, elle donne lieu à des installations où le spectateur circule entre les formes ludiques. L’enfance n’est jamais loin, entre le ballon et la bulle. Comme si la sphère était multifonctionnelle : tourner, se reposer, apaiser. Les objets sont investis, les modules complémentaires. Les sphères empruntent le champ chromatique du Yin et du Yang. Noir et blanc. Ciel et terre. La rondeur encercle le réel et tente une harmonie du corps et de l’esprit. L’homme le dit lui-même : « Je ne crois pas que les artistes japonais soient des intellectuels comme en Occident, notre quête n’est pas conceptuelle. En revanche, nous nous sommes posés beaucoup de questions sur la qualité des formes dans l’espace. » Il semble dès lors évident que la céramique permet d’offrir l’espace à tous les sens.

La perception et la sensation sont ainsi au cœur d’un monde où le spectateur gravite autour d’une terre imaginaire. Une terre-mère qui rappelle, à l’aune des formes étranges, les naissances d’une humanité : des chromosomes surgissent des tréfonds pour une nouvelle création. « Par mon art, je m’efforce de décrire ce devenir éternel de la vie sous des formes claires et transparentes », déclare Masamichi Yoshikawa. Le créateur offre ainsi la promesse d’un commencement, d’une aube, d’un désir de renouveau.

Masamichi Yoshikawa déplie une étonnante construction formelle où règne un volume qui oppose le vide et le plein. Le choc des matières opère continuellement, et l’œil saisit le contraste entre le brut et le fluide. Quand l’espace se mue en
langage poétique, l’artiste joue des niveaux et des sens. Une matière sur une autre. Une matière pour une autre. À l’image d’un portrait de l’artiste qui pose entre la porcelaine pure et le verre sombre.

Chaque œuvre est une ode à la spiritualité : « J’aimerais retrouver cette vie dans un monde transparent comme une source jaillissante à l’infini », explique-t-il. Si l’objet de création est une quête de sens, elle est surtout une prière signifiante dans un monde qui va toujours plus mal. Aussi, révèle Masamichi Yoshikawa, « tous les chemins nous mènent à un même but », celui de la forme rêvée. Et les céramiques se doivent « d’être un lieu d’accueil favorable à un kami, un esprit qui lui appartient ». La prière est sans fin. Du temple à l’atelier, la méditation se conjugue à la création.

Agnès Vannouvong

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed