MUSAC: art immédiat en Castille et León

Regards sur le contexte historique du Musée d’Art Contemporain de Castille et León, fleuron d’une nouvelle et surprenante génération de musées espagnols.On sait combien les clichés ont la vie dure, maxime sans doute rarement aussi bien illustrée que dansle cas de l’Espagne. L’Espagne des poncifs d’ombre et lumière, réduite à Ribera, Velázquez ou El Greco, l’Espagne élégamment sombre des femmes de Romero de Torres ou brutalement noire des Désastres de la guerre, de Francisco Goya, s’opposent tour à tour dans nos consciences à des lumières jaillissantes et bariolées. C’est là l’Espagne tout aussi réductrice du folklore andalou et des visions pailletées – même si un peu has been – de la «movida» madrilène. Aux musées, ce sont aussi les mêmes souvenirs tenaces de grands formats entassés sur plusieurs étages, assoupis sous des éclairages rudimentaires et ployant sous des emplâtres de suif et de poussière ré- sidant à demeure, faute de moyen pour les en déloger… Et pourtant, c’est peu dire que l’Espagne s’éloigne à grandes enjambées de ces évocations éculées. Impossible de ne pas voir comment se superpose désormais, au visage de toujours, celui d’une vie artistique riche et moderne, fruit de trente années de démocratie et de convalescence économique. Évident aussi, cet enthousiasme généralisé pour l’art contemporain, qui se manifeste bruyamment aujourd’hui du côté de chez ARCO à Madrid, ou au Guggenheim, à Bilbao.Il est néanmoins opportun de rappeler à notre souvenir certaines fleurs d’hier nées entre les pavés du franquisme: l’Équipe 57, Saura, Palazuelo, Chillida, Oteiza, López, Gordillo...

Regards sur le contexte historique du Musée d’Art Contemporain de Castille et León, fleuron d’une nouvelle et surprenante génération de musées espagnols.
On sait combien les clichés ont la vie dure, maxime sans doute rarement aussi bien illustrée que dansle cas de l’Espagne. L’Espagne des poncifs d’ombre et lumière, réduite à Ribera, Velázquez ou El Greco, l’Espagne élégamment sombre des femmes de Romero de Torres ou brutalement noire des Désastres de la guerre, de Francisco Goya, s’opposent tour à tour dans nos consciences à des lumières jaillissantes et bariolées. C’est là l’Espagne tout aussi réductrice du folklore andalou et des visions pailletées – même si un peu has been – de la «movida» madrilène. Aux musées, ce sont aussi les mêmes souvenirs tenaces de grands formats entassés sur plusieurs étages, assoupis sous des éclairages rudimentaires et ployant sous des emplâtres de suif et de poussière ré- sidant à demeure, faute de moyen pour les en déloger…

Et pourtant, c’est peu dire que l’Espagne s’éloigne à grandes enjambées de ces évocations éculées. Impossible de ne pas voir comment se superpose désormais, au visage de toujours, celui d’une vie artistique riche et moderne, fruit de trente années de démocratie et de convalescence économique. Évident aussi, cet enthousiasme généralisé pour l’art contemporain, qui se manifeste bruyamment aujourd’hui du côté de chez ARCO à Madrid, ou au Guggenheim, à Bilbao.Il est néanmoins opportun de rappeler à notre souvenir certaines fleurs d’hier nées entre les pavés du franquisme: l’Équipe 57, Saura, Palazuelo, Chillida, Oteiza, López, Gordillo ou Tàpies, pour ne citer que quelques noms, tous vecteurs indéniables d’un renouveau aux racines déjà anciennes. Par la suite, l’idée d’une grande foire destinée à stimuler les ventes d’art contemporain, face au mince enthousiasme des acheteurs, surgit au sortir de la dictature, et c’est l’apparition d’ARCO dès 1982, rapidement consacré comme «le» salon international d’art contemporain. Le marché espagnol en a-t-il d’ailleurs réellement bénéficié à grande échelle ? Aujourd’hui encore tous les doutes sont permis (les galeries ne révèlentpas vraiment leurs ventes), mais il est une certitude apparue dès le début: l’incroyable – et très inattendu – engouement du public non acheteur, véritable garant du succès de l’événement depuis lors.La fièvre de ces visiteurs en mal de musées d’art contemporain finit par gagner aussi les décideurs de province, fringants titulaires de nouvelles prérogatives culturelles dans le cadre des 17 Communautés Autonomes. Ces dernières sont apparues dans le sillage de la Constitution de 1978 et ont été nouvellement bardées de larges compétences en matière d’art. Elles eurent à cœur d’affirmer leur identité fraîchement acquise dans un pays figé par 40 ans de léthargie culturelle, en se dotant de nouvelles structures hautement symboliques: salles de spectacles, festivals, orchestres, musées…Soif populaire pour l’art actuel et voie libre aux réformes locales ? La combinaison parfaite s’il en est pour l’ouverture de nouveaux centres et musées d’art contemporain qui, après quelques rares précédents privés, comme la Fondation Miró (Barcelone, 1975) ou le Musée d’Art Abstrait de Cuenca (1980), se sont égrenés depuis lors dans le domaine public à un rythme vertigineux. Musée Reina Sofía (Madrid, 1988), Centre d’Art Santa Mónica (Barcelone, 1988), IVAM (Valence, 1989), CGAC (Saint-Jacques de Compostelle, 1989), Guggenheim (Bilbao, 1997), CCCB (Barcelone, 1994), MACBA (Barcelone, 1995), Centre Andalou d’Art Contemporain (Séville, 1997), ARTIUM (Vitoria, 2002) ou MARCO (Vigo, 2002), pour ne citer que les plus importants…Le MUSAC, Musée d’Art Contemporain de Castille-et-León (Léon, 2005), est donc l’un des derniers en date. Sa mission déborde de modernité absolue et radicale: «Le MUSAC travaille exclusivement le domaine temporel du présent, marqué par la mémoire la plus récente: le musée part de l’idée de développer une nouvelle façon d’aborder l’art du XXIe siècle». Le MUSAC se définit expressément comme Musée du présent, exposant les courants non seulement les plus récents mais surtout ceux qui se forgent à l’instant même. L’interaction avec le spectateur est un élément clef d’une dynamique résolument axée sur l’art immédiat.Les architectes Emilio Tuñon et Luis Mansilla ont conçu dans ce but un lieu absolument magique, Prix Mies Van der Rohe 2007 d’Architecture Contemporaine. Son extérieur est déjà devenu une icône absolue de l’architecture espagnole: une succession d’immenses blocs de verres en quinconce, de différentes hauteurs, recouverts de plus de 3.000 plaques rectangulaires translucides verticales, bleu pâle sur certains côtés, mais en revanche tout à fait multicolores sur la très mouvementée façade principale. Disposées en de subtils dégradés à la façon d’immenses nuanciers de peinture, elles sont inspirées en réalité du détail d’un vitrail de la cathédrale de León. L’intérieur, conçu comme un espace vivant et ouvert, est organisé sur un gigantesque niveau principal, entrelacs complexe de dix salles d’exposition (3400 m2) illuminées par six patios, tous semi-rectangulaires puisque leurs murs s’y brisent systématiquement en 2, 3 ou 4 légères facettes. Un effet qui n’est pas sans rappeler certaines compositions d’azulejos mozarabes, ou un vaste pop-up en bristol non entièrement déplié… On est séduit par le dialogue permanent entre subtilité des matériaux et jeu très marqué des lignes de construction, verticales ou diagonales horizontales. Au sol, de larges dalles de ciment gris, mouchetées et polies, encadrées de délicats chemins en plaques métalliques marquant les frontières entre les salles. Les hauts murs en béton brut couleur sable clair ont gardé l’empreinte des petits coffrages horizontaux. Au plafond courent d’immenses poutres très profondes et resserrées (il y en a plus de 500), qui épousent les changements de direction de chaque pièce. Un univers visuellement très dynamique et résolument polyvalent, qui a déjà accueilli avec panache une large cohorte d’artistes ultra contemporains comme Ana LauraAláez, Hedi Slimanne, l’équipe d’architectes SANAA, Pierre Huyghe, Blanca Li, Pipilotti Rist, Cerith Wym Evans…Mais alors quoi ? Patios, plafonds à caissons, jeux d’ombres et de lumière, couleurs chatoyantes du revêtement ? Pas de doute: on est quand même bien en Espagne. Chassez le naturel…

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