PASSION FERRARI

Ferrari emblème de victoire, de rugissements, de puissance interprété sous l’angle de la création artistique. Le collectionneur Jean-Pierre Slavic nous offre la possibilité d’approcher sa collection unique au monde dans son musée personnel, véritable sanctuaire souterrain. En silence, pénétrez dans ce lieu hors du temps, oubliez vos standards habituels liés au mythe et admirez la fluidité des courbes dans cet antre velouté.Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents àl’haleine explosive… une automobile vrombissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille rugissante, est plus belle que la Victoire de Samothrace». (Filippo Tomaso Marinetti, Manifeste du Futurisme, dans le Figaro du 20.2.1909). Mais Marinetti n’oublie-t-il pas que c’estla Victoire de Samothrace qui est au volant et que le pilote est toujours plus beau que son véhicule ?La tentation est grande de descendre dans les «Enfers» d’un collectionneur. D’ailleurs il n’y aurait pas d’«Enfers» s’il n’y avait pas de tentation et pas de collectionneur non plus. Ferrari est un mythe moderne et ceux qui tentent de s’en emparer ont tendance à l’hypertrophier, ainsi divaguant, me remontait en mémoire cette blonde extravagante aux seins carambolesques, aux lèvres tatouées de carmin volcanique, qui se faisait appeler Lolo Ferrari, ratant hélas, dans un excès de vitesse hormonale son dernier virage. Peut-on plaisanter avec la géométrie subtile qui régit un mythe et faire fi de l’ergonomie, de l’aérodynamique et surtout de ce qui est plus léger que l’air, la résolution de la quadrature du cercle ?J’en étais là,...

Ferrari emblème de victoire, de rugissements, de puissance interprété sous l’angle de la création artistique. Le collectionneur Jean-Pierre Slavic nous offre la possibilité d’approcher sa collection unique au monde dans son musée personnel, véritable sanctuaire souterrain. En silence, pénétrez dans ce lieu hors du temps, oubliez vos standards habituels liés au mythe et admirez la fluidité des courbes dans cet antre velouté.
Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents àl’haleine explosive… une automobile vrombissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille rugissante, est plus belle que la Victoire de Samothrace». (Filippo Tomaso Marinetti, Manifeste du Futurisme, dans le Figaro du 20.2.1909). Mais Marinetti n’oublie-t-il pas que c’estla Victoire de Samothrace qui est au volant et que le pilote est toujours plus beau que son véhicule ?La tentation est grande de descendre dans les «Enfers» d’un collectionneur. D’ailleurs il n’y aurait pas d’«Enfers» s’il n’y avait pas de tentation et pas de collectionneur non plus. Ferrari est un mythe moderne et ceux qui tentent de s’en emparer ont tendance à l’hypertrophier, ainsi divaguant, me remontait en mémoire cette blonde extravagante aux seins carambolesques, aux lèvres tatouées de carmin volcanique, qui se faisait appeler Lolo Ferrari, ratant hélas, dans un excès de vitesse hormonale son dernier virage. Peut-on plaisanter avec la géométrie subtile qui régit un mythe et faire fi de l’ergonomie, de l’aérodynamique et surtout de ce qui est plus léger que l’air, la résolution de la quadrature du cercle ?J’en étais là, quittant les graviers semés entre les pelouses, pour pénétrer dans une antichambre claire, un purgatoire confortable, où l’on me servit un café noir en face d’une petite Fiat blanche, délicate comme une Ophélie dans un reflet de lune, rappel d’une passion adolescente. Autour de nous des vitrines dans lesquelles sont rassemblées des voitures miniatures, où le rouge domine. La sensation d’avoir été poussé là par quelque Jonathan Swift pour me faire jouer les Gulliver au milieu des naines, sachant que tout à l’heure je me sentirai minuscule en face de géantes laquées jusqu’aux bouts des ongles.J’aime ces espaces transitoires où les repères glissent d’une échelle à l’autre. A cet instant Jean-Pierre Slavic, le collectionneur, arriva et après quelques cordiaux échanges sur l’abolition du temps dans le temps de l’émerveillement, il m’invita à le suivre, et je crus lire à cet instant au-dessus de ma tête «Toi qui pénètre ici abandonne toute espérance», un peu Dante emmenépar Virgile. Soudain dans la descente d’un escalier hélicoïdal et noir, tous les cercles élyséens s’ouvrirent un à un devant moi, et dans cette obscurité chatoyante, l’une après l’autre se découvrirent des odalisques au corps parfait, d’une personnalité unique et défiant toute critique, rougissant de connivence l’une envers l’autre. Puis l’oeil s’accoutumant un peu je distinguai dans cet espace sidérant sidéral des trous noirs intergalactiques, des housses de fine toile noire qui, envolées comme muleta par son torero même, découvrirent d’autres Olympia, mais de carnations différentes, aussi somptueusement sculpturales.J’allais demander à mon Virgile si, à l’instar du Roi Pausole, son harem en comptait 365, plus une pour les années bissextiles, mais je me retins, craignant d’excessives palpitations. Et pour ce qui n’est que des Ferrari (mais j’ai vu d’autres merveilles, Aston-Martin, Mercedes, Jaguar…) mon mentor m’assura qu’il estimait sa collection complète. Mais est-il besoin de préciser que cette collection ne s’est épanouie que sur les œuvres issues de la concertation très étroite d’un designer de génie, Battista Pininfarina et d’Enzo Ferrari (1898-1988) qui ne donnait son feu vert (dirions-nous rouge) à la réalisation d’un nouveau modèle qu’au dernier doute levé sur le dernier détail, rendant ainsi l’équation nouvelle irréprochable. De cette remarquable histoire entre ces deux hommes (qui se termina en 1988 puisqu’ils moururent tout deux cette même année) naquit, après trente ans de collaboration, cette fabuleuse cour de topmodels. Et ces patientes beautés, aux reins fleurant bon le cuir cousu main, n’attendent plus que Jean-Pierre Slavic pour les sortir de temps en temps et leur faire jouer concertos et ballades aux moteurs qu’il dirige à la baguette, avec cependant tout le doigté requis, car ces belles ne souffriraient pas la moindre éraflure intempestive, un grain de beauté à la rigueur, mais sur le pare-brise.Je ne dirai rien de leur spécificités de construction, un poème à elles seules, mais nulle description, si minutieuse soitelle, ne rendrait compte de l’émotion que tel reflet, telle parabole suscite dans l’oeil de l’amateur.

Une collection n’est-elle pas un autoportrait intérieur et je sais gré à Jean-Pierre Slavic de m’en avoir dévoilé une part, car tout collectionneur sait qu’au milieu de la brillante constellation qu’il inscrit au ciel de sa passion il en est l’étoile la plus fragile.Mais silence, on tourne: un cheval noir se cabre sur un fond tournesol, il est dans la surprise persistante et mystérieuse de la beauté, et Tchouang Tseu aurait ajouté: «Cette Ferrari 250 GT LWB TDF Berlinetta Scaglietti 1958 a quatre roues qui vont jusque par terre, voilà le céleste !»

Interview

Gérald Minkoff:Vous sentez-vous propriétaire de vos voitures, comme d’autres d’une femme ? Non pas évidemment en termes marchands, mais dans le sens d’un lien affectif inaliénable qui serait propre à votre relation passionnelle ?Jean-Pierre Slavic:Non absolument pas. On n’est pas en deuil lorsque l’on vend une voiture mais on l’est lorsque l’on quitte une femme ou qu’elle vous quitte.Vous estimez-vous polygame, dans la mesure où cette relation à vos voitures relèverait du domaine de la sensibilité érotique ?Non. Je me sens plus propriétaire d’un haras de chevaux que sultan d’un harem.

On ne peut rouler qu’avec une voiture à la fois. En dehors d’un choix technique, portezvous votre regard sur telle ou telle avec les yeux q’un maharajah dirigerait sur l’une ou l’autre des résidentes de son harem ?Bien que je porte une très haute estime au design automobile, j’ai une relation de choix plutôt vestimentaire que sexuelle avec l’automobile et je ne les compare absolument pas aux femmes.Votre joie la plus mémorable ?La joie la plus mémorable c’est la consécration d’une collection. C’est-à-dire la reconnaissance par un large public d’objets qui à la base lui étaient insignifiants.Un regret ? Mais je vous crois assez sage pour n’en pas en avoir. Cependant… ?Cependant… Je n’ai pas de regret.Pensez-vous au devenir de votre collection ? Un grand musée public, ou, à l’instar du premier empereur de Chine, un tombeau sur une colline (au-dessus d’un célèbre circuit de course par exemple) avec voitures et mécaniciens ? Ou seriez-vous prêt à vous séparer de tout pour changer d’objectif ?

Le passionnant d’une collection est la construction par elle-même de celle-ci, comme un puzzle. Une fois que la dernière pièce est posée, l’objectif est atteint. Le monde peut vous apporter d’autres objectifs.Quid de la beauté ? Peut-on répondre à une telle question sans ternir l’objet de la beauté ? Confucius ne disait-il pas qu’une image vaut mieux que dix milles mots ?La beauté, pour moi, c’est l’émotion que procure une forme, une couleur, une histoire qui naît au creux de son enfance. Il y a des beautés éphémères et d’autres qui traversent les siècles.Est-ce que la beauté d’une voiture est proportionnelle à sa vitesse et à la musique que joue son moteur ? Ou s’agit-il de beautés différentes, comme une femme qui danse et la même qui dort ?Malheureusement la beauté n’est pas proportionnelle à la vitesse. Il y a de magnifiques voitures très lentes, et des très laides très rapides. Mais, ce qui traverse le temps à travers les âges, c’est la beauté.Telle de vos voitures est-elle plus belle quand vous la conduisez ou quand vous la regardez passer ?Les objets que l’on considère magnifiques sont resplendissants lorsqu’ils sont en mouvement et chaque fois que je vois une belle automobile, je ne peux m’empêcher de la suivre pour la contempler.A quoi tient l’émerveillement ? A ce qu’on perd la mémoire du déjà vu ? Ou que l’équation qui régit les termes de la beauté est insoluble ?Je pense que l’émerveillement tient soit à la concrétisation d’un rêve soit à la découverte du jamais vu.

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