PAULINE JULIER : UN MILLION D’UNIVERS

Pauline Julier The World’s Oldest Landscape, 2017-2019 Papier peint, taille variable Avec l’autorisation de l’artiste © Pauline Julier, Ren Yugao
Pauline Julier The World’s Oldest Landscape, 2017-2019 Papier peint, taille variable Avec l’autorisation de l’artiste © Pauline Julier, Ren Yugao
L’artiste et cinéaste franco-suisse, formée à la photographie, Pauline Julier, née en 1981, à Genève où elle vit et travaille, nous invite à un voyage dans le temps et l’espace, entre la Chine, l’Italie, le Chili et la planète Mars. Regarder l’œuvre cinématographique de Pauline Julier, c’est voir un absolu. Les vidéo-installations au cœur de l’exposition A Single Universe au Aargauer Kunsthaus mettent en avant son travail et témoignent d’une conscience aigüe de la place des humains sur une planète en danger. La vidéo Supernova (2023), au ton blanc orangé évoque une étoile qui meurt en explosant. Une image forte qui rappelle que les supernovae sont des astres essentiels pour comprendre la naissance du cosmos forgé au cœur des étoiles. Follow the water (2023) décline une narration composée de paysages contrastés: le désert aride où une montagne ressemble à une pyramide rêvant d’une oasis, un robot sur une planète lunaire, des amérindiens fixant l’horizon, un plongeur dans le grand bleu, une main verte sur fond noir. La modernité du medium de Pauline Julier explore l’espace vide et une certaine idée de la beauté. Le scénario parle d’un univers qui est entouré d’un million de possibles. Dans A Million-Year Picnic (2024), trois personnes – dont Didier Queloz, Prix Nobel de physique – discutent de la planète Mars dans un paysage scénique roux et désertique où l’émerveillement et la science se rencontrent… Dans une autre séquence, Pauline Julier se fait coloriste, peintre du contemporain, avec un paysage qui sublime la couleur Terre...

L’artiste et cinéaste franco-suisse, formée à la photographie, Pauline Julier, née en 1981, à Genève où elle vit et travaille, nous invite à un voyage dans le temps et l’espace, entre la Chine, l’Italie, le Chili et la planète Mars.

Regarder l’œuvre cinématographique de Pauline Julier, c’est voir un absolu. Les vidéo-installations au cœur de l’exposition A Single Universe au Aargauer Kunsthaus mettent en avant son travail et témoignent d’une conscience aigüe de la place des humains sur une planète en danger. La vidéo Supernova (2023), au ton blanc orangé évoque une étoile qui meurt en explosant. Une image forte qui rappelle que les supernovae sont des astres essentiels pour comprendre la naissance du cosmos forgé au cœur des étoiles. Follow the water (2023) décline une narration composée de paysages contrastés: le désert aride où une montagne ressemble à une pyramide rêvant d’une oasis, un robot sur une planète lunaire, des amérindiens fixant l’horizon, un plongeur dans le grand bleu, une main verte sur fond noir.

La modernité du medium de Pauline Julier explore l’espace vide et une certaine idée de la beauté. Le scénario parle d’un univers qui est entouré d’un million de possibles. Dans A Million-Year Picnic (2024), trois personnes – dont Didier Queloz, Prix Nobel de physique – discutent de la planète Mars dans un paysage scénique roux et désertique où l’émerveillement et la science se rencontrent… Dans une autre séquence, Pauline Julier se fait coloriste, peintre du contemporain, avec un paysage qui sublime la couleur Terre de Sienne. Le regard se heurte à deux pierres posées au milieu du rien. On aimerait avancer dans une zone où le temps s’efface et où l’horizon est obstrué par une montagne et un ciel menaçant.

Les images de Pauline Julier mettent en scène son propre medium. Elle rompt le quatrième mur, refuse de nous laisser plonger dans une fiction en rappelant la présence de la caméra dans une mise en abyme où posent des figures humaines. Le décorum indique que nous sommes construction, travail, élaboration, et dévoile une scène théâtrale où la fumée venue de nulle part laisse deviner un espace sans habitat.

Où est la maison chez Pauline Julier? Dénuée de toit et de mobilier classique, elle est un monde qui montre un autre monde. Un lieu spéculaire entouré de murs avec une fenêtre-univers, un espace non-référencé, hors-temps. La démarche de l’artiste est notamment philosophique. Diplômée de Sciences-Po, elle passe une année au Guatemala comme éducatrice avec des enfants de rue, découvre la photographie comme remède à la violence du travail sur le terrain et réalise des camerae obscurae avec des boîtes à chaussures dans des ateliers destinés aux enfants. À son retour, elle intègre l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles et se lance dans un travail d’image-mouvement où s’invitent le son et les mots. La porte est grande ouverte pour explorer les croisements entre art contemporain et cinéma. Chez Pauline Julier, les nourritures ne sont pas qu’esthétiques mais théoriques. Elle prolonge la recherche en art en suivant le programme expérimental Art et Politique à Science-Po sous la direction de Bruno Latour.

L’artiste compose des points de vue, mélange des perspectives: le vide et le plein, le début et la fin, le contenu et la forme. Le titre A Single Universe (citation de Karen Luza – activiste indigène du désert d’Atacama, militante du droit de l’eau) indique que tout est vivant « and so on a single universe». Pauline Julier précise: «Nous ne pouvons pas diviser l’eau des rivières de l’eau des nappes phréatiques, tout est lié comme les artères et les veines. Il faut voir la terre, l’univers, comme un corps humain. C’est la plus belle définition de l’écologie.»

L’artiste met en scène le sujet d’une époque: l’anthropocène. «Pour cette exposition, j’aborde l’exposition comme un film qui se construit selon une logique de montage. J’ai travaillé en collaboration étroite avec la commissaire de l’exposition Céline Eidenbenz. Son regard a été très précieux et ses conseils importants. Nous avons échangé pendant plus d’un an à partir des plans et des images-mouvements. Je voulais créer un grand tout qui permette de relier l’ensemble comme une traversée. L’équipe du musée a été incroyable, notamment les techniciens sans qui tout cela n’aurait pas été possible».

Le scénario répond à un fil au cœur de notre époque: la fin du monde ou la fin d’un monde qui se déchire. Quand on lui demande si son œuvre fait écho à une dimension éco-féministe qui met en relief les tensions entre exploitation des ressources de la terre et l’exploitation des femmes, elle répond : «je suis sensible à toutes les écologies possibles, de l’éco-féminisme à l’écologie politique, en passant par l’écologie indigène. C’est indispensable d’opérer des croisements.

Son œuvre pose la question de l’identité sans l’aborder de façon frontale. Lorsqu’elle déclare: «Quand on parle de mon travail, on s’oriente vers des questions de contenu mais on pourrait aussi commencer par la forme», nous cédons volontiers à son invitation. En effet, comment s’y prendre pour penser une question qui semble au cœur de toutes ces images: quelle est notre place dans le monde? Où aller une fois la « Supernova » disparue? Comment s’alimenter et boire dans le désert? Comment s’ancrer dans un monde en train de disparaître? Pouvons-nous le sauver, et pouvonsnous nous sauver?

Selon l’artiste, « monter un film, c’est parler de rythme, de respiration, d’un plan pour ralentir ou accélérer. Dans la fabrication d’une exposition intervient la même réflexion sur l’espace. Nous avons le souci de l’expérience que le spectateur doit traverser, un début et une fin ». Cette question du rythme fait écho à celle de l’humain et du temps. À l’image de la philosophie existentialiste où l’humain n’est pas déterminé par son essence mais responsable de son existence. Si nous faisons un effort de décentrage avec une vision plus spirituelle du monde, nous réalisons que notre vie est un voyage dans le temps. En cela, chez Pauline Julier, la forme répond au fond: «les vidéos sont présentées en boucle et le mouvement est circulaire, le temps est moins linéaire qu’il n’y paraît.»

Précisément, le passé, le présent et le futur s’absorbent jusqu’à la perte des repères. «J’aime les boucles, les ritournelles et les échos. Le temps qui se répète. En terme narratif, je mélange le passé, le présent et le futur. Le temps est malléable comme l’espace. L’exposition me permet de travailler cela différemment du cinéma et c’est jouissif».

L’artiste propose un voyage «entre le plus vieux paysage du monde et un monde futuriste. Le vertige côtoie la science et les savoirs indigènes». Elle pose des questions fondamentales: comment voir le monde, le projeter, percevoir la nature? Son travail construit du sens face à ce qui nous entoure. En mobilisant diverses formes de discours et de représentations – de la théorie de physique des particules à des images scientifiques de la Nasa, des images du quotidien ou de la famille – l’artiste mélange des registres différents et construit des récits comme une grande histoire – celle d’un monde toujours plus vivant.

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