Trésors d’horlogerie: un peu plus à l’ouest…

À l’heure où la fermeture de son Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, brutalement cambriolé en 2002, se prolonge d’une manière inquiétante, Genève, l’une des capitales mondiales del’horlogerie, ne doit plus la sauvegarde et la mise en valeur de cette part importantede son image, de son histoire et de son patrimoine aux yeux tant des Genevois quedes visiteurs du monde entier, qu’à une initiative privée, celle de Patek Philippe. Ouvert au public en 2001, le Patek Philippe Museum abrite dans un écrin luxueux une fantastique collection constituée avec passion depuis de nombreuses années.Il y a là non seulement un impressionnant échantillonnage des garde-temps produits par la manufacture genevoise (sans oublier quelques pendules et boîtes à oiseaux chantants) depuis le milieu du XIXe siècle, mais aussi une large collection retraçant l’histoire de l’horlogerie, depuis cette montre-tambour avec son mouvement en fer, fabriquée en Allemagne du Sud dans la première moitié du XVIe siècle jusqu’aux extraordinaires montres de la première moitié du XIXe, souvent destinées à l’exportation et dont la fantaisie décorative semble sans limite.Vers la fin du XVIIe siècle, l’horlogerie genevoise, considérablement renforcée par l’exil des nombreux artisans huguenots venus du royaume de France, a désormais acquis unerenommée européenne qui ne se démentira plus, et elle commence à s’intéresser de plus en plus aux marchés extra-européens, et en particulier à l’Orient.L’art délicat de la peinture sur émail, né en France autour de 1630, et particulièrement adapté à la décoration des boîtesde montres, s’est également acclimaté à Genève, au point que le...

À l’heure où la fermeture de son Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, brutalement cambriolé en 2002, se prolonge d’une manière inquiétante, Genève, l’une des capitales mondiales del’horlogerie, ne doit plus la sauvegarde et la mise en valeur de cette part importantede son image, de son histoire et de son patrimoine aux yeux tant des Genevois quedes visiteurs du monde entier, qu’à une initiative privée, celle de Patek Philippe.

Ouvert au public en 2001, le Patek Philippe Museum abrite dans un écrin luxueux une fantastique collection constituée avec passion depuis de nombreuses années.Il y a là non seulement un impressionnant échantillonnage des garde-temps produits par la manufacture genevoise (sans oublier quelques pendules et boîtes à oiseaux chantants) depuis le milieu du XIXe siècle, mais aussi une large collection retraçant l’histoire de l’horlogerie, depuis cette montre-tambour avec son mouvement en fer, fabriquée en Allemagne du Sud dans la première moitié du XVIe siècle jusqu’aux extraordinaires montres de la première moitié du XIXe, souvent destinées à l’exportation et dont la fantaisie décorative semble sans limite.Vers la fin du XVIIe siècle, l’horlogerie genevoise, considérablement renforcée par l’exil des nombreux artisans huguenots venus du royaume de France, a désormais acquis unerenommée européenne qui ne se démentira plus, et elle commence à s’intéresser de plus en plus aux marchés extra-européens, et en particulier à l’Orient.L’art délicat de la peinture sur émail, né en France autour de 1630, et particulièrement adapté à la décoration des boîtesde montres, s’est également acclimaté à Genève, au point que le XVIIIe y verra véritablement un art genevois. La technique de l’émail sous fondant, inventée à Genève en 1780, qui consiste à recouvrir la peinture d’une dernière couche d’émail transparent, en avive encore la richesse polychromique. Audelà des portraits et des copies de tableaux de maître, la spécificité de ces marchés a parfois conduit les émailleurs genevois à créer des décors exotiques, qui aujourd’hui encore surprennent le visiteur et charment l’œil.L’empire ottoman, auquel elle accède par l’entremise des Français – François Ier et Soliman le Magnifique ont fait alliance en 1536 –, constitue dans un premier temps l’extrême orient de l’horlogerie suisse. La Sublime Porte accueille même une colonie d’horlogers suisses dans le quartier réservé aux Occidentaux de Galata, et Isaac Rousseau, père du philosophe, aura un temps la charge de remonter et entretenir les horloges du palais de Topkapi.Reconnaissables à leur cadran affichant des chiffres turcs – et non «arabes» –, les montres destinées à ce marché ont dans un premier temps des boîtes décorées de sujets non-figuratifs, tels ce superbe décor cartographique, réalisé dans des teintes à la fois vives et délicates rappelant irrésistiblement la miniature persane. Représentant la mosquée bleue et le détroit du Bosphore, cette autre pièce ne peut manquer d’attirer l’attention: son décor, d’une charmante ingénuité, semble représenter une Arcardie orientale, où la mosquée et le navire sont comme posés dans un paysage qui pourrait presque être celui d’un lac alpin ! C’est que contrairement au célèbre Jean- Étienne Liotard, qui commença sa formation artistique comme émailleur à la Fabrique avant de devenir un peintre et un portraitiste renommé dans toute l’Europe sans pour autant abandonner la miniature sur émail, la plupart des artistes travaillant pour l’horlogerie genevoise – et ils sont nombreux: près de quatre-vingts à la fin du XVIIIe siècle – n’ont pas eu le privilège de voir le Bosphore de leurs propres yeux comme le vit le cosmopolite Genevois, orientaliste avant l’heure, qui résida plusieurs années à Constantinople.Les montres destinées au marché chinois qui s’ouvre au XVIIIe, cette fois par l’entremise des Anglais, ont quant à elles une caractéristique singulière, puisque qu’elles sontsystématiquement réalisées – et vendues – par paires. En effet, le taoïsme qui imprègne la culture chinoise voit dans cette dualité la condition de la plénitude et de l’équilibre, et la coutume est donc d’offrir des présents appariés. Si les Anglais – qui font beaucoup travailler l’horlogerie suisse pour leur propre compte – produisent de simples paires, les raffinés émailleurs suisses vont jusqu’à réaliser des décors inversés, qui séduisent grandement les très riches Chinois – souvent liés à la cour impériale – qui s’en portent acquéreurs.Les perles, très appréciées en Orient, en constituent également un ornement privilégié, au point que les historiens de l’horlogerie peuvent presque se fier à ce seul indicateur pour identifier les montres «chinoises» !Ainsi, alors que le XXIe siècle naissant voit la Chine prendre une place grandissante dans les affaires du monde et partant dans les préoccupations de la haute horlogerie, il est amusant de constater que plus de deux siècles auparavant, l’Empire du Milieu était déjà pour l’horlogerie genevoise l’objet d’attentions toutes particulières.

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