Vue d’avion: 52e Biennale de Venise

À celui qui, tel un Barnabooth moderne, ferait un tour d’Europe des manifestations artistiques de cette année 2007, Venise, pléthorique et foisonnante, apparaît une fois de plus comme un passage obligé.Dirigée par l’Américain Robert Storr, l’édition 2007 de l’Arsenal, dont le thème «Pensa con isensi - Senti con la mente. L’arte al presente», peut paraître à première vue un peu abscons, a montré malgré les critiques – assez nombreuses cette année – une cohérence certaine.Penser avec les sens, dans un monde inquiet et culpabilisé qui observe quotidiennement ses disgrâces dans le miroir télévisuel, c’est presque un constat, plutôt qu’un programme.De fait, cette édition fait la part belle à la mise en scène de la souffrance, de la destruction et de la mort. Leur mise en question aussi, on peut l’espérer; même si le risque de sombrer dans le politiquement correct ou les effets faciles n’était pas négligeable, on pouvait et peut encore trouver cette année à Venise quelques très belles choses et quelques moments très forts.La magnifique performance VB61 Still Death ! Darfur Still Deaf ? de Vanessa Beecroft, bien que ne faisant pas partie du programme officiel, a dans cette optique valeur de prologue. D’une puissance graphique peu commune, même pour cette artiste, l’œuvre consistait en une toile blanche sur laquelle trente femmes soudanaises, maquillées en noir, étaient allongées sur le ventre, leurs corps mêlés simulant de façon saisissante un charnier, tandis que Beecroft, armé d’un pinceau large et de seaux, les recouvrait lentement de peinture rouge, au son...

À celui qui, tel un Barnabooth moderne, ferait un tour d’Europe des manifestations artistiques de cette année 2007, Venise, pléthorique et foisonnante, apparaît une fois de plus comme un passage obligé.
Dirigée par l’Américain Robert Storr, l’édition 2007 de l’Arsenal, dont le thème «Pensa con isensi – Senti con la mente. L’arte al presente», peut paraître à première vue un peu abscons, a montré malgré les critiques – assez nombreuses cette année – une cohérence certaine.Penser avec les sens, dans un monde inquiet et culpabilisé qui observe quotidiennement ses disgrâces dans le miroir télévisuel, c’est presque un constat, plutôt qu’un programme.De fait, cette édition fait la part belle à la mise en scène de la souffrance, de la destruction et de la mort. Leur mise en question aussi, on peut l’espérer; même si le risque de sombrer dans le politiquement correct ou les effets faciles n’était pas négligeable, on pouvait et peut encore trouver cette année à Venise quelques très belles choses et quelques moments très forts.La magnifique performance VB61 Still Death ! Darfur Still Deaf ? de Vanessa Beecroft, bien que ne faisant pas partie du programme officiel, a dans cette optique valeur de prologue. D’une puissance graphique peu commune, même pour cette artiste, l’œuvre consistait en une toile blanche sur laquelle trente femmes soudanaises, maquillées en noir, étaient allongées sur le ventre, leurs corps mêlés simulant de façon saisissante un charnier, tandis que Beecroft, armé d’un pinceau large et de seaux, les recouvrait lentement de peinture rouge, au son d’une musique funèbre et lancinante.L’Israélien Tomer Ganihar, dans une série de photos intitulée Hospital Party, présente des mannequins d’hommes, de femmes et d’enfants, mutilés et maculés de sang, allongés dans des lits ou sur des couvertures. Ce travail, qui fait d’abord songer plastiquement à certaines photos de Cindy Sherman, prend une tonalité nouvelle lorsqu’on sait que ces mannequins proviennent réellement d’un hôpital israélien, où ils servent de matériel de formation pour les médecins et où Ganihar a pris ses photos, sans retouches ou presque.Théologiquement peu subtil, mais efficace, l’Argentin León Ferrari présente plusieurs pièces, dont un étrange lustre en os humains, ainsi qu’un bombardier américain, pris en piqué, portant sur ses bras de métal un immense Christ (La civilisation occidentale et chrétienne); de son côté, l’Italien Paolo Canevari montre une vidéo qui fit beaucoup parler, sans doute, sur un ton de présentateur de catastrophes télévisées: devant le QG dévasté de l’armée yougoslave à Belgrade, un enfant joue au football, avec un crâne.Douze minutes, trop long pour les actualités, mais assez pour que les plus heureuses natures passent des larmes au rire, du pessimisme à un optimisme teinté de philosophie: Senti con la mente.Certaines œuvres, pour être engagées n’en sont pas moins teintées de mièvrerie, voire de niaiserie; ainsi l’américaine Emily Prince, tapissant un mur de 3556 portraits de GI’s morts en Afghanistan ou en Irak, avec la date manuscrite de leur décès et parfois un commentaire – «Lorsque son fils est né, ce fut le plus beau jour de sa vie». Le titre lui-même,American Servicemen and Women Who Have Died in Iraq and Afghanistan (But Not Including the Wounded, Nor the Iraqis nor the Afghanis), est en soi un manifeste, hélas pastel.

Moins politique, mais tout aussi morbide, la très belle vidéo That White Rush de l’artiste anglaise Sam Taylor-Wood, qui représentait l’Ukraine (Ne posez pas la question…). Une jeune femme dénudée, à demi allongée sur un parquet de bois clair, regarde se décomposer un grand cygne blanc posé sur elle. Cette Léda revisitée est l’un des plus beaux pas de deux que Éros et Thanatos aient effectué depuis longtemps.Bill Viola propose, dans la petite église de San Gallo, Ocean without a shore. Trois écrans vidéo sur trois autels représentent les portes par lesquelles les morts entrent et sortent denotre monde. Ceux-ci lentement s’approchent, vers la lumière, traversant un fin rideau d’eau «baptismale» ou le touchant simplement avant de repartir en arrière. Cette belle installation, dans laquelle le visiteur s’immerge littéralement, et dont le titre est emprunté au mystique soufi Ibn ‘Arabî, produit une extraordinaire impression de sérénité.Citons encore, pour clore ce tour d’horizon des fins dernières, la vidéo du Chinois Yang Zhenzhong, qui a filmé la manière dont les mortels du monde entier disent: «Je vais mourir». Émouvant, pour peu que l’on soit convenablement disposé.

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