À Art Paris Art Fair
Les foires qui se tiennent au Grand Palais ont toujours ceci de très plaisant qu’entre deux regards appuyés, accordés à telle ou telle œuvre d’art, à tel ou tel représentant de la masse bigarrée qui s’y presse passionnément, on peut toujours goûter – comme à du gingembre qui ne laverait pas le palet comme au Japon, mais la rétine – au ciel de Paris et à l’une de ses plus belles vitrines : la verrière sous laquelle se tient la vingtième édition d’Art Paris Art Fair. Artpassions y passe ! Ainsi, entre un dessin d’Henri Michaux et d’enthousiasmants Gladiateurs signés Chirico (Galerie Thessa Herold), un coup d’œil aux nuages, et au drapeau tricolore. C’est de la Suisse pourtant, l’invité d’honneur de l’événement, qu’il faudrait parler ; des quatre murs confiés à quatre artistes du pays, sous la houlette de Karine Tissot, dont celui – on ne peut plus raffiné – de Christian Gonzenbach : Choses humaines. Mais ceci est un billet d’humeur… Je pourrais lister ce que j’achèterais sur ce stand ou sur cet autre (ainsi chez Templon ce Pinocchio de Jim Dine et ce Saint Hubert de Gérard Garouste (je n’imagine pas colorés autrement, autrement épais, certains passages du Roi des aulnes de Tournier)).
Mais je voudrais souligner deux choses : 1° le plaisir qu’on éprouve à découvrir dans ce genre de lieux, ô combien hétéroclites ! de vraies petites rétrospectives, tout au moins de vraies petites monographies ; vous vous imprégneriez par exemple, chez Claude Bernard, du bel univers – sur lequel semblent penchées les fées Poussin, Bonnard et Giacometti – de Jacques Truphémus, qui mourut cet automne ; 2° le plaisir que j’éprouve très souvent dans ces lieux dédiés à l’art moderne et contemporain (faut-il généraliser ce sentiment et en tirer quelque leçon ?) à m’arrêter et à flâner chez les marchands venus d’Extrême-Orient, où la fraîcheur s’associe toujours pour le meilleur – et cela dure depuis des siècles – à la grandeur ; chez An Inc., une galerie de Séoul, j’admire une œuvre de Kazz Morishita, trois grandes photographies noir et blanc, un triptyque de kakémonos, où trois fois la lune immense domine la terre, au Japon, en Grèce, à nouveau au Japon ; sur le stand d’une autre galerie coréenne, 313 Art Project, on savoure le bonheur du pinceau sobrement (on ne saurait penser un espace plus dépouillé, le sol brut du Grand Palais est à nu) : générosité savante de Yeroan Je, préciosité entraînante de Gigisue, de la matière, des fleurs, oui, oui, oui !