Mélange d’architecture ultra-contemporaine et de scénographie visionnaire, le nouveau Musée Atelier Audemars Piguet édifié au Brassus, dans le Haut-Jura helvétique, est une réalisation emblématique qui narre la puissance créative affichée depuis 1875 par la Manufacture horlogère.
Viviane Scaramiglia
Ouvert sur la calme beauté des paysages de la Vallée de Joux, le Musée Atelier Audemars Piguet inauguré en juin 2020 est très précisément un oxymore. Réunissant le traditionnel bâtiment originel des fondateurs, Jules Louis Audemars et Edward Auguste Piguet, qui y établirent leur premier atelier en 1875, et une spirale en verre et métal à l’allure futuriste qui abrite patrimoine et arts horlogers vivants, il invite le public à une immersion inédite au cœur de l’univers culturel, passé, présent et futur, de la marque. Mais il ne faut pas voir dans cette fusion des contraires un simple fantasme d’architecte. Cette image forte et surprenante correspond étroitement à la nature même d’Audemars Piguet. Ancrée dans la tradition horlogère de la Vallée de Joux, la marque s’est attachée dès ses débuts à créer des modèles particuliers. Comme l’a notamment démontré la Royal Oak qui, au début des années soixante-dix, a surpris, avant de devenir l’icône que l’on sait, ce caractère d’indépendance visionnaire est toujours resté le signe distinctif de cette manufacture qui rayonne dans le monde entier
Animer la matière avec intelligence
Récompensant six années de développement et de réalisation de haute voltige, le nouveau bâtiment succède à l’ancien musée qui était alors ouvert uniquement à des visiteurs sélectionnés. Conçu par le groupe d’architecture danois BIG (Bjarke Ingels Group) et réalisé par le bureau suisse CCHE, le pavillon entièrement porté par des panneaux de verre incurvés représente une prouesse d’ingénierie et design. Une première mondiale à cette altitude. Et pour Sebastian Vivas, directeur du musée et du patrimoine Audemars Piguet « l’équivalent d‘une Grande Complication horlogère ». Le vitrage soutient entièrement le toit en acier qui semble d’une aérienne légèreté malgré ses quatre cent soixante-dix tonnes. Un subtil treillis en laiton encercle la surface extérieure pour réguler lumière et température., tandis que le toit végétalisé avec des plantes locales permet au pavillon de se fondre en douceur dans le paysage, tout en neutralisant les variations de température et en absorbant l’eau de pluie. Adaptés à la pente naturelle du terrain, les sols en pierre de la vallée suivent différentes inclinaisons. Ils ont dicté l’aménagement intérieur qui véhicule les visiteurs dans un mouvement similaire à celui du ressort spiral, le réservoir d’énergie du mouvement horloger.
Scénographie comme une musique
Le bâtiment : neuf cents m2 dédiés à l’exposition de près de trois cents montres racontant comment de modestes artisans d’une vallée isolée ont façonné durant deux siècles des chefs-d’œuvre qui continuent de fasciner le monde. Au cœur de la spirale, les garde-temps et complications d’exception, historiques et contemporains du patrimoine Audemars Piguet. Des montres à sonnerie, à calendrier et à chronographe gravitent autour de « L’Universelle », cette montre de poche créée en 1899 et qui demeure la pièce la plus compliquée produite à ce jour par la manufacture. En hommage aux cycles astronomiques qui ont modelé l’histoire de l’horlogerie, les montres à complications sont présentées dans des vitrines sphériques, inspirées du système solaire. L’exposition se termine par une grande collection de Royal Oak, Royal Oak Offshore et Royal Oak Concept. Autant de pièces audacieuses où l’on retrouve l’esprit sans compromis de la marque, riche de sa tradition et engagée vers l‘avenir. Ce véritable voyage dans le temps, orchestré par la scénographie de l’atelier allemand Brückner, est rythmé de crescendos, de fluidités, de moments forts et de contemplation. Les facettes techniques et créatives se racontent à travers divers sculptures, automates, installations cinétiques, maquettes et tables didactiques. L’expérience se prolonge jusqu’à l’établi qui permet au visiteur de s’essayer à certaines techniques ancestrales comme le satinage et le perlage.
Arts vivants
Les ateliers des Grandes Complications et Métiers d’Art, où les montres les plus compliquées de la manufacture sont encore créées de nos jours, sont intégrés au parcours. La concentration est palpable autour de ces savoir-faire d’une incroyable précision. L’espace consacré aux Grandes Complications voit naître des mains d’un seul et même horloger des montres comptant quelques six cent quarante-huit composants et nécessitant six à huit mois de travail d’assemblage, d’ajustage et de réglage. L’atelier des Métiers d’Art réunit maîtres-joailliers, sertisseurs et graveurs qui donnent vie à des chefs-d’œuvre de Haute Joaillerie.
La Maison des Fondateurs
Le bâtiment historique dite la Maison des Fondateurs, date de1868. Elle a été entièrement rénovée sur la base de documents d’archives pour accueillir les visiteurs dans un univers de boiseries et de pierres anciennes. La réalisation a réuni de nombreux talents et des artisans locaux pour restituer l’âme de la maison. Les murs ont notamment été habillés par des parois en bois provenant de maisons villageoises traditionnelles de la vallée. La bâtisse abrite les registres et archives et la Fondation Audemars Piguet qui contribue à la protection de l’environnement et à la valorisation des savoirs traditionnels. Par ailleurs, l’atelier de restauration de pièces compliquées a symboliquement trouvé sa place sous les toits, à l’endroit même où Audemars Piguet est né il y a cent quarante-cinq ans.
Viviane Scaramiglia // Photos à choix © Audemars Piguet