Pas d’histoire de l’art sans marché de l’art, ni de grands musées sans grands antiquaires, ni de catalogues raisonnés sans catalogues de vente… c’est connu. Dans un salon comme Art Élysées, certains stands valent comme de petites monographies. Ainsi pourrez-vous compléter votre visite de la rétrospective Bernard Buffet qui se tient actuellement au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en parcourant ici le stand de la galerie Dil ; c’est un supplément, c’est un bis, c’est aussi pour certains bienheureux le meilleur bookshop qui soit. Cette année, dans ces allées, c’est peut-être la photographie qui m’attire le plus. Sur le stand de la galerie David Guiraud, je détaille un tirage de Lucien Clergue intitulé Les Géantes, Camargue, et songe à cette vieille idée selon laquelle le corps serait un paysage (« Un héros endormi de ses membres épars / Figurait vals bois rocs montagnes et remparts. » écrit Cocteau, ami du photographe, dans son poème Léone) ; de même que chez Titien les frondaisons sont des tignasses d’adolescents, ce pubis-ci est une oasis. À côté de cette œuvre, en voici une de Nan Goldin, Self-Portrait on my bed, NYC, qui illustrerait bien La Voix humaine du même Cocteau. J’admire en face une série de huit clichés de Patrick Sarfati montrant Keith Haring, vêtu d’un t-shirt estampillé Comme des garçons, s’adonnant sur Ludovic au body painting : quelle jolie mise en abîme ! quel rappel – surtout – qu’aucun art, ni aucun médium, ni aucune science, qu’aucune culture, plus généralement, ne s’épanouit joliment sans les autres.