Frederic Mitterrand, nouveau ministre de la Culture

Dominique Fernandez / Artpassions
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Tant pis pour la villa Médicis, qu’il abandonne après moins d’un an de brillant directorat, tant mieux pour l’ensemble de la profession intellectuelle et artistique. Dire que le nouveau ministre de la Culture est un homme de culture et un homme de talent ne suffit pas : c’est un véritable créateur, ce qui n’était plus arrivé depuis Malraux. Il y a cinq ans, il publiait, sous le titre de La Mauvaise vie, une sorte d’autobiographie. De ce personnage que sa carrière brillante dans les médias semblait avoir fixé dans le rôle léger et superficiel de maître Jacques à paillettes et chouchou du grand public, on avait la révélation qu’il appartenait à cette race de grands saturniens mélancoliques où la littérature depuis la nuit des temps recrute ses plus fidèles serviteurs. Servi par une écriture serrée, contrôlée, souvent savoureuse, toujours juste et d’une complexité sans chichis, le livre est à la fois cru et pudique, hardi et secret, tout en soupirs, en murmures, en larmes contenues. De quoi s’agit-il ? D’avouer que depuis l’enfance on n’a aimé que les garçons, à l’époque où il n’était pas facile, pour le fils d’un milieu bourgeois, de se découvrir une sorte de paria sexuel. Si au moins on avait eu le bonheur d’être aimé en retour ! Mais non : cette chance n’a jamais échu à Frédéric Mitterrand. Il a toujours vécu, disait-il, dans le déchirement de l’amour impossible. Voilà, c’était dit, et il fallait un énorme courage pour défier aussi ouvertement le préjugé. Même si on a...

Tant pis pour la villa Médicis, qu’il abandonne après moins d’un an de brillant directorat, tant mieux pour l’ensemble de la profession intellectuelle et artistique. Dire que le nouveau ministre de la Culture est un homme de culture et un homme de talent ne suffit pas : c’est un véritable créateur, ce qui n’était plus arrivé depuis Malraux. Il y a cinq ans, il publiait, sous le titre de La Mauvaise vie, une sorte d’autobiographie. De ce personnage que sa carrière brillante dans les médias semblait avoir fixé dans le rôle léger et superficiel de maître Jacques à paillettes et chouchou du grand public, on avait la révélation qu’il appartenait à cette race de grands saturniens mélancoliques où la littérature depuis la nuit des temps recrute ses plus fidèles serviteurs. Servi par une écriture serrée, contrôlée, souvent savoureuse, toujours juste et d’une complexité sans chichis, le livre est à la fois cru et pudique, hardi et secret, tout en soupirs, en murmures, en larmes contenues. De quoi s’agit-il ? D’avouer que depuis l’enfance on n’a aimé que les garçons, à l’époque où il n’était pas facile, pour le fils d’un milieu bourgeois, de se découvrir une sorte de paria sexuel. Si au moins on avait eu le bonheur d’être aimé en retour ! Mais non : cette chance n’a jamais échu à Frédéric Mitterrand. Il a toujours vécu, disait-il, dans le déchirement de l’amour impossible. Voilà, c’était dit, et il fallait un énorme courage pour défier aussi ouvertement le préjugé. Même si on a des réserves sur la politique et les méthodes de l’actuel président de la République française, on ne peut que saluer la décision qui élève aux plus hautes fonctions de l’État un marginal aussi affranchi des conventions.

Membre du jury littéraire Médicis, dont la fonction est de couronner les nouveaux talents, Frédéric Mitterrand est un lecteur passionné et sagace, excellent découvreur. Il est l’auteur également de très beaux films. J’aime en particulier le reportage qu’il a réalisé sur les dernières années de Tolstoï. Il a relu les journaux que le mari et la femme tenaient parallèlement : quarante-huit ans de vie conjugale, quarante-huit ans d’amour/haine ! Deux comédiens lisent en alternance certaines pages de ces journaux, documents d’archives à l’appui. Le résultat est prodigieux : on voit le vieux comte professer le détachement et la pauvreté, pendant que son épouse lui reproche âprement ses goûts et ses habitudes de luxe. Jamais, je crois, on n’était entré dans l’intimité d’un grand écrivain avec le sentiment de toucher d’aussi près les contradictions du génie.

J’insiste à dessein sur les aptitudes créatrices du ministre. D’autres ont dit ou diront ses qualités personnelles, son charme, sa drôlerie. Je place au-dessus de tout ce pouvoir, véritablement sacré, d’insuffler l’esprit dans des formes nouvelles.

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