UN TEMPLE DE LA MUSIQUE ET DE L’ART

DOMINIQUE FERNANDEZ
DOMINIQUE FERNANDEZ
Il y avait autrefois un aristocrate français porteur d’un nom illustre et une héritière américaine porteuse d’une immense fortune. Lui s’appelait Edmond de Polignac, elle Winnaretta Singer. De l’union d’un prince et des machines à coudre, naquit en 1928 la Fondation Singer-Polignac, qui occupe aujourd’hui leur magnifique hôtel particulier de l’avenue rebaptisée Georges Mandel, non loin du Trocadéro. C’est un édifice Art Nouveau, de proportions majestueuses, et dont le salon de musique a été orné au plafond par le peintre catalan José Maria Sert, auteur des fresques de la cathédrale de Vic en Catalogne espagnole. Il a décoré la salle à manger de l’hôtel Waldorf-Astoria à New York, la grande salle du Conseil du Palais de la Société des Nations à Genève. Les fresques de Paris représentent une guirlande de femmes nues, replètes à la Rubens, musclées à la Michel-Ange, dans des teintes sombres et mordorées à la Goya. Qui sont-elles? Des nymphes? Des muses? On murmure, mais sans preuves, que ces dames auraient fait le bonheur de l’un ou de l’autre propriétaire de ce fastueux palais. La fondation végétait quelque peu lorsque, en 2006, elle fut prise en main et redressée par le merveilleux Yves Pouliquen, dont la mort, en février dernier, a endeuillé à la fois l’ophtalmologie et la musique. Le professeur Pouliquen était en effet d’abord un très grand médecin des yeux, qui a soigné et sauvé ceux de maint homme politique, de mainte célébrité des lettres ou des arts, Paul Morand ou Pierre Boulez par exemple....

Il y avait autrefois un aristocrate français porteur d’un nom illustre et une héritière américaine porteuse d’une immense fortune. Lui s’appelait Edmond de Polignac, elle Winnaretta Singer. De l’union d’un prince et des machines à coudre, naquit en 1928 la Fondation Singer-Polignac, qui occupe aujourd’hui leur magnifique hôtel particulier de l’avenue rebaptisée Georges Mandel, non loin du Trocadéro. C’est un édifice Art Nouveau,
de proportions majestueuses, et dont le salon de musique a été orné au plafond par le peintre catalan José Maria Sert, auteur des fresques de la cathédrale de Vic en Catalogne espagnole. Il a décoré la salle à manger de l’hôtel Waldorf-Astoria à New York, la grande salle du Conseil du Palais de la Société des Nations à Genève. Les fresques de Paris représentent une guirlande de femmes nues, replètes à la Rubens, musclées à la Michel-Ange, dans des teintes sombres et mordorées à la Goya. Qui sont-elles? Des nymphes? Des muses? On murmure, mais sans preuves, que ces dames auraient fait le bonheur de l’un ou de l’autre propriétaire de ce fastueux palais.

La fondation végétait quelque peu lorsque, en 2006, elle fut prise en main et redressée par le merveilleux Yves Pouliquen, dont la mort, en février dernier, a endeuillé à la fois l’ophtalmologie et la musique. Le professeur Pouliquen était en effet d’abord un très grand médecin des yeux, qui a soigné et sauvé ceux de maint homme politique, de mainte célébrité des lettres ou des arts, Paul Morand ou Pierre Boulez par exemple. Membre
de l’Académie de médecine et de l’Académie française, c’était un esprit large, un humaniste accompli, d’une culture étendue, curieux des nouveautés, insatiable lecteur, bienveillant avec tout le monde. Assidu aux séances du dictionnaire de l’Académie française, il contribuait efficacement au perfectionnement du vocabulaire par des définitions précises. Sa connaissance du corps humain et de la souffrance donnait à ses jugements et à ses avis un poids qui manquait souvent à nous autres, simples écrivains. Je crois n’avoir que rarement rencontré un homme aussi profond et en même temps aussi modeste, et qui m’ait donné autant l’envie d’être son ami.

Une de ses passions était la musique. Il fit remettre en état le salon de Winnaretta, ainsi que les nombreux et spacieux salons annexes qui se peuplèrent de pianos et d’instruments pour les artistes invités en résidence. Tous des jeunes, de ceux qu’on a entendus et qu’on continue à entendre aux Sommets Musicaux de Gstaad. L’hôtel Singer-Polignac sert de banc d’essai, l’avenue Georges Mandel de piste d’envol pour les futures gloires favorisées par Euterpe. En savent quelque chose les Guillaume Bellom, les Victor Julien Laferrière, les Renaud Capuçon, les Philippe Jaroussky, les Nathalie Stutzmann, les Bertrand Chamayou, le quatuor Hermès, le Poème harmonique… Deux fois par mois, les nymphes ou muses de José Maria Sert enrichissaient de leurs voluptueuses sinuosités le plaisir d’écouter un concert. Musique de chambre, piano ou chant, c’était un moment de grâce, pour les deux cents invités réunis au pied de la mince estrade. Yves Pouliquen faisait son entrée en dernier et s’installait dans un fauteuil placé au milieu du premier rang. On se levait pour
le saluer: non par mondaine politesse, mais en signe de reconnaissante soumission à une légitime autorité.

Je me souviens d’un soir où Philippe Jaroussky chanta devant le public médusé les douze Chansons populaires espagnoles écrites pour voix de femme, qu’il avait transposées pour sa voix d’alto. Federico Garcia Lorca, dans les années trente, les avait jouées au piano pour accompagner la Argentinita. Loin de désavouer ce changement de timbre, il eût adoré entendre ces mélodies dans une version androgyne qui en exaltait le trouble et le mystère.
Pendant le confinement, les concerts continuent, sans public évidemment, mais toujours de la même haute qualité, tant les artistes qui ont bénéficié de l’hospitalité de la fondation ont à cœur de la maintenir en vie.

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