Depuis 2020, Katharina Ammann est directrice de l’Aargauer Kunsthaus, un musée qui possède la collection d’art suisse la plus complète et la plus ciblée, et qui la présente dans des constellations toujours renouvelées. Ayant précédemment travaillé à l’Institut suisse pour l’étude de l’art (SIK-ISEA), Katharina Ammann réunissait les conditions idéales pour renforcer encore les liens entre les activités de collection et d’exposition. Elle considère l’art comme un sismographe de notre époque. Sous son impulsion, le Kunsthaus s’est orienté vers une approche plus participative et met l’accent sur des thèmes d’actualité
qui marquent notre réalité quotidienne, avec des expositions consacrées au racisme, à la neutralité ou à l’intelligence artificielle.
Dans vos souvenirs, quelle a été votre première expérience artistique ?
Mon père était l’artiste Max Ammann. Enfant, j’ai passé tellement d’heures à des vernissages, dans des musées et des églises, qu’il m’est impossible de me souvenir de ma première expérience. Mon foyer familial, riche en musique, en art et en livres, a influencé ma déci-sion d’étudier l’histoire de l’art et la littérature anglaise à Genève et à Oxford, puis de réaliser un doctorat sur l’art vidéo à Berne.
Quelle importance revêt l’art dans votre vie ?
Je suis entourée d’art et je crois que les institutions culturelles telles que l’Aargauer Kunsthaus jouent un rôle essentiel dans une société ou-verte. Les artistes font preuve d’esprit d’entreprise et de prise de risque, et proposent des approches créatives. À mon avis, ce potentiel de l’art en tant que ressource sociale est encore trop peu reconnu. En tant que musées, nous offrons une plateforme pour créer cette visibilité.
Quel talent artistique aimeriez-vous avoir ?
Dans mes rêves, je serais une patineuse artistique chantant des airs d’opéra tout en recouvrant la patinoire de magnifiques dessins éphé-mères, jusqu’à ce que toutes les personnes présentes participent avec enthousiasme à une grande œuvre collective.
Quelles œuvres sont indispensables pour vous ?
En ce moment, c’est la série d’œuvres « Orlando » de Klodin Erb, ex-posée à l’Aargauer Kunsthaus dans le cadre de l’exposition « Vorhang fällt Hund bellt » (Le rideau tombe, le chien aboie). Dans la gale-rie de portraits, une reine est suspendue au-dessus d’un dalmatien, le pape se tient à côté d’Amy Winehouse. Les références artistiques et la culture pop s’entrelacent, les catégories s’estompent et nous fai-sons tous partie d’une même famille d’êtres. Un tel art possède un potentiel transformateur, en lien avec notre propre capacité de chan-gement, et est donc indispensable.
Quels artistes admirez-vous le plus ?
En tant que stagiaire au Museum of Modern Art de New York, j’ai découvert la célèbre tasse à thé recouverte de fourrure de Meret Oppenheim, datant de 1936. Je l’ai retrouvée dans l’exposition de Klodin Erb : seul un citron en dépassait, tel un sein. Venant d’une bonne famille, Meret Oppenheim avait quitté la Suisse à dix-neuf ans pour devenir artiste à Paris. Elle fréquentait les grands artistes de son époque, tels qu’Alberto Giacometti, Man Ray ou Marcel Duchamp, et est devenue une source d’inspiration pour tous ceux qui brisent les sché-mas traditionnels et suivent leur propre voie. Bien que je sois passion-née par l’art contemporain et fascinée par des œuvres monumentales comme le « Paysage économique de Davos » de Thomas Hirschhorn ou la « Forêt de pixels » de Pipilotti Rist, je suis également régulièrement captivée par des peintres tels que Giotto, Velázquez ou Manet.
Comment est aménagé votre appartement ? Plutôt sobre ou rempli de souvenirs ?
À partir d’un aménagement volontairement minimaliste, quelques meubles de famille et des livres anciens se sont glissés dans mon inté-rieur, ainsi que des œuvres d’artistes. Je n’aime ni les objets décoratifs design ni les plantes d’intérieur, mais depuis quelques années, un bar à gin s’est installé dans mon salon, de sorte que mon intérieur est au-jourd’hui plutôt éclectique.
Quelles expositions recommanderiez-vous actuellement ?
Je pourrais bien sûr recommander les dernières expositions que j’ai vues à Lausanne (Félix Vallotton), Milan (Leonora Carrington) et Paris (Gerhard Richter). Mais allez aussi à la bibliothèque de votre quartier, au château classé monument historique de votre région, ou encore au musée d’art de votre ville. Pensez à quel point nous se-rions plus pauvres culturellement et spirituellement si ces collections, archives, expositions et bâtiments ne nous étaient plus accessibles. Bien sûr, il faut toujours les interroger dans une perspective contem-poraine. L’essentiel est de les préserver et de les transmettre de ma-nière à ce qu’ils restent vivants à la fois comme patrimoine culturel et comme force de transformation pour nous et pour notre temps.


















