Musée d’Orsay: Les idoles de la Dolce Vita

Le grand Jardin, 1895, huile sur toile, 168 x 221 cm
Musée d’Orsay, Paris, RF 1982 58
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015
Le grand Jardin, 1895, huile sur toile, 168 x 221 cm Musée d’Orsay, Paris, RF 1982 58 © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015
Du style Liberty aux années 1940, une centaine d'œuvres réunies sous le titre de « Dolce Vita? » cristallisent la confluence hautement originale des arts en ébullition, de l’industrie naissante et d’une riche palette de savoir-faire, terreau du succès international du design « made in Italy ».   Dans les années 1890, tandis que le marché est déjà envahi par l'objet standard, Carlo Bugatti élabore un fauteuil inspiré des lignes africaines, dans les matériaux précieux qu'appréciaient les arts décoratifs : noyer, parchemin peint, mais aussi marqueterie d'os, cuivre estampé et autres ornements, le tout relevant davantage de la sculpture que de l’ameublement. Il existe peu d'exemplaires de ces objets précurseurs de  la modernité, marqués par la volonté de progrès d'une nation qui vient de retrouver son unité. Mais, tel ce bureau de Federico  Tesio aux lignes sinueuses,  le Musée d'Orsay propose plusieurs pièces d'ébénistes, maîtres verriers, architectes et céramistes, représentatives de cette période d' « optimisme paradoxal » qui met un terme à  150 ans  d'apathie politique et culturelle. La sélection du Musée d’Orsay comprend notamment une chaise sortie de la « Camera a chiocciola » – ou « chambre escargot » – présentée par Bugatti, qui fit sensation en 1902 à L'Exposition internationale des Arts Décoratifs de Turin.  Un sommet du genre sur le thème de la spirale et ce goût pour la courbe qui renvoie à l'œuvre des peintres divisionnistes proches des tendances symbolistes,  écho à d'importants tableaux de  Previati, Segantini, Morbelli, Pellizza da Volpedo. La saga familiale des Bugatti est emblématique du processus italien qui, tout au long du XXe siècle,...

Du style Liberty aux années 1940, une centaine d’œuvres réunies sous le titre de « Dolce Vita? » cristallisent la confluence hautement originale des arts en ébullition, de l’industrie naissante et d’une riche palette de savoir-faire, terreau du succès international du design « made in Italy ».

 

Dans les années 1890, tandis que le marché est déjà envahi par l’objet standard, Carlo Bugatti élabore un fauteuil inspiré des lignes africaines, dans les matériaux précieux qu’appréciaient les arts décoratifs : noyer, parchemin peint, mais aussi marqueterie d’os, cuivre estampé et autres ornements, le tout relevant davantage de la sculpture que de l’ameublement. Il existe peu d’exemplaires de ces objets précurseurs de  la modernité, marqués par la volonté de progrès d’une nation qui vient de retrouver son unité. Mais, tel ce bureau de Federico  Tesio aux lignes sinueuses,  le Musée d’Orsay propose plusieurs pièces d’ébénistes, maîtres verriers, architectes et céramistes, représentatives de cette période d’ « optimisme paradoxal » qui met un terme à  150 ans  d’apathie politique et culturelle. La sélection du Musée d’Orsay comprend notamment une chaise sortie de la « Camera a chiocciola » – ou « chambre escargot » – présentée par Bugatti, qui fit sensation en 1902 à L’Exposition internationale des Arts Décoratifs de Turin.  Un sommet du genre sur le thème de la spirale et ce goût pour la courbe qui renvoie à l’œuvre des peintres divisionnistes proches des tendances symbolistes,  écho à d’importants tableaux de  Previati, Segantini, Morbelli, Pellizza da Volpedo.

La saga familiale des Bugatti est emblématique du processus italien qui, tout au long du XXe siècle, se tisse à la croisée de l’expérimentation artistique et de la culture du projet novateur. Carlo, beau-frère du peintre Giovani Segantini, était le père du sculpteur animalier Rembrandt Bugatti  et du fondateur de la firme automobile, Ettore. Dans cette optique, l’exposition sélectionne des œuvres symptomatiques de ce bouillonnement créatif, posé en équilibre instable entre tensions politiques et sociales d’avant-guerre, Première Guerre mondiale et issue tragique du régime mussolinien. Les différentes tendances se succèdent, se heurtent et se bousculent, tandis que l’ensemble crée un dialogue continu entre arts plastiques et arts appliqués.

Le grand Jardin, 1895, huile sur toile, 168 x 221 cm Musée d’Orsay, Paris, RF 1982 58 © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015
Le grand Jardin, 1895, huile sur toile, 168 x 221 cm
Musée d’Orsay, Paris, RF 1982 58
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt © ADAGP, Paris 2015

Le Futurisme

L’ultime tentative de la bourgeoisie pour trouver un art unifiant, sera le mouvement Liberty, soudain et fugitif , qui aura déjà donné le meilleur de lui-même à son apogée en 1905. Le 20 février 1909, paraît dans Le Figaro le Manifeste du Futurisme du poète Filippo Tommaso Marinetti qui jette les bases d’un mouvement révolutionnaire auquel adhèrent principalement cinq peintres : Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Gino Severini, Carlo Carrà et Luigi Rissolo. À leur manière provocante, certains allant même jusqu’à prôner les valeurs fascistes de manière radicale, ils animent cet assaut avant-gardiste qui s’impose comme l’une des premières affirmations de la pensée de la modernité en Europe et fera de l’Italie le chef de file d’un mouvement créatif innovant. Refus déterminé du passéisme et de l’imitation, dynamisme, vitesse, fascination de la machine toute-puissante, décomposition précise du mouvement, simultanéité des visions et des sensations, font partie de leur dogme. S’inscrivant dans le prolongement du cubisme – on y voit parfois une certaine géométrisation des formes qui s’y apparent– il en rejette son aspect statique.

Ce courant d’avant-garde, qui s’essouffle avec l’arrivée du fascisme au pouvoir, ne commence toutefois à imprégner les arts décoratifs que dans les années 1920. Un second futurisme se dessine. En 1915, Giacomo Balla et Fortunato Depero signent une déclaration intitulée « Reconstruction futuriste de l’univers » qui vise à étendre cette esthétique à tous les aspects de l’art et de la vie. Les deux artistes qui veulent refaire le monde « en lui infusant de la joie » créeront eux-mêmes une multitude d’objets, allant des meubles aux tapisseries et des vêtements aux jouets. Giovanni Lista, spécialiste et critique refuse, quant à lui, la formule de « second futurisme », lui préférant un classement historiographique par décennies, selon les différentes recherches du mouvement : le « dynamisme plastique » des années mille neuf cent dix, l’« art mécanique » des années vingt, l’« aéro-esthétique » des années trente.

Le retour à l’ordre

Comme partout en Europe, les années de retour à la culture classique qui succèdent à la saison des avant-gardes rassemble un alliage hétérogène d’artistes et de créateurs confrontés à cette période sans espoir de l’entre-deux guerres. De Chirico met en scène des compositions oniriques où règne l’inquiétante poésie de l’immobile, les perspectives urbaines désertes, écho de la mélancolie d’un monde énigmatique. Il y a aussi le Réalisme magique, dont Felice Casorati est le plus grand représentant. De façon analogue, une vision enchantée caractérise les premières créations en verre de Carlo Scarpa et les céramiques de Giò Ponti, dont la revue Domus qu’il lance en 1928 pour communiquer les idéaux du « Novecento » reste aujourd’hui encore une référence internationale en matière de design et d’architecture.

De l’objet unique à la culture du prototype, des meubles précieux aux mouvements nerveux de Carlo Zen, à l’expérimentation de nouveaux matériaux de créateurs tels qu’Albini, le studio Baldessari, Figini et Pollini, qui vont marquer le passage vers la production industrielle, l’exposition éclaire la naissance et la trajectoire du « beau design » signalé par le label « made in Italy » qui dès 1947 commencera à connaître un succès international.

 

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Dolce Vita? Du Liberty au design italien
1900-1940
Jusqu’au 13 septembre 2015
Musée d’Orsay, Paris, www.musee-orsay.fr

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