Connaissez-vous Czernowitz ?

Dominique Fernandez / Artpassions
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Cette ville, peut-être en avez-vous entendu parler sous d’autres noms : Tchernovtsy, ou Cernâuti. Cette incertitude toponymique résume son destin. Elle a été tour à tour austro-hongroise (Czernowitz), soviétique (Tchernovtsy), roumaine (Cernâuti). Elle fait partie aujourd’hui de l’Ukraine. Si on la connaît, c’est surtout parce qu’elle a été une capitale de la culture littéraire en langue allemande. Jusqu’à la dernière guerre, la moitié de la population était juive. Paul Celan, qui est peut-être le plus grand poète de langue allemande du XXe siècle, était un Juif roumain, né à Czernowitz, comme Gregor von Rezzori, lequel a décrit, dans son roman Eine Hermelin in Tschernopol, donnant un nouveau nom mythique à sa ville natale, le déclin de l’empire habsbourgeois. Aujourd’hui, dans cette grande cité miraculeusement épargnée par la guerre (seule la synagogue a été incendiée par les nazis), tout nous parle de cet empire. Le second miracle, c’est qu’elle reste ignorée des touristes, échappant ainsi à la mondialisation et à la banalisation qui ont défiguré, ruiné Vienne, Prague, Budapest. Czernowitz se trouve dans l’Ukraine du sud, près de l’actuelle frontière roumaine. Si on arrive par le train, on est sidéré par la gare, une splendide construction dont les coupoles et les halls de verre rappellent Vienne. On gagne la ville par un tramway qui remonte la grand-rue en forte pente, et là, on en croit à peine ses yeux. Celui qui a la nostalgie de l’Europe centrale, de l’époque des Stefan Zweig, des Joseph Roth, des Schönberg, des Freud, de ce monde...

Cette ville, peut-être en avez-vous entendu parler sous d’autres noms : Tchernovtsy, ou Cernâuti. Cette incertitude toponymique résume son destin. Elle a été tour à tour austro-hongroise (Czernowitz), soviétique (Tchernovtsy), roumaine (Cernâuti). Elle fait partie aujourd’hui de l’Ukraine. Si on la connaît, c’est surtout parce qu’elle a été une capitale de la culture littéraire en langue allemande. Jusqu’à la dernière guerre, la moitié de la population était juive. Paul Celan, qui est peut-être le plus grand poète de langue allemande du XXe siècle, était un Juif roumain, né à Czernowitz, comme Gregor von Rezzori, lequel a décrit, dans son roman Eine Hermelin in Tschernopol, donnant un nouveau nom mythique à sa ville natale, le déclin de l’empire habsbourgeois.

Aujourd’hui, dans cette grande cité miraculeusement épargnée par la guerre (seule la synagogue a été incendiée par les nazis), tout nous parle de cet empire. Le second miracle, c’est qu’elle reste ignorée des touristes, échappant ainsi à la mondialisation et à la banalisation qui ont défiguré, ruiné Vienne, Prague, Budapest. Czernowitz se trouve dans l’Ukraine du sud, près de l’actuelle frontière roumaine. Si on arrive par le train, on est sidéré par la gare, une splendide construction dont les coupoles et les halls de verre rappellent Vienne. On gagne la ville par un tramway qui remonte la grand-rue en forte pente, et là, on en croit à peine ses yeux. Celui qui a la nostalgie de l’Europe centrale, de l’époque des Stefan Zweig, des Joseph Roth, des Schönberg, des Freud, de ce monde extraordinaire de grands esprits et d’artistes de premier plan, trouvera à Czernowitz un décor qu’il croyait à jamais disparu. Ce ne sont qu’immeuble cossus superbement décorés, hôtels opulents, banques impériales. Théâtre, hôtel de ville, cathédrale roumaine à coupoles, église néogothique, Maison de l’Allemagne à pignons, Maison de la culture juive, résidence mauresque et byzantine du métropolite orthodoxe, tout se côtoie et s’harmonise. La colonie juive a disparu, éliminée par les Roumains sur l’ordre des Allemands. L’ancien cimetière hébraïque subsiste, admirable, avec des centaines de stèles ornées d’inscriptions.

Sur le coup de midi, chaque jour, un homme en costume monte en haut du beffroi et sonne l’heure en soufflant dans une trompe. Une foule presque élégante (les jeunes femmes bien mieux habillées et soignées qu’en Occident !) déambule dans la rue piétonnière bordée de cafés et de restaurants. La pauvreté assez largement répandue en Ukraine semble absente ici. Les magasins regorgent de produits. Comme la ville a été en grande partie construite ou renouvelée à la fin du XIX siècle, quand l’empire austro-hongrois était à son apogée, le style Sécession, mélange d’Art nouveau et Art déco, donne un cachet uniforme aux bâtiments. L’ensemble compose un décor non seulement magnifique mais encore parfaitement homogène. Cette ville surgissant saine et sauve d’un monde évanoui semble un mirage entrevu dans un rêve.

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