Entretien Renaud Capuçon par Frédéric Möri

Renaud Capuçon, directeur artistique des Sommets Musicaux de Gstaad
Renaud Capuçon, directeur artistique des Sommets Musicaux de Gstaad
Le talent en partage A près de 40 ans le violoniste français vient d'accepter la direction de la programmation des Sommets Musicaux de Gstaad. Retour sur une trajectoire singulière, maquée par la transmission et dédiée au partage. Entretien... Quels sont les musiciens qui vous ont particulièrement marqué ? Christian Ferras d’abord. J’ai 16 ans, on me parle de ce violoniste que je ne connaissais pas et j’écoute son concerto de Beethoven avec Karajan. Je suis pris d’une sorte de vertige. C’était ce genre de sonorité dont j’ai toujours rêvé. On a une sonorité en rêve et y accéder est très compliqué. C’est comme trouver son ADN. En écoutant Ferras une porte s’est ouverte sur un son qui correspond au son de mes rêves. Ce que j’aime chez lui c’est son incandescence. Il y a dans son jeu une puissance, une force ancrée dans le sol, mais qui s’élève et qui rayonne. Quelque chose de divin mais sans évanescence. Au même moment, vers 17 ans, j’étais en tournée avec l’Orchestre des jeunes de la Communauté européenne, et Carlo Maria Giulini nous dirige. Tout ce que je viens d’évoquer en parlant de Ferras, je le vis avec Giulini en jouant dans l’orchestre. Pour la première de ma vie j’ai eu la chair de poule en jouant. On avait l’impression qu’il nous portait, qu’il nous élevait. Un jour, au Concertgebouw d’Amsterdam, nous jouions la IXe de Beethoven ; avec mon voisin de pupitre on s’est regardé et on s’est dit qu’on avait l’impression de décoller. Il y avait...
Le talent en partage

A près de 40 ans le violoniste français vient d’accepter la direction de la programmation des Sommets Musicaux de Gstaad. Retour sur une trajectoire singulière, maquée par la transmission et dédiée au partage.

Entretien…

Quels sont les musiciens qui vous ont particulièrement marqué ?

Christian Ferras d’abord. J’ai 16 ans, on me parle de ce violoniste que je ne connaissais pas et j’écoute son concerto de Beethoven avec Karajan. Je suis pris d’une sorte de vertige. C’était ce genre de sonorité dont j’ai toujours rêvé. On a une sonorité en rêve et y accéder est très compliqué. C’est comme trouver son ADN. En écoutant Ferras une porte s’est ouverte sur un son qui correspond au son de mes rêves. Ce que j’aime chez lui c’est son incandescence. Il y a dans son jeu une puissance, une force ancrée dans le sol, mais qui s’élève et qui rayonne. Quelque chose de divin mais sans évanescence. Au même moment, vers 17 ans, j’étais en tournée avec l’Orchestre des jeunes de la Communauté européenne, et Carlo Maria Giulini nous dirige. Tout ce que je viens d’évoquer en parlant de Ferras, je le vis avec Giulini en jouant dans l’orchestre. Pour la première de ma vie j’ai eu la chair de poule en jouant. On avait l’impression qu’il nous portait, qu’il nous élevait. Un jour, au Concertgebouw d’Amsterdam, nous jouions la IXe de Beethoven ; avec mon voisin de pupitre on s’est regardé et on s’est dit qu’on avait l’impression de décoller. Il y avait une force incroyable et c’est à ce moment-là que ma vie de violoniste a basculé vers une vie de musicien. Jusque-là je travaillais comme un fou pour être violoniste et soliste comme on en rêvait tous au Conservatoire, mais sans me poser cette question organique du « pourquoi »…

Isaac Stern et Renaud Capuçon à Verbier, 1975
Isaac Stern et Renaud Capuçon à Verbier, 1975

Frédéric Möri 28 septembre 2015, hôtel Richemont, Genève.

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