Cocteau

Dominique Fernandez / Artpassions
Dominique Fernandez / Artpassions
« Sur les pas d’un magicien », tel est le nom donné à la magnifique exposition Cocteau (Évian, Palais Lumière, jusqu’au 23 mai). Vous serez éblouis, par cette collection de dessins, de photographies, de lettres, de tableaux, ingénieusement mis en scène par Robert Rocca. On pouvait craindre que Cocteau ne s’éloignât, ne fût entré dans ce purgatoire où sombrent après leur mort les plus grands écrivains. Presque cinquante ans après sa disparition, le voilà plus vivant que jamais. Il nous surprend, il nous amuse, il nous enchante. Et ceux qui croyaient le connaître découvriront encore des trésors, au premier rang desquels je mettrais les trente et un dessins sur papier où il s’est représenté trente et une fois, aigu, sombre, tourmenté, rêveur, entouré de phrases, de maximes, de fragments de poèmes écrits de sa main. Le tout fut publié en 1925 sous la forme d’un porte-folio intitulé Le Mystère de Jean l’Oiseleur, dont le superbe catalogue reproduit plusieurs planches, excellemment présentées par Dominique Marny, la petitenière du poète. Ce livre secret est étalé devant vous dans le Palais Lumière (étrange et coctalienne conjonction de ce qui brille et de ce qui est caché), page par page, et vous introduit dans l’intimité d’un homme qu’on a trop souvent jugé « mondain » et « frivole », sans comprendre ses douleurs. Radiguet était mort en décembre 1923, Radiguet le plus aimé de tous, Radiguet l’inspirateur de ses plus beaux poèmes. Le « mystère » de « Jean l’Oiseleur » était précisément de savoir ne parler de ce qui l’habitait au plus profond...

« Sur les pas d’un magicien », tel est le nom donné à la magnifique exposition Cocteau (Évian, Palais Lumière, jusqu’au 23 mai). Vous serez éblouis, par cette collection de dessins, de photographies, de lettres, de tableaux, ingénieusement mis en scène par Robert Rocca. On pouvait craindre que Cocteau ne s’éloignât, ne fût entré dans ce purgatoire où sombrent après leur mort les plus grands écrivains. Presque cinquante ans après sa disparition, le voilà plus vivant que jamais. Il nous surprend, il nous amuse, il nous enchante. Et ceux qui croyaient le connaître découvriront encore des trésors, au premier rang desquels je mettrais les trente et un dessins sur papier où il s’est représenté trente et une fois, aigu, sombre, tourmenté, rêveur, entouré de phrases, de maximes, de fragments de poèmes écrits de sa main. Le tout fut publié en 1925 sous la forme d’un porte-folio intitulé Le Mystère de Jean l’Oiseleur, dont le superbe catalogue reproduit plusieurs planches, excellemment présentées par Dominique Marny, la petitenière du poète. Ce livre secret est étalé devant vous dans le Palais Lumière (étrange et coctalienne conjonction de ce qui brille et de ce qui est caché), page par page, et vous introduit dans l’intimité d’un homme qu’on a trop souvent jugé « mondain » et « frivole », sans comprendre ses douleurs. Radiguet était mort en décembre 1923, Radiguet le plus aimé de tous, Radiguet l’inspirateur de ses plus beaux poèmes. Le « mystère » de « Jean l’Oiseleur » était précisément de savoir ne parler de ce qui l’habitait au plus profond de lui-même qu’avec une pudeur morale traduite en élégance de style. C’est ce qu’a bien vu et exprimé le plus jeune collaborateur du catalogue, Valentin Benoît. Il n’a que vingt ans, et c’est son premier texte. Retenez son nom : un écrivain est né, miracle non surprenant opéré par les ondes d’un poète qui traversait les miroirs et traverse les années pour atterrir dans l’âme d’un garçon de 2010. « Cocteau de mes vingt ans »: ce titre est de lui. Et Cocteau ne mourra jamais, si, une fois disparus ses amis et tous ceux qui l’ont connu, il revit dans un lecteur passionné qui nous communique son enthousiasme.

En face d’Évian, de l’autre côté du lac, Gabrielle Chanel repose dans le beau cimetière de Lausanne qui surplombe la rive. Chanel avait fait les costumes pour l’Antigone de Cocteau. Nous avons été quelques-uns à prendre le bateau, en sortant du Palais Lumière, pour aller déposer des renoncules blanches sur la tombe de celle qui a modelé aussi son siècle, à sa façon. Une des raisons qui assurent la survie littéraire de Cocteau, c’était qu’il était au centre d’une galaxie de créateurs et d’esprits qui, plus que marquer leur époque, ont transcendé toutes les époques par leur insolence et leur courage. Ils nous ont donné la preuve qu’on peut être libre sans tapage, audacieux sans provocation, révolutionnaire sans tam-tam iconoclaste. Pour le lecteur qui se garde fidèle à cette leçon, quelque âge qu’il ait, l’auteur de Plain-Chant restera toujours « Cocteau de mes vingt ans ».

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