Eileen et Charlot à Cuba

Eileen et Charlot à Cuba
Rencontres mélancoliques et décalées entre le quotidien résigné des Cubains et les tribulations du plus célèbre des vagabonds débrouillards, un certain Charlie Chaplin. Au Chaplin's World, la jeune cinéaste Eileen Hofer fait entrer l'icône tragi-comique dans les intérieurs décatis du crépuscule du castrisme. Les Festivals se l'arrachent et lui attribuent prix et mentions spéciales, elle est considérée comme une valeur importante dans la relève du cinéma suisse, mais en salles, Eileen Hofer est encore peu connue du grand public. Pourtant, dès son premier court-métrage Racines en 2008, elle est présente dans plus de soixante-dix festivals et emporte d'emblée dix distinctions entre Rennes, Prague, Trente, Sousse, Athènes et Las Palmas. Le deuil de la cigogne joyeuse en 2009 et Soap Opera in Wonderland en 2010 y ajoutent Soleure (Prix Suissimages/SSA 2009 du meilleur court métrage suisse de la relève), Kalamazoo (USA) et Amiens. Son passage au long métrage : C'était un géant aux yeux bruns en 2012 (tourné en dix-huit jours avec un budget d'à peine trente mille francs, des acteurs non professionnels, des techniciens autodidactes et des traducteurs bénévoles) a passé en compétition officielle à Locarno et obtenu un prix à Rio de Janeiro. Quant à Horizontes en 2015, il a reçu une mention spéciale du jury du cinéma suisse à Nyon, Visions du réel. Et la même année, Nuestro Mar remportait le prix du meilleur court métrage suisse à Winterthur. Magnifique palmarès pour la Genevoise qui a contracté sa passion pour le cinéma à quinze ans devant Drowning by Numbers...

Rencontres mélancoliques et décalées entre le quotidien résigné des Cubains et les tribulations du plus célèbre des vagabonds débrouillards, un certain Charlie Chaplin. Au Chaplin’s World, la jeune cinéaste Eileen Hofer fait entrer l’icône tragi-comique dans les intérieurs décatis du crépuscule du castrisme.

Les Festivals se l’arrachent et lui attribuent prix et mentions spéciales, elle est considérée comme une valeur importante dans la relève du cinéma suisse, mais en salles, Eileen Hofer est encore peu connue du grand public. Pourtant, dès son premier court-métrage Racines en 2008, elle est présente dans plus de soixante-dix festivals et emporte d’emblée dix distinctions entre Rennes, Prague, Trente, Sousse, Athènes et Las Palmas. Le deuil de la cigogne joyeuse en 2009 et Soap Opera in Wonderland en 2010 y ajoutent Soleure (Prix Suissimages/SSA 2009 du meilleur court métrage suisse de la relève), Kalamazoo (USA) et Amiens. Son passage au long métrage : C’était un géant aux yeux bruns en 2012 (tourné en dix-huit jours avec un budget d’à peine trente mille francs, des acteurs non professionnels, des techniciens autodidactes et des traducteurs bénévoles) a passé en compétition officielle à Locarno et obtenu un prix à Rio de Janeiro. Quant à Horizontes en 2015, il a reçu une mention spéciale du jury du cinéma suisse à Nyon, Visions du réel. Et la même année, Nuestro Mar remportait le prix du meilleur court métrage suisse à Winterthur.

Eileen et Charlot à Cuba

Magnifique palmarès pour la Genevoise qui a contracté sa passion pour le cinéma à quinze ans devant Drowning by Numbers de Peter Greenaway ! D’origine suisse par son père et turco-libanaise par sa mère, elle est licenciée en histoire de l’art et diplômée postgrade en histoire du cinéma à Genève, mais se dit autodidacte. Ses classes, c’est sur l’écran qu’elle les a faites toute seule : en visionnant des films, les passant et repassant à l’endroit et à l’envers, analysant et cherchant à comprendre comment ils sont élaborés. Pour vivre et financer ses films (le plus souvent auto-financés jusqu’en 2015), la touche-à-tout qui fonctionne à la curiosité, à l’audace et à l’intuition, se fait tour à tour -ou simultanément- mannequin, attachée de presse , journaliste et globe-trotter six mois par an.

Fictionner le réel

En Anatolie ou au Liban, en Azerbaïdjan et à Cuba, Eileen Hofer travaille à la lisière du documentaire et de la fiction. Elle aime « fictionner » le réel, ou pour l’exprimer à sa façon : « improviser dans la fiction et saupoudrer le documentaire d’une bonne dose de dramaturgie ». Mais tout en finesse et en non-dits, avec un regard généreux, décalé, tendre ou cruel.

Eileen Hofer présente sa première installation vidéo grâce à la manufacture de haute horlogerie Jaeger-LeCoultre qui soutient activement le cinéma et qui est un partenaire important du Chaplin’s World à Corsier-sur-Vevey. Elle a généreusement reçu carte blanche pour présenter un travail en lien avec l’inoubliable Charlot dans son manoir musée qui vient de souffler sa première bougie avec un chiffre de fréquentation record. Elle s’est donc replongée avec délices dans la filmographie chaplinienne, y retrouvant ses émotions d’enfant et redécouvrant l’inépuisable magie et la portée atemporelle et universelle de l’ oeuvre.

 Elle venait d’effectuer plusieurs séjours à Cuba pour réaliser Horizontes, long métrage poétique et grave qui propose les portraits croisés de trois danseuses dont la plus âgée est la légende du ballet cubain : Alicia Alonso, puis Nuestro Mar, court métrage qui déroule une suite de tableaux vivants chez ses voisins d’immeuble en bord de mer. C’est donc dans l’intimité des Cubains qu’elle s’est mise à incruster des petits scènes chaplinesques. Tomorrow the birds will sing est le titre de ce qu’elle appelle son « roman graphique » : sept écrans géants pour raconter les rencontres cubo-chapliniennes qu’elle a réalisées en orfèvre, avec humour, tendresse et un brin de dérision avec une note d’espoir puisqu’il promet que « Demain les oiseaux chanteront ».

Eileen et Charlot à Cuba 2

Spectateurs de leur propre vie

Sous la vaste poutraison des combles du Manoir de Ban, l’immersion cubaine commence avec la projection de Nuestro Mar, sur un air de piano composé de  musiques nostalgiques à la Chaplin, et sur un fond sonore de ville et de vie cubaines. Dans la chaleur lourde et moite de la Havane, le regard de la cinéaste se fait contemplatif pour s’immiscer dans le quotidien de ses voisins. Très peu de mots prononcés, la parole est à l’image et l’ambiance à une indolence vague. « Dans une Havane culturellement riche mais économiquement misérable, ces gens sont en permanence en survie, explique-t-elle. Alors le temps qui leur reste à la maison est complètement passif et résigné. Comme s’ils n’étaient que les spectateurs apathiques de leur propre vie ». Un homme fume une cigarette sur le balcon face à la mer grise, une gamine en tutu répète ses pas, une vieille dame crochète, une autre, chanteuse du Buena Vista Social Club entre deux tournées, fredonne Dos gardenias para ti.… Le temps s’écoule au ralenti, tout en mélancolie et demi-teintes.

Puis l’installation vidéo introduit clandestinement Chaplin dans les salons décrépis et les chambres à coucher étouffantes. Ici, c’est un homme seul avec son chat qui a rendez-vous avec le vagabond solitaire et son chien. Là, un couple qui, pour rafraîchir un peu la pièce, a ouvert la porte du frigo. Malicieusement, la cinéaste a inséré une scène de neige sur l’ écran ! Plus loin, une dame repasse à côté de la télévision où Chaplin fait son cinéma. Ailleurs, il « chaplinise » devant deux rocking chairs vides qui se balancent encore.  à l’étage, en-dessus ou en-dessous, deux adolescents regardent Charlot boxeur (The Champion) pendant que le troisième tripote son portable, ou que deux soeurs jumelles au regard triste sont rivées devant The Kid comme s’il était leur cousin. Parce que Charlot n’a pas d’âge, et qu’il est de partout et de toujours.

NOTA BENE : Chaplin’s World, Corsier-sur-Vevey du 17 juillet au 17 août

Françoise Jaunin

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed