NEW YORK, NEW YORK, MAIS DEMAIN ?

Times Square
Times Square
Grand Central Terminal Carnegie Hall Flatiron Building Si j’ai su te plaire, c’est à la terre entière que je plairai », chantait Mireille Mathieu, dans la version française de l’hymne newyorkais popularisé par Liza Minnelli. C’était en 1977, deux ans avant le cultissime Wall des Pink Floyd : l’Amérique d’alors n’était pas qu’un pays. Elle était un continent. Le continent du rêve et de l’autonomie – des grands espaces et de l’immensité. À commencer par celle des gratte-ciels, qu’on venait contempler des quatre coins de la planète, de la tête aux pieds. En substance, le monde de demain se situait de l’autre côté de l’Atlantique, et s’incarnait en la figure de Miss Liberty, flamme brandie. Les temps ont bien changé. Pour le touriste moyen, l’arrivée aux États-Unis s’accompagne d’angoisse : au guichet d’immigration, tout impair se révélerait irréversible. Quant au poème d’Emma Lazarus, gravé sur le socle de la Statue de la Liberté, « Donnez-moi vos pauvres, vos exténués / Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres, / Le rebut de vos rivages surpeuplés, / Envoyez-moi ces déshérités rejetés par la tempête / De ma lumière, j’éclaire la porte d’or » ! Il n’est plus d’actualité. Depuis les dernières élections, on parle moins de cette porte ouverte aux rivages surpeuplés que de murs, ou d’expulsions. Pourtant, Donald Trump fut le roi de New York, et sa Tower éponyme, devenue un passage obligé des cir cuits vacanciers, trône...
Grand Central Terminal
Carnegie Hall
Flatiron Building

Si j’ai su te plaire, c’est à la terre entière que je plairai », chantait Mireille Mathieu, dans la version française de l’hymne newyorkais popularisé par Liza Minnelli. C’était en 1977, deux ans avant le cultissime Wall des Pink Floyd : l’Amérique d’alors n’était pas qu’un pays. Elle était un continent. Le continent du rêve et de l’autonomie – des grands espaces et de l’immensité. À commencer par celle des gratte-ciels, qu’on venait contempler des quatre coins de la planète, de la tête aux pieds. En substance, le monde de demain se situait de l’autre côté de l’Atlantique, et s’incarnait en la figure de Miss Liberty, flamme brandie.

Les temps ont bien changé. Pour le touriste moyen, l’arrivée aux États-Unis s’accompagne d’angoisse : au guichet d’immigration, tout impair se révélerait irréversible. Quant au poème d’Emma Lazarus, gravé sur le socle de la Statue de la Liberté, « Donnez-moi vos pauvres, vos exténués / Qui en rangs serrés aspirent à vivre libres, / Le rebut de vos rivages surpeuplés, / Envoyez-moi ces déshérités rejetés par la tempête / De ma lumière, j’éclaire la porte d’or » ! Il n’est plus d’actualité. Depuis les dernières élections, on parle moins de cette porte ouverte aux rivages surpeuplés que de murs, ou d’expulsions. Pourtant, Donald Trump fut le roi de New York, et sa Tower éponyme, devenue un passage obligé des cir cuits vacanciers, trône au cœur du système. À lui seul, son lustre clinquant disqualifie-til Big Apple ?

Certes non ; mais la cité de demain s’est restreinte à celle d’aujourd’hui. Chacun se rappelle la phrase de Paul Valéry au lendemain de la Grande Guerre : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. » De fait, en élisant un populiste incontrôlable, les États-Unis ont converti leurs trésors en trésors mortels. Sans doute Gotham demeure-t-il un trésor, mais ses contradictions sautent désormais aux yeux. Au cœur de l’été, boutiques de luxe et fast-foods climatisent plus que de raison.

Le Mémorial du 11 septembre
Le MoMa
Rues de Manhattan
Rues de Manhattan
Musée Guggenheim

En voyage à New York, notre chroniqueur Arthur Dreyfus s’amuse à déconstruire les stéréotypes d’un siècle passé, pour remettre en cause l’hégémonie de la plus célèbre ville des États-Unis…

Entre les échappements brûlants et le froid polaire artificiel, le contraste saisit, autant qu’il inquiète. Les anciens quartiers pauvres (le Queens ou le Bronx), sont désormais inabordables, à tel point que seuls des millionnaires peuvent se permettre d’être propriétaires. Pour finir, l’ubérisation du quotidien atteint des sommets : le New-yorkais typique trime du matin au soir, commande ses repas sur Internet, réserve un VTC lorsqu’il doit marcher plus de cinq minutes, et ne drague que sur des applications de rencontre. C’est la tendance générale de toutes les capitales dites « modernes », mais en tant que capitale des capitales, New York paie le prix pour les autres, tel un emblème agonisant.
Bien sûr, la ville chérie de Warhol, Sinatra ou Scorsese reste splendide à bien des égards, mais à la manière d’une pyramide, d’un mausolée égyptien. Les plus beaux bâtiments sont souvent les plus âgés. Aux dernières tours à la mode, on préfère le Flatiron ou l’Empire State Building. Les joyaux du MoMA, du Guggenheim, ou du Met séduisent mieux que les pièces caricaturales exposées dans les galeries en vogue – et les écrans géants de Times Square s’avèrent moins photogéniques que les vieux escaliers de secours de Brooklyn. En un mot, New York se visite davantage comme une antiquité que comme cette « ville debout » dépeinte par Céline, qui fascina les aventuriers du XXe siècle. Le futur a pris un coup de vieux.
Il suffira, pour s’en convaincre, de s’envoler dans l’autre sens – direction Shanghai, Pékin, Hong Kong ; ou même Dubaï. Face aux tours kilométriques du golfe persique, les gratteciels new-yorkais font pâle figure… Quant à la Chine, le moindre de ses centres-villes paraît un Manhattan décuplé – horloges accélérées. Nul jugement de valeur ici, simplement le constat d’un nouvel équilibre des pôles ; pour le meilleur et pour le pire. À ce titre, la plus extraordinaire chose neuve découverte à New York fut pour moi le Mémorial du 11 Septembre, bouleversante œuvre de mémoire, mettant en scène des millions de litres d’eau rejoignant par gouttelettes un immense puits sans fond. Tout un symbole.

Arthur Dreyfus

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