Un marathon peu ordinaire

Dominique Fernandez / Artpassions
Dominique Fernandez / Artpassions
24 mars 2008 : retenez cette date. Deux cents ans plus tôt, le 24 mars 1808, naissait celle qui reste la plus grande cantatrice de tous les temps : Maria Malibran, fille du ténor espagnol qui créa le comte Almaviva dans Le Barbier de Séville de Rossini, sœur de Pauline Viardot qui créa l’Orphée de Gluck révisé par Berlioz, elle-même interprète idéale de Rossini et de Bellini, adulée du public européen, morte à vingt-huit ans après une chute de cheval, pleurée par Alfred de Musset. La diva par excellence. Mais aujourd’hui oubliée, embaumée dans une pieuse déférence. Il fallait la faire revivre, la ressusciter dans son génie et son éclat. Et c’est ce qui se produira, le 24 mars 2008, àla salle Pleyel de Paris, grâce à l’immense cantatrice qu’estla mezzo-soprano Cecilia Bartoli. La Bartoli (elle mérite cet article réservé aux plus grandes, telles la Callas, la Tebaldi…) organisera ce jour-là trois concerts - un le matin, l’autre l’après-midi (la Cenerentola de Rossini en version intégrale), le dernier en soirée - chantera les trois fois, un véritable marathon, mais ce n’est pas tout. Elle a retrouvé pour l’occasion des airs que chantait la Malibran et qui étaient tombés dans l’oubli et, surtout, elle a retrouvé le style de la Malibran. Quelque chose de moelleux, de tendre, d’effusif, aux antipodes de la virtuosité fracassante qu’on a pris l’habitude d’associer au bel canto des premières années du XIXe siècle. C’est en allant vérifier elle-même les partitions originales, en faisant ce travail de recherche que...

24 mars 2008 : retenez cette date. Deux cents ans plus tôt, le 24 mars 1808, naissait celle qui reste la plus grande cantatrice de tous les temps : Maria Malibran, fille du ténor espagnol qui créa le comte Almaviva dans Le Barbier de Séville de Rossini, sœur de Pauline Viardot qui créa l’Orphée de Gluck révisé par Berlioz, elle-même interprète idéale de Rossini et de Bellini, adulée du public européen, morte à vingt-huit ans après une chute de cheval, pleurée par Alfred de Musset. La diva par excellence. Mais aujourd’hui oubliée, embaumée dans une pieuse déférence. Il fallait la faire revivre, la ressusciter dans son génie et son éclat. Et c’est ce qui se produira, le 24 mars 2008, àla salle Pleyel de Paris, grâce à l’immense cantatrice qu’estla mezzo-soprano Cecilia Bartoli.

La Bartoli (elle mérite cet article réservé aux plus grandes, telles la Callas, la Tebaldi…) organisera ce jour-là trois concerts – un le matin, l’autre l’après-midi (la Cenerentola de Rossini en version intégrale), le dernier en soirée – chantera les trois fois, un véritable marathon, mais ce n’est pas tout. Elle a retrouvé pour l’occasion des airs que chantait la Malibran et qui étaient tombés dans l’oubli et, surtout, elle a retrouvé le style de la Malibran. Quelque chose de moelleux, de tendre, d’effusif, aux antipodes de la virtuosité fracassante qu’on a pris l’habitude d’associer au bel canto des premières années du XIXe siècle. C’est en allant vérifier elle-même les partitions originales, en faisant ce travail de recherche que la plupart des stars dédaignent, préférant se cantonner dans de paresseux tubes, que la Bartoli a découvert l’essence du romantisme musical, un impressionnisme fait de coloris nuancés, à la Renoir, à la Monet.

Autre idée follement amusante : se faire suivre dans ses tournées par un énorme camion noir où elle expose des pièces de son musée privé : des lettres autographes de et à la Malibran, des portraits, des affiches d’époque, etc. Dans toutes ces entreprises, un manque complet de prétentions, une simplicité et une spontanéité plus que sympathiques. C’est qu’elle est elle-même une pure Italienne, une Romaine, une solaire proche de la vie, une jeune femme chaleureuse, qui a appris la cuisine avec sa grand-mère de Parme comme elle a appris le chant avec ses parents, tous les deux solistes d’opéra. Quel naturel, quelle grâce chez celle qui converse avec vous simplement, rit, s’enflamme pour une gloire du passé, comme si elle n’était pas elle-même une des plus belles voix du monde, qu’on invite à la Scala, à Berlin, à Paris, à New York, qui se produit très souvent à Zurich (où elle va recréer un opéra de Jacques Halévy écrit pour la Malibran en 1828, Clari). Si vous doutez encore de son talent, procurez-vous le sublime disque Decca « Maria Cecilia Bartoli » où Cecilia chante les airs que chantait Maria, avec la même ferveur, dans le culte de la même beauté. Un moment de bonheur absolu.

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