22-09-2014 : Valentin Benoît

Benoît Dauvergne
Benoît Dauvergne
Valentin Benoît La Biennale 2014 est finie, ce jardin magnifiquement couvert et magnifiquement fleuri a fermé, ce paradis de l’amateur et du collectionneur, à la gloire de l’artiste et de l’artisan, disparaît. J’en suis sorti une dernière fois la tête pleine d’objets fous, sujets de futures rêveries, comme ce demi-masque chinois de style « ressei », orné de poils jaunes et d’épais plis d’expression métalliques, que j’ai pu admirer sur le stand de la galerie Jean-Christophe Charbonnier. Comment l’oublier, ce rictus, cette demi-face venue de si loin ? Monde cosmopolite, drôle de faune, drôle de flore. Quel bestiaire chez Gisèle Croës ! Au centre, on y voyait un grand cheval rebondi qui avançait, en bronze (superbe patine, on aurait dit un Monet), lointain cousin de ceux de Saint-Marc ; dans les vitrines, un sanglier sympathique, des tortues en bronze ou en pierre aux carapaces élégamment ciselées de spirales ou d’hexagones, et un petit oiseau se nettoyant, tournant la tête, fouillant ses ailes de son bec. Comme j’aurais aimé que cette troupe me suivît en file, gaiement, sur les Champs-Élysées, et m’accompagnât en bruitant jusqu’à chez moi. J’ai contemplé chez Mermoz de beaux objets particulièrement fascinants. Qu’auriez-vous dit de cette figurine mexicaine potelée, « baby face » comme il était écrit sur le cartel, en terre cuite brun-orange, qui portait sa main simiesque à sa bouche, vous regardait franchement entre ses yeux bridés et semblait prête à parler ou à crier ? Je me tournai vers la gauche, attiré par moins d’évidence. Qu’est ceci,...
Valentin Benoît
Valentin Benoît

La Biennale 2014 est finie, ce jardin magnifiquement couvert et magnifiquement fleuri a fermé, ce paradis de l’amateur et du collectionneur, à la gloire de l’artiste et de l’artisan, disparaît. J’en suis sorti une dernière fois la tête pleine d’objets fous, sujets de futures rêveries, comme ce demi-masque chinois de style « ressei », orné de poils jaunes et d’épais plis d’expression métalliques, que j’ai pu admirer sur le stand de la galerie Jean-Christophe Charbonnier. Comment l’oublier, ce rictus, cette demi-face venue de si loin ? Monde cosmopolite, drôle de faune, drôle de flore. Quel bestiaire chez Gisèle Croës ! Au centre, on y voyait un grand cheval rebondi qui avançait, en bronze (superbe patine, on aurait dit un Monet), lointain cousin de ceux de Saint-Marc ; dans les vitrines, un sanglier sympathique, des tortues en bronze ou en pierre aux carapaces élégamment ciselées de spirales ou d’hexagones, et un petit oiseau se nettoyant, tournant la tête, fouillant ses ailes de son bec. Comme j’aurais aimé que cette troupe me suivît en file, gaiement, sur les Champs-Élysées, et m’accompagnât en bruitant jusqu’à chez moi. J’ai contemplé chez Mermoz de beaux objets particulièrement fascinants. Qu’auriez-vous dit de cette figurine mexicaine potelée, « baby face » comme il était écrit sur le cartel, en terre cuite brun-orange, qui portait sa main simiesque à sa bouche, vous regardait franchement entre ses yeux bridés et semblait prête à parler ou à crier ? Je me tournai vers la gauche, attiré par moins d’évidence. Qu’est ceci, cette excroissance fumeuse et pétrifiée, cette floraison, silex sur silex, ce corail des laves, cette fine sculpture où l’on voit d’abord des flammes, des tentacules, des branches…, puis (aidé par le cartel) un oiseau, un nez, des têtes ? C’était un sceptre cérémoniel mexicain, appelé justement Excentrique, représentant un souverain aux attributs du dieu Kawil. Si j’étais Puccini ou Britten, me suis-je dit en quittant ce stand, j’écrirais un opéra où faire figurer, brandir ! un tel objet. Il n’y aurait pas plus bel écrin, etc. Je me dirigeais vers la sortie. Je laissais à ma gauche le stand si raffiné, entêtant, de la galerie Steinitz (des rideaux gris faits dans un tissu cassant, de délicates boiseries brunes, des bustes antiques…, deux pièces, deux véritables period rooms). Avant de sortir, encore un tour sur le stand de la galerie Kraemer, l’un des plus originaux et sans doute le plus signifiant de tous. On y voyait des « twins », soit, rappelant Joseph Kosuth, l’objet en vente accompagné d’une photo, en noir et blanc, d’un objet similaire conservé dans une institution. Ainsi, d’Oeben, un secrétaire en marqueterie, twin au Musée du Louvre ; de Cressent, une commode en marqueterie ornée de bronzes ciselés et dorés, twins au Residenz Museum à Munich et au Victoria and Albert Museum à Londres ; ou encore, de Riesener, une commode en marqueterie ornée de bronzes ciselés, ajourés et dorés, twins au Detroit Institute of Arts et au Petit-Trianon. Cette mise en scène symbolisait à elle seule la qualité des objets présentés à la Biennale (« muséale », c’est le grand mot). Mais ce n’est pas tout, car ces meubles au raffinement extrême étaient présentés dans de petits containers ouverts, rouge et blanc, comme déposés là dix minutes auparavant et prêts à être réexpédiés. Allant à l’encontre du choix habituel des exposants (créer un stand semblant le plus pérenne possible, pour rassurer, pour souligner l’intemporalité de l’art, « luxe, calme et volupté »), ce parti pris, que l’on peut rapprocher d’ailleurs de celui de la galerie Chenel, rappelait subtilement et plaisamment que les plus belles choses circulent, qu’un collectionneur n’est pas un conservateur, et que collectionnisme et jeunesse s’allient à merveille. Entendu que la jeunesse n’est pas une période de la vie mais une manière de vivre.

 

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