DAVID LE NORMAND

Benoît Dauvergne
Benoît Dauvergne
Au moment où j’écris ces lignes, confiné, en France, j’ignore si l’indispensable isolement généralisé, si le ralentissement salvateur de la société aura pris fin, un peu partout, lorsqu’elles seront imprimées ou lues. Je veux y croire! et je fêterai la chose en allant visiter à nouveau, le matin du premier jour des réouvertures, la réconfortante et réjouissante exposition que je veux évoquer ici, – il y a une semaine j’y ai couru. J-1 : demain, Paris sera reconfiné, chacun cherche quelque fraîcheur à emporter dans sa thébaïde, derniers verres, CD, livres, couleurs… Il pleut une petite pluie agaçante rue de Téhéran, mais on y trouve la Galerie Lelong & Co., où le subtil David Hockney – si subtil que certains ne voient dans son œuvre que jeu d’enfant – présente ses dernières toiles: ma piqûre de gaieté. Intitulée Ma Normandie, l’exposition nous plonge dans la petite propriété récemment achetée par le peintre anglais non loin de Dives-surMer – où en 1066 avait appareillé Guillaume le Conquérant –, en terres poussiniennes donc, et flaubertiennes, et proustiennes. Pourquoi s’être installé ici et s’être éloigné de Los Angeles? Pour travailler. David Hockney vit là dans le motif, au milieu d’un univers plus éloquemment changeant, d’une valse des saisons plus contrastée, plus entraînante qu’au bord du Pacifique; car la grande affaire des plus grands peintres n’est-ce pas toujours le temps, traduit en instants décisifs aussi bien qu’en rides épaisses et plus ou moins rieuses, en éclats, en objets parfaitement immobiles, en lumière d’aube brumeuse,...

Au moment où j’écris ces lignes, confiné, en France, j’ignore si l’indispensable isolement généralisé, si le ralentissement salvateur de la société aura pris fin, un peu partout, lorsqu’elles seront imprimées ou lues. Je veux y croire! et je fêterai la chose en allant visiter à nouveau, le matin du premier jour des réouvertures, la réconfortante et réjouissante exposition que je veux évoquer ici, – il y a une semaine j’y ai couru. J-1 : demain, Paris sera reconfiné, chacun cherche quelque fraîcheur à emporter dans sa thébaïde, derniers verres, CD, livres, couleurs… Il pleut une petite pluie agaçante
rue de Téhéran, mais on y trouve la Galerie Lelong & Co., où le subtil David Hockney – si subtil que certains ne voient dans son œuvre que jeu d’enfant – présente ses dernières toiles: ma piqûre de gaieté. Intitulée Ma Normandie, l’exposition nous plonge dans la petite propriété récemment achetée par le peintre anglais non loin de Dives-surMer – où en 1066 avait appareillé Guillaume le Conquérant –, en terres poussiniennes donc, et flaubertiennes, et proustiennes. Pourquoi s’être installé ici et s’être éloigné de Los Angeles? Pour travailler. David Hockney vit là dans le motif, au milieu d’un univers plus éloquemment changeant, d’une valse des saisons plus contrastée, plus entraînante qu’au bord du Pacifique; car la grande affaire des plus grands peintres n’est-ce pas toujours le temps, traduit en instants décisifs aussi bien qu’en rides épaisses et plus ou moins rieuses,
en éclats, en objets parfaitement immobiles, en lumière d’aube brumeuse, d’automne, ou en feuilles naissantes tout tendres… Voilà à quoi je pensais devant les arbres de David Hockney exposés rue de Téhéran, poirier, pommier ou cognassier, dont
les fruits illuminent comme des ampoules (arbres des songes!); et aussi devant ce chemin froid, autrement dit : violet, qui s’avance et s’estompe au premier plan du tableau Trees With Less Mist.

Le village le plus proche, c’est Beuvron-en-Auge; l’artiste y a ses habitudes, en particulier au Café Forges situé sur cette pittoresque place Michel Vermughen – colombages à gogo – que je vois représentée ici, sur une autre cimaise, sur deux toiles accolées : on est happé, les anciennes halles, au centre, semblent chez Hockney dotées d’un fronton autour de quoi tournent des lignes comme sur une piste d’athlétisme, le tout constituant une
sorte de Globe Theatre normand, plus rouge (et quels rouges…) que brun. Piqûre de gaieté, aije dit; mais encore leçon d’optimisme, de la part de l’inoubliable décorateur de La Flûte enchantée et de The Rake’s Progress: il se pourrait que le monde alentour soit le plus beau des théâtres, et le plus beau des spectacles. Ainsi cette pluie qui tout à l’heure m’embêtait, et que je devine toujours, plus timide, au-delà des fenêtres ouvertes – mesures sanitaires obligent – de la galerie, cet autre tableau d’Hockney me presse d’y voir tout
ce qu’elle contient de debussyiste, tout ce qu’elle crée de beau: Some Smaller Splasches.

Pour patienter, pour en savoir plus sur cette exposition dont la seconde partie est montrée dans les locaux de la galerie situées avenue Matignon et dont on apprend qu’elle est d’ores et déjà prolongée jusqu’en février prochain; pour en savoir davantage sur ces images intensément construites dont certaines sont nées durant le premier confinement
français, au printemps 2020, pour savoir pourquoi l’allusion à Guillaume le Conquérant s’imposait particulièrement ci-dessus – et pour voir aussi Hockney réfléchir aux côtés de son chien –, on se procurera le joli catalogue de l’exposition, ainsi que l’ouvrage David Hockney en Pays d’Auge dû à Jean Frémon (qui dirige la galerie) et publié par les
éditions L’Échoppe, précieuses pourvoyeuses dans le monde de l’art de textes lapidaires et sensibles; et, entre autres passages que je relève dans ce petit livre à la belle couverture mimosa, parmi les paroles rapportées du maître facétieux, il y a ceci: «Ils disent que la peinture est morte, mais peindre durera aussi longtemps que chanter et danser. Et les gens
vont toujours chanter et danser, même en temps de guerre ou pendant les pires moments.»

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed