Splendeur Du Yemen

Dominique Fernandez / Artpassions
Dominique Fernandez / Artpassions
Sanaa, dans la montagne, à deux mille cinq cents mètres d’altitude, passe pour la plus vieille ville du monde, et c’est en tout cas l’une des plus belles. Cette affirmation pourra surprendre, tant l’idée qu’on se fait de ce pays est faussée par le préjugé politique. En réalité, il n’y a pas de peuple plus accueillant, plus hospitalier que les habitants de Sanaa. Comme le tourisme est quasiment inexistant, ils ne sont pas corrompus, ne vous demandent rien, vous invitent à entrer dans leur maison pour le simple plaisir de la montrer à des étrangers. Et quelles maisons ! Imaginez des tours de pisé, hautes, carrées, décorées de motifs géométriques. Je n’ai pu me rendre à Dhamar (on doit prendre l’avion, la circulation à l’intérieur du pays étant interdite), surnommée, à cause de ses tours, la « Manhattan du désert ». C’est là que Pasolini a tourné Les Mille et une nuits. À Sanaa on se promène en toute sécurité, au pied de ces tours superbes qui contrastent avec le dédale des ruelles restées intactes depuis le Moyen Âge. Les plus beaux minarets du monde dressent leur silhouette élancée sur les coupoles des mosquées. Flâner dans les souks est une plongée inoubliable dans un monde de couleurs et de parfums oubliés, un dédale magique, un labyrinthe enchanté. Les hommes sont d’une beauté extraordinaire, minces, jeunes, élégants, ils semblent jaillir d’une humanité primitive préservée des miasmes de la civilisation moderne. Quant aux femmes, on ne sait pas, puisqu’elles sont voilées complètement de noir, ne...

Sanaa, dans la montagne, à deux mille cinq cents mètres d’altitude, passe pour la plus vieille ville du monde, et c’est en tout cas l’une des plus belles. Cette affirmation pourra surprendre, tant l’idée qu’on se fait de ce pays est faussée par le préjugé politique. En réalité, il n’y a pas de peuple plus accueillant, plus hospitalier que les habitants de Sanaa. Comme le tourisme est quasiment inexistant, ils ne sont pas corrompus, ne vous demandent rien, vous invitent à entrer dans leur maison pour le simple plaisir de la montrer à des étrangers. Et quelles maisons ! Imaginez des tours de pisé, hautes, carrées, décorées de motifs géométriques. Je n’ai pu me rendre à Dhamar (on doit prendre l’avion, la circulation à l’intérieur du pays étant interdite), surnommée, à cause de ses tours, la « Manhattan du désert ». C’est là que Pasolini a tourné Les Mille et une nuits. À Sanaa on se promène en toute sécurité, au pied de ces tours superbes qui contrastent avec le dédale des ruelles restées intactes depuis le Moyen Âge. Les plus beaux minarets du monde dressent leur silhouette élancée sur les coupoles des mosquées. Flâner dans les souks est une plongée inoubliable dans un monde de couleurs et de parfums oubliés, un dédale magique, un labyrinthe enchanté.

Les hommes sont d’une beauté extraordinaire, minces, jeunes, élégants, ils semblent jaillir d’une humanité primitive préservée des miasmes de la civilisation moderne. Quant aux femmes, on ne sait pas, puisqu’elles sont voilées complètement de noir, ne laissant voir que leurs yeux. Des yeux brillants, curieux, qui vous dévisagent de haut en bas. Ne commettez pas l’erreur de croire que, parce qu’elles sont voilées, elles sont exclues de la vie sociale. Elles occupent, à côté des hommes, des postes de haute responsabilité. J’ai rencontré des conservatrices de musée, des restauratrices, des enseignantes. Cela dit, la prédominance masculine se constate, par exemple, dans le fait que, au dernier étage de chaque maison, avec une vue merveilleuse sur la ville, existe un « salon des hommes », où ceux-ci se réunissent pour causer, fumer, boire du café (un des meilleurs du monde). Mais cette habitude, de se réunir entre hommes, assis sur des coussins ou des canapés, est commune, au fond, à tout le bassin méditerranéen. Les « cercles de conversation », en Sicile, remplissent la même fonction que les « salons des hommes ».

Les souvenirs historiques et littéraires ne manquent pas, au Yemen. On se souvient que Marib, au centre du pays, était la capitale de la légendaire reine de Saba. Joseph Kessel, Romain Gary ont cheminé dans le désert. Et à Aden, bien sûr, le port sur la mer Rouge, on part sur les traces de Rimbaud, sans réussir à savoir si la maison dans les murs de laquelle on a trouvé des grains de café incrustés était vraiment la sienne. Simple présomption, étant donné qu’il faisait le commerce de cette marchandise. La maison est devenue un hôtel, qui ne paye pas de mine, malgré l’inscription arborée fièrement : « Rainbow Hotel ».

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