L’ART DE LIRE

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TADAO ANDO: UNE ARCHITECTURE POUR LE CORPS ET L’ESPRIT « J’aimerais, si cela m’est possible, réaliser des édifices qui dureront toujours, pas du point de vue matériel ou stylistique, mais qui resteront gravés dans le cœur des hommes. Pour m’approcher au plus près de cet idéal, je pousse à l’extrême la quête d’épuration dans mes réalisations, qui pourraient finir par ressembler à des toiles vides. Et si ce “vide” parvenait à attirer la lumière et le vent, l’espace ainsi créé en serait animé ». C’est en ces termes mystiques et humbles tout à la fois que le grand architecte japonais Tadao Ando (voir également page 57) décrit son travail et ses interventions minimalistes réalisées aux quatre coins du monde. Accompagnant la rétrospective qui lui est consacrée cet hiver au Centre Pompidou, l’ambitieuse monographie publiée aux éditions Flammarion fourmille de rares documents d’archives (photographies noir et blanc, maquettes, carnets de voyage, dessins au crayon…) qui éclairent de façon inédite la démarche si singulière de l’artiste. Car ce disciple nippon de Le Corbusier a hissé l’usage du béton et l’emploi du vide au rang d’œuvres d’art. Imprégnées de traditions shintoïstes, ses architectures minimalistes offrent ainsi une synthèse parfaite entre l’Occident et l’Extrême-Orient, et tissent un dialogue harmonieux entre l’eau, l’air et la lumière. Sous la plume de Philip Jodidio, les éditions Taschen offrent, à leur tour, un grandiose panorama de sa carrière, depuis ses débuts en 1975, jusqu’à ses plus récentes réalisations, tels le Poly Theater de Shanghai ou le Clark Art...

TADAO ANDO: UNE ARCHITECTURE POUR LE CORPS ET L’ESPRIT

« J’aimerais, si cela m’est possible, réaliser des édifices qui dureront toujours, pas du point de vue matériel ou stylistique, mais qui resteront gravés dans le cœur des hommes. Pour m’approcher au plus près de cet idéal, je pousse à l’extrême la quête d’épuration dans mes réalisations, qui pourraient finir par ressembler à des toiles vides. Et si ce “vide” parvenait à attirer la lumière et le vent, l’espace ainsi créé en serait animé ». C’est en ces termes mystiques et humbles tout à la fois que le grand architecte japonais Tadao Ando (voir également page 57) décrit son travail et ses interventions minimalistes réalisées aux quatre coins du monde. Accompagnant la rétrospective qui lui est consacrée cet hiver au Centre Pompidou, l’ambitieuse monographie publiée aux éditions Flammarion fourmille de rares documents d’archives (photographies noir et blanc, maquettes, carnets de voyage, dessins au crayon…) qui éclairent de façon inédite la démarche si singulière de l’artiste. Car ce disciple nippon de Le Corbusier a hissé l’usage du béton et l’emploi du vide au rang d’œuvres d’art. Imprégnées de traditions shintoïstes, ses architectures minimalistes offrent ainsi une synthèse parfaite entre l’Occident et

l’Extrême-Orient, et tissent un dialogue harmonieux entre l’eau, l’air et la lumière. Sous la plume de Philip Jodidio, les éditions Taschen offrent, à leur tour, un grandiose panorama de sa carrière, depuis ses débuts en 1975, jusqu’à ses plus récentes réalisations, tels le Poly Theater de Shanghai ou le Clark Art Institute de Williamstown, dans le Massachussetts. Les plus fortunés pourront s’offrir une édition d’art limitée à cent exemplaires signée par Tadao Ando en personne et comprenant un dessin original de la main du maître… Tadao Ando. Le défi, sous la direction de Frédéric Migayrou, coédition Flammarion / Centre Pompidou, 24 x 28 cm, 256 pages, 400 illustrations. Ando. L’œuvre complet de 1975 à nos jours, par Philip Jodidio, Taschen, relié, 30,8 x 39 cm, 740 pages.

UNE PRINCESSE HAUTE COUTURE SIGNÉE CHRISTIAN LACROIX

« La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat, que dans les dernières années du règne d’Henri second ».Tel est le début flamboyant du célèbre roman de Madame de Lafayette que tout esprit éclairé se devrait de connaître par cœur ! Les éditions Gallimard ont eu l’heureuse idée de demander au designer, scénographe et décorateur Christian Lacroix de s’emparer de La Princesse de Clèves pour l’illustrer de ses dessins au graphisme échevelé

et de ses peintures au chromatisme éclatant. Le lecteur se délecte ainsi de cet élégant compagnonnage entre l’image et l’écrit et redécouvre avec ravissement les atermoiements de l’âme et des sentiments de ces héros qui sont, à bien des égards, si proches des nôtres. Dans ces silhouettes baroques drapées de rose tyrien, de vert émeraude ou de noir moiré, on reconnaît aussi la patte de ce grand créateur qui dessine désormais des costumes et des décors pour les opéras et les théâtres du monde entier. Un enchantement… La Princesse de Clèves illustrée par Christian Lacroix, Gallimard, collection Blanche, grand format illustré, 25 x 35,2 cm, 208 pages, 58 illustrations.

LE SACRE DU ROI BASQUIAT

LE SACRE DU ROI BASQUIAT

À ceux qui lui demandaient de résumer son œuvre, Jean-Michel Basquiat répondait avec une pointe d’insolence : « la royauté, l’héroïsme et la rue. » Car ce dandy au pinceau électrique avait, comme son comparse Andy Warhol, un sens aigu de la formule et de la posture. Prolongeant admirablement la grande rétrospective de la Fondation Louis Vuitton, la monographie en format XXL que publient les éditions Taschen offre une proximité saisissante avec l’univers intime et graphique de cet artiste écorché vif au talent ravageur. Retracée année après année à travers des séquences illustrées de portraits et de citations, la carrière tumultueuse et prolifique de Basquiat se déroule littéralement sous les yeux du lecteur et se révèle dans sa brûlante crudité. Au fil des pages, l’œil vagabonde ainsi de tags en graffitis, de croquis nerveux en compositions lyriques, de vues du New York underground en photographies intimes de l’atelier. Pour tous les afficionados de Basquiat, ce livre est une inépuisable malle aux trésors. C’est aussi et surtout un ex-voto à la gloire de l’un des plus grands artistes de notre temps.

Jean Michel Basquiat
Jean-Michel Basquiat, par Hans Werner Holzwarth et Eleanor Nairne, Taschen, relié, 29 x 39,5 cm, 500 pages.

IL ÉTAIT UNE FOIS LES CARTES À JOUER…

C’est incontestablement l’un des livres d’art les plus inattendus et les plus réjouissants de cette fin d’année ! Coédité par la Bibliothèque nationale de France et les éditions Gallimard, cet ouvrage richement illustré plonge le lecteur dans l’univers ludique, graphique et coloré de la carte à jouer, depuis ses origines, en Chine, au XIIe siècle, jusqu’en Europe au XXe siècle où ce petit morceau de carton rectangulaire est devenu le terrain de jeu des artistes les plus avant-gardistes, de Sonia Delaunay à Salvador Dali, en passant par Jean Dubuffet. Car la carte à jouer a bel et bien envahi tous les univers et toutes les époques ! « Aux terrasses des cafés, sous les tentes

La fabuleuse histoire de la carte à jouer, Le monde en miniature, ouvrage collectif sous la direction de Jude Talbot, coédition Gallimard/BNF Editions, 19,5 x 28,5 cm, 256 pages, 350 illustrations.

militaires, sur le feutre vert des casinos et dans les trains, des cartes à jouer. Sous le pinceau des peintres classiques, sur les collages des peintres cubistes, sur les écrans de cinéma ou dans les pages d’Alice au pays des merveilles, des cartes à jouer », énumère ainsi Jude Talbot, qui a dirigé ce savoureux traité. Au fil des pages et des illustrations, on voit ainsi voyager sous nos yeux éblouis de somptueux tarots enluminés, des jeux révolutionnaires français, de précieuses cartes de l’Inde moghole (ganjifa), des cartes rondes allemandes, des jeux divinatoires japonais (hanafuda), mais aussi des jeux de cartes galants, des jeux de sept familles, des cartes de propagande, et même des cartes ornées de stars de cinéma ou de pin up américaines ! À l’heure des jeux numériques et virtuels, ces morceaux de mémoire distillent un irrésistible parfum d’enfance et de nostalgie…

Les Triomphes de Petrarque

POUR LES BEAUX YEUX DE LAURE…

Il est des livres rares qui sont le fruit de rencontres poétiques et improbables comme celle de ce face-à-face entre l’éditrice Diane de Selliers et ce vitrail de l’église Saint-Pierre-ès-Liens à Ervy-Le-Châtel, dans l’Aube, dont les scènes ardentes et lumineuses illustrent Les Triomphes de Pétrarque. De ce hasard heureux est né le dernier opus de cette maison d’édition qui aime marier les grands textes de la littérature avec une iconographie d’exception. Servi par la traduction inspirée et sensible de l’universitaire Jean-Yves Masson, ce long poème initiatique (qui décrit, d’une façon extraordinairement contemporaine, les affres et les tourments d’une âme écartelée entre amour physique et amour sublimé) revit ainsi sous nos yeux éblouis à travers les correspondances visuelles tissées entre les vers de ce grand humaniste du XIVe siècle et les vitraux des églises de l’Aube du XVIe siècle. Hélas, bien des mystères nimbent encore la personnalité de Laure, la bien-aimée pleurée par le poète, comme bien des symboles iconographiques échappent désormais aux hommes du XXIe siècle que nous sommes. Il faut alors convoquer l’érudition conjuguée de Paule Amblard, historienne de l’art, et de Flavie Vincent-Petit, spécialiste du vitrail français et restauratrice, pour goûter pleinement la subtilité de ce langage de la lumière et de la spiritualité. Une campagne photographique inédite réalisée à l’aide de drones a parachevé cette entreprise éditoriale d’une ambition folle. Il en résulte ce livre somptueux, scandé de scènes tantôt réalistes, tantôt oniriques, telles cette Création du monde ou ces visions célestes flirtant avec l’abstraction…

illustrés par le vitrail de l’Aube
illustrés par le vitrail de l’Aube

Les Triomphes de Pétrarque illustrés par le vitrail de l’Aube au XVIe siècle, texte intégral, version bilingue, traduction et notes de Jean-Yves Masson, commentaires iconographiques de Paula Amblard, commentaires techniques et glossaire de Flavie Vincent-Petit, photographies de Christophe Deschanel, éditions Diane de Selliers, 24,5 x 33 cm, un volume sous coffret, 336 pages.

LE CABINET DES MERVEILLES DE L ART BRUT

LE CABINET DES MERVEILLES DE L’ART BRUT

« Il se pourrait que la création, avec tout ce qu’elle réclame de libre invention, se manifeste à plus haute tension dans la foule anonyme des gens du commun que dans les milieux qui prétendent en détenir le monopole. Il se pourrait même qu’on y trouve là – peut-être parce qu’elle s’y exerce sans aucun souci d’applaudissements ou de profit, et pour le seul plaisir gratuit – dans son état sain et florissant et que l’activité des professionnels, proclamée à si grand tapage, n’en soit qu’une version spécieuse, sinon souvent affaiblie et falsifiée. Ce serait alors l’art culturel qui mériterait le nom de marginal ». C’est bien à Jean Dubuffet qu’il faut attribuer l’invention de « l’art brut » et cette croisade pour la réhabilitation de l’art des outsiders et des laissés pour compte, psychiques ou sociaux. Mais en découvrant l’iconographie foisonnante rassemblée par Martine Lusardy pour l’ouvrage qu’elle a dirigé aux éditions Citadelles & Mazenod, le lecteur chavire et s’aperçoit vite que l’art brut ne saurait être résumé aux seules créations nées dans les asiles psychiatriques ou les ateliers médiumniques. Proposant une lecture transversale au-delà des cultures et des époques (de l’Europe aux Etats-Unis, en passant par le Japon), cette somme vertigineuse décloisonne ainsi les savoirs et les regards pour mieux appréhender l’étrange planète de ces hommes et de ces femmes qui vécurent l’expérience artistique non comme une posture, mais comme un dialogue avec le plus intime de leur âme. Invité à découvrir ou reconnaître les grands noms de l’art brut (Aloïse, Wöfli, Darger, Walla, Zinelli, Traylor, Séraphine de Senlis…), le lecteur oublie alors tous ses repères académiques pour se perdre dans les méandres labyrinthiques de ces œuvres instinctives et pulsionnelles, nées en dehors des circuits traditionnels. Soit une expérience tant physique qu’esthétique délivrée par ce magnifique livre aux allures d’initiation. « Magique » !, aurait proclamé André Breton, cet autre apôtre et collectionneur de l’art brut… L’art brut, sous la direction de Martine Lusardy, préface de Michel Thévoz, Citadelles & Mazenod, 608 pages, 650 illustrations couleurs, 24,5 x 31 cm.

Bérénice Geoffroy-Schneiter

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