DIOR DE SURPRISE EN SURPRISE

Dior
[vc_row][vc_column][vc_column_text] Tout commence dans le noir, avec une touche de rouge, celle d’une robe d’après-midi de 1947 : l’exposition consacrée à la maison Dior qui se tient jusqu’en janvier 2018 au musée des Arts décoratifs s’ouvre, comme il se doit, sur l’une des premières pièces sorties des fameux salons, et des célèbres ateliers, du 30, avenue Montaigne. Voici donc à portée de la main l’un des modèles de la prodigue ligne Corolle (petites épaules, petits seins, petite taille, sur une jupe épanouissante) qui fit dire à Carmel Snow, alors rédactrice en chef du Harper's Bazaar : « Dear Christian, your dresses have such a new look ! ». La terrifiante, triste et parcimonieuse guerre était complètement enterrée, en principe. Huit ans plus tard – le grand conflit entre l’Est et l’Ouest s’était justement amorcé en 1947 –, invité à s’exprimer en Sorbonne, en robes et en paroles, Monsieur Dior déclara en homme à la fois pratique et idéaliste : « Notre mot d’ordre est maintenir : maintenir des traditions de qualité, des traditions qui ne correspondent pas toujours, c’est certain, à l’état actuel de notre monde, aux moyens dont chacun dispose, mais les maintenir malgré tout, chercher à leur trouver une place, à les intégrer dans le réseau des techniques modernes. Pourquoi faisons-nous cela ? Pour transmettre cette tradition aux générations qui suivront ; parce que nous devons réserver l’avenir, parce que nous ne savons pas du tout si dans vingt ans, trente ans, cinquante ans, grâce à un courant...

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Tout commence dans le noir, avec une touche de rouge, celle d’une robe d’après-midi de 1947 : l’exposition consacrée à la maison Dior qui se tient jusqu’en janvier 2018 au musée des Arts décoratifs s’ouvre, comme il se doit, sur l’une des premières pièces sorties des fameux salons, et des célèbres ateliers, du 30, avenue Montaigne. Voici donc à portée de la main l’un des modèles de la prodigue ligne Corolle (petites épaules, petits seins, petite taille, sur une jupe épanouissante) qui fit dire à Carmel Snow, alors rédactrice en chef du Harper’s Bazaar : « Dear Christian, your dresses have such a new look ! ». La terrifiante, triste et parcimonieuse guerre était complètement enterrée, en principe. Huit ans plus tard – le grand conflit entre l’Est et l’Ouest s’était justement amorcé en 1947 –, invité à s’exprimer en Sorbonne, en robes et en paroles, Monsieur Dior déclara en homme à la fois pratique et idéaliste : « Notre mot d’ordre est maintenir : maintenir des traditions de qualité, des traditions qui ne correspondent pas toujours, c’est certain, à l’état actuel de notre monde, aux moyens dont chacun dispose, mais les maintenir malgré tout, chercher à leur trouver une place, à les intégrer dans le réseau des techniques modernes. Pourquoi faisons-nous cela ? Pour transmettre cette tradition aux générations qui suivront ; parce que nous devons réserver l’avenir, parce que nous ne savons pas du tout si dans vingt ans, trente ans, cinquante ans, grâce à un courant enfin établi de la distribution des richesses, grâce à un temps de paix succédant à la guerre froide, ne s’ouvrira pas une période de luxe et de raffinement. Nous refusons d’admettre un déclin. Sommes-nous optimistes ? chimériques ? utopiques ? Peut-être. Nous sommes heureux de l’être. »

DiorDiorLe propos serait-il si différent aujourd’hui ? Cette leçon du couturier, qui mourut d’une crise cardiaque le 24 octobre 1957 : perpétuer et perfectionner pour l’aspiration et l’inspiration, n’est-elle pas contenue dans le sous-titre de cette exposition : couturier du rêve ? Son développement est en même temps chronologique et thématique, mais aussi rétrospectif et prospectif. Il ne s’agit pas tant d’observer quelques belles inventions de l’histoire, à l’arrêt, que de suivre et même de sauter dans un fabuleux train en marche, qui s’allonge. Cette effigie du grand homme, suspendue dans la deuxième salle, vous impressionne. Approchez-vous, la touche se vivifie, elle s’actualise, c’est un tableau de Yan Pei -Ming de 2010-2011. Sur les sombres cimaises qui lui font face, une chronologie ponctuée d’écrans s’anime lentement mais irrésistiblement, comme les grosses et belles roues d’une vénérable locomotive. En voiture ! mais quel serait le charbon de cette aventure créative qui ne finit pas ? La culture, au sens le plus noble du mot, car – c’est ce que nous découvrons dans la salle suivante – Christian Dior, né le 21 janvier 1905, tint d’abord une galerie où étaient présentées des œuvres de Picasso, de Man Ray, de Dalì, de Leonor Fini… Plus loin, nous admirons certaines des plus exquises photographies mettant en scène des tenues conçues par notre couturier, tel Cirque d’Hiver de Richard Avedon, de 1955. Surprise ! La robe du soir portée jadis entre deux éléphants apparaît derrière vous quand, sur une paroi translucide, s’estompe puis disparaît la projection de cette image devenue légendaire. Le train devient celui d’un grand cirque, d’une grande troupe. Un Arlequin de Derain lorgne un manteau losangé rouge et noir de… 1995. La linéarité vole en éclats, les créations du créateur de la maison voisineront ici avec celles de ses six successeurs : Yves Saint Laurent, Marc Bohan, Gianfranco Ferré – l’auteur de ce manteau –, John Galliano, Raf Simons et Maria Grazia Chiuri. Nous traversons ensuite un arc-en-ciel, un dégradé de camaïeux répartis sur les murs et faits de centaines de robes miniatures (on songe aux poupées-modèles de Rose Bertin), de dessins, de bijoux ou de souliers, groupés non pas en fonction de leur millésime mais de leur note dominante. L’impression que produit ce corridor est à coup sûr comparable à ce que ressent l’héroïne de Casse-noisette, Clara, en débarquant à Confiturembourg.

De nobles horizons, d’enivrantes parcelles se découvrent et s’étendent une fois descendu le degré menant à la deuxième partie de l’exposition ; mais vous voici d’abord confronté à un manteau en vison imaginé en 1988 par Frédéric Castet, l’illustre Monsieur Fourrure de la compagnie, au dos duquel surgit, s’étale, né des poils eux-mêmes, un bel Arc de triomphe sous lequel la Patrouille de France vient de faire passer sa traîne tricolore. Se déroule maintenant sous nos yeux un planisphère, un tapis magique frayant à travers l’Espace et le Temps : tout part de Trianon où l’on admire, non loin de la robe Marivaux de 1952, un manteau en breitschwanz brodé de cristaux dessiné en 2014 par Raf Simons ; puis viennent l’Afrique dorée, la Méditerranée de Carmen et l’Extrême-Orient où vous déchiffrerez peut-être cette robe de cocktail de 1951, imprimée de caractères asiatiques. Enfin, aux limites de ce paysage cosmopolite s’élève et s’ouvre comme une vaste serre, claire et calme où, veillée par un Fantin-Latour ou un Odilon Redon, fleurit l’âme de Dior : les fleurs ! entendu que la reine de ce royaume souple et fier est ici, non pas la rose toujours un brin sanguine (ou viscérale), mais le muguet toujours clinquant, crémeux, sororal. Au fond de ce jardin se forme une bulle où sont évoqués, autour de trois robes créées par Maria Grazia Chiuri – dont l’une baptisée Essence d’herbiers – ces voilettes et ces nimbes impalpables et savoureux, ces accessoires ultimes, volatiles, protégés et pilotés aujourd’hui par Patrick Demachy : les parfums de la maison.

DiorDiorTout aurait pu s’arrêter là, dans l’air ou les nues, mais tout continue, l’exposition se poursuit de l’autre côté du hall du musée. Imaginez à présent quelque temple antique (Jean Cocteau associait d’ailleurs les noms Dieu et or pour former celui de Dior), au pied duquel vous attend, comme une Pythie vêtue de noir et de blanc, le mémorable tailleur Bar de l’inaugurale ligne Corolle – que nous avons considérée tout au début – derrière lequel, dans une espèce de pronaos, s’étagent maintes variations sur ce puissant thème initial. Mais quelles processions, quelles récapitulations abrite ici la galerie formée par la colonnade d’un temple, la péristasis ? Nous passons à droite où six salles sont consacrées chacune aux six couturiers qui succédèrent au maître. Nous goûtons ainsi, dans la cellule dédiée à Yves Saint Laurent, l’ensemble Chicago composé d’une veste en croco brodée de vison et d’une jupe en lainage ; ou bien encore, dans la cellule dédiée à Marc Bohan, un tailleur en lainage pied-de-poule garni de plumes de coq. À l’arrière de notre bâtisse imaginaire (dans l’opisthodome), sont rassemblées des dizaines de toiles, ces modèles écrus qui, dans le monde de la Haute Couture, servent d’intermédiaires entre le croquis et le modèles définitif, ce que deux ouvrières, nichées au fond de la salle, se font une joie de vous expliquer. Dans l’autre longue section de la péristasis filent, défilent à vos côtés toutes les lignes échappées depuis soixante-dix ans des bourdonnantes sous-pentes du 30, avenue Montaigne, vous ramenant à l’avant, sur le seuil d’une cella crépitante : entrez dans le bal ! déambulez au cœur du bouquet final, dans la nef de la rue de Rivoli transformée en Palais des mirages où l’on croit voir tourner et se retourner, se gonfler et se froisser mille et une tenues du soir dominées par celle qui restera, sans doute, comme le Spirit of Ecstasy du catalogue ou des archives de la maison : le premier passage de la collection égyptienne – littéralement et métaphoriquement pharaonique – imaginée en 2004 par John Galliano, lequel avait six ans plus tôt fait descendre ses modèles d’un train qui, balançant sa vapeur, perforant une paroi orange comme un gros lapin noir, venait d’entrer pétaradant en gare de Paris-Austerlitz. Terminus : nombre de nos gares, majestueuses ou rustiques, ne font-elles pas songer toujours à quelque sanctuaire?

BENOÎT DAUVERGNE

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